Des collines verdoyantes du KivuDes collines verdoyantes du Kivu

Alors que le plus grand challenge pour le gouvernement est celui « d’assurer la Paix et le Pain » aux Congolais, l’équipe Suminwa se perd à créer une Aire protégée à la taille presque d’un pays comme la France. En RDC, les aires protégées existantes sont quasi à l’abandon, puisque les seules qui fonctionnent normalement sont celles qui sont financées par des partenaires extérieurs. Pendant que Donald Trump vient de quitter l’Accord de Paris sur le climat et prône le recours massif aux énergies fossiles en l’occurrence le pétrole afin de créer de la croissance économique aux États-Unis, le Gouvernement Congolais pense, lui, à baratiner la communauté internationale en lui offrant un demi-million de km² d’aire protégée, espérant bénéficier des dividendes en retour. Déjà, pour ses 155 millions d’hectares de forêts et ses tourbières qui rendent un service énorme à l’humanité toute entière, la RDC ne bénéficie que de miettes de cette communauté internationale. Autant dire que le gouvernement Suminwa fait fausse route avec cette initiative de créer un couloir vert depuis les collines du Kivu jusqu’à Kinshasa, en lieu et place d’initier des projets concrets permettant à la RDC de créer des richesses pour améliorer les conditions de vie des Congolais.

Le Décret de la Première Ministre Judith Suminwa portant Création d’une Aire Protégée à vocation de Réserve Communautaire dénommée « Couloir vert Kivu-Kinshasa » vient d’être rendu public ce mercredi 22 janvier, alors qu’il a été signé depuis le 15 janvier 2025.

Un décret controversé

Ce décret jugé controversé par la société civile environnementale est attaquable à plus d’un titre. D’abord, selon les organisations de la Société civile du secteur de l’Environnement en République démocratique du Congo, ce texte viole la procédure de création d’une aire protégée (AP), notamment en ce qui concerne les études d’impact environnemental et social, mais aussi passe outre le processus de Consentement Libre Informé Préalable (CLIP) des communautés locales concernées.

Le consentement libre informé préalable (CLIP) est le droit des communautés locales et des peuples autochtones (CLPA) à donner ou refuser leur consentement à tout projet touchant leurs terres, leurs moyens de subsistance ou leur environnement. Ce consentement doit être donné ou refusé librement, c’est-à-dire sans coercition, ni intimidation, ni manipulation et par l’intermédiaire des représentants librement choisis par les communautés via leurs institutions coutumières. Dès lors, le CLIP se doit d’être sollicité préalablement à la mise en œuvre d’un projet.

Bien plus, le droit au CLIP est considéré comme l’un des principes fondamentaux du droit international pour protéger les populations autochtones contre les atteintes à leur environnement et à leurs moyens de subsistance. Il est également de plus en plus fréquemment considéré comme le droit des communautés locales à se protéger contre les impacts importants menaçant les ressources et territoires pour lesquels elles peuvent formuler une revendication légitime d’usage établie de longue date.

En RDC, plusieurs textes donnent une idée sur les conditions de création d’une concession forestière des communautés locales qui, à son tour, peut être convertie en AP communautaire. En 2016, le Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et du Développement durable avait pris l’arrêté N°025/CAB/MIN/ECN-DD/CJ/00/RBM/2016 du 09 février 2016 portant dispositions spécifiques relatives à la gestion et à l’exploitation de la concession forestière des communautés locales pour assurer l’exécution du Décret du Premier Ministre N°14/018 du 02 août 2014 fixant les modalités d’attribution des concessions forestières aux communautés locales. De même, le Code forestier, en son article 22, reconnait aux communautés locales le droit de demander auprès de l’autorité en charge de la forêt l’appropriation d’une étendue (forêt) en vue d’une concession forestière des communautés locales.

À la lumière de ces textes, pour créer une AP Communautaire ou une Concession forestière des Communautés Locales, la procédure voudrait que ça soit la population d’un coin qui fasse une demande au Gouverneur de la Province concernée et après analyse et vérifications de la qualité des demandeurs, le Gouverneur peut prendre un décret et ensuite remonter l’information à l’ICCN et le Ministère de l’Environnement et développement durable.

Il existe déjà plus de 65 Aires protégées en RDC

 Pour ce couloir vert, la procédure n’est pas respectée et cela sera pris comme une imposition aux communautés habitant ces terres. Aucune consultation ou CLIP n’a été organisée auprès des communautés habitant la zone concernée. Et nulle part, une communauté n’a sollicité la création de cette Aire protégée communautaire.

Selon un expert environnemental, la RDC n’a pas besoin de créer une gigantesque AP communautaire. Le pays compte plus de 65 Aires Protégées, toute catégorie confondue (Parc national, Réserve de biosphère, Réserve communautaire, Réserve de faune, Parc marin, Domaine de chasse, etc.). Aujourd’hui, la plupart de ces AP qui tiennent sont celles qui fonctionnent avec un mode de gestion publique-privée. Là où il n’y a pas de partenaire technique et financier en appui de l’ICCN (Institut congolais pour la conservation de la nature), l’AP est souvent abandonnée à son sort.

L’AP communautaire qui est proposée par Eve Bazaïba sera sans nul doute une AP imaginaire et non concrète. Aucune aire protégée parmi celles existantes n’a une telle superficie. Et le gouvernement congolais n’a pas de moyens financiers pour assurer une gestion durable de 500.000 km² d’aires protégées.

Il sied d’indiquer que ce « Couloir vert Kivu-Kinshasa » traversera plusieurs types d’écosystèmes (cours d’eau, forêts, savanes, villages, etc.). Or, la création d’une AP est possible lorsqu’on sent qu’il y a surexploitation d’une ressource naturelle (une espèce ou un écosystème) qui peut amener à son extinction. Alors, la question qui mérite d’être posée est : quelles sont les espèces ou les écosystèmes en danger que le ministère de l’Environnement veut protéger dans ce Couloir Vert Kivu-Kinshasa ?

Le pays tourne en rond

 La République démocratique du Congo est le seul, pays parmi le Top 20 des pays les plus peuplés et les plus étendus, qui n’a pas su tirer son épingle du jeu dans le développement. En dépit de ses 100 millions d’habitants et de ses 2.345.410 km², le Congo-Kinshasa fait encore partie des PMA (pays les moins avancés du monde).

 Dès lors, ce que devrait être le challenge pour tout gouvernement en fonction est de permettre à ce que ce vaste pays, niché au cœur de l’Afrique et bourré des minerais dans son sous-sol, puisse exploiter ses immenses ressources naturelles de manière à les transformer en véritable richesse au bénéfice des Congolais et des Congolaises. Ce qu’aucun gouvernement n’a pu faire jusqu’ici. Car la RDC patauge encore, 64 ans après son indépendance.

 Hébergeant 60% du bassin du Congo, la RDC, par ses 155 millions d’hectares de forêts et ses tourbières, rend des services environnementaux énormes à l’humanité toute entière. En effet, ces tourbières stockent entre 26 et 32 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de trois ans d’émissions mondiales de combustibles fossiles. Le bassin central du Congo abrite 36 % de la superficie mondiale des tourbières tropicales et stocke 28 % du carbone des tourbières tropicales du monde.  Cependant, jusqu’à ce jour, le pays n’est pas récompensé à juste titre pour ses services environnementaux qui permettent d’amortir le réchauffement climatique. Ce, bien que le président Félix Tshisekedi ait fait quasiment le tour de tous les pays taxés de grands pollueurs pour faire parler de la RDC comme étant le pays solution au réchauffement climatique et à la transition énergétique.

 C’est dans ce contexte que la Première ministre Judith Suminwa, sur proposition de la Ministre de l’Environnement Eve Bazaïba, vient de légaliser la création d’une aire protégée à vocation communautaire sous le label « Couloir Vert Kivu-Kinshasa » avec espoir de confirmer la RDC comme pays solution !

 Ironie du sort

 Cette décision du gouvernement congolais intervient au lendemain de l’investiture de Donald Trump aux Etats-Unis qui, dans ses premiers décrets, a retiré son pays de l’Accord de Paris sur le climat. Bien plus, le 47ᵉ président américain prône le recours massif au forage du pétrole pour créer la croissance économique dans son pays et partager les richesses ainsi créées au peuple américain. Trump considère que ce qui est le plus important pour son pays, c’est de créer de la richesse pour son peuple !

En revanche, en RDC où 26 millions des Congolais sont livrés à l’insécurité alimentaire, 7 millions de déplacés de guerre internes vivent dans des conditions inhumaines, pays qui accuse un déficit criant des infrastructures de base et qui dépense plus de 3 milliards USD pour importer la nourriture de son peuple, l’équipe gouvernementale est préoccupée  à déclarer un demi-million de km² ( la superficie de la France c’est 551.000 km²) comme une aire protégée dans le seul but de faire plaisir à la communauté internationale.

C’est un secret de polichinelle : en créant ce « Couloir vert Kivu-Kinshasa », les dirigeants congolais espèrent que la communauté internationale pourra lui rendre l’ascenseur en lui donnant des subsides liés au Fonds climat. Si hier Kinshasa n’a pas bénéficié davantage des ressources ni pour s’adapter encore moins pour atténuer les effets du changement climatique malgré son statut de Pays solution, ce n’est pas aujourd’hui où cette communauté internationale se fera bonne conscience de remplir son devoir, surtout que Washington se retire de l’Accord de Paris sur le Climat.

 Rappelons que l’objectif primordial de l’Accord de Paris est de maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels.

Face à cet objectif, les pays, notamment les plus industrialisés, se sont engagés à financer jusqu’à 100 milliards USD par an des projets d’adaptation et d’atténuation des effets du changement climatique dans le monde. Ce qui n’a pas marché jusqu’ici. Malgré cela, à la COP29 à Bakou, les experts ont estimé à 1000 milliards de dollars par an comme budget nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques actuels. Ce qui reste une chimère.

 Le salut de la RDC est dans l’exploitation, y compris de manière durable, de ses ressources naturelles du sol et du sous-sol, de sa riche hydrographie, de ses 80 millions d’hectares des terres arables et 40 millions des terres irrigables pour l’agriculture, de ses 155 millions d’hectares de forêts par le développement de l’agroforesterie, de manière à sortir le pays et les Congolais de la pauvreté.

Pour cet objectif, l’aide de la communauté internationale ne sera qu’un appoint, alors que c’est le gouvernement congolais qui doit créer les conditions nécessaires au développement du pays. Créer une aire protégée communautaire aussi vaste comme la France ne sortira aucun Congolais de la pauvreté. Les communautés environnantes des 65 aires protégées déjà existantes en RDC vivent toutes dans la pauvreté à ce jour.

 Amédée Mwarabu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

By amedee

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