Dans un pays longtemps dépendant des évacuations médicales à l’étranger, l’inauguration du Centre Hospitalier Tshisekedi Tshilombo (CHTT), jeudi 17 avril à Lubumbashi, marque une inflexion majeure dans la stratégie de santé publique congolaise. Ce complexe hospitalier ultramoderne, financé par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), ambitionne de replacer la République démocratique du Congo (RDC) sur la carte de l’excellence médicale africaine. Au-delà de la prouesse technique, c’est une vision politique qui s’esquisse : celle d’un État qui investit dans son propre capital humain, assume la charge de ses vulnérabilités structurelles et érige l’accès aux soins en levier de développement. Ce pari, s’il se confirme dans la durée, pourrait inaugurer un changement de paradigme longtemps attendu.
Pari ambitieux pour le système de santé congolais. Le Centre Hospitalier Tshisekedi Tshilombo (CHTT), inauguré jeudi 17 avril à Lubumbashi (Haut-Katanga) par le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix-Antoine Tshisekedi, se veut une réponse concrète aux défis d’accès aux soins spécialisés dans le pays. Érigé sur fonds propres de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), l’établissement marque une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la couverture santé universelle, priorité du gouvernement congolais.
Située sur l’avenue Kasenga, dans la capitale du Haut-Katanga, cette infrastructure hospitalière du niveau tertiaire s’étend sur plus de 13 000 m², dans une concession de trois hectares. Elle a été pensée comme un centre de référence national et sous-régional, avec une orientation affirmée vers la haute technologie médicale et la médecine spécialisée. Son édification aura nécessité près de dix ans de travaux, entre les études géotechniques, le respect des règles de marchés publics, et la coordination de plusieurs bureaux d’études et entreprises locales et internationales.
« Ce centre hospitalier est la preuve que les défis d’aujourd’hui sont les opportunités de demain », a déclaré Charles Mudiay, directeur général de la CNSS, qui voit dans cette réalisation l’incarnation d’un rêve porté par le chef de l’État. La construction de ce centre, a-t-il ajouté, s’inscrit pleinement dans la mission de la CNSS, en tant qu’outil de prévention des risques sociaux et de promotion de la santé.
Objectif : limiter les évacuations sanitaires
Le ministre de la Santé publique, Dr Samuel Roger Kamba, a pour sa part souligné la portée stratégique du projet. L’inauguration du CHTT n’est que la première étape d’un plan plus large visant à doter la RDC de cinq centres hospitaliers tertiaires similaires à travers le pays, toujours avec l’appui de la CNSS. L’objectif est clair : réduire considérablement les coûteux transferts médicaux à l’étranger, qui mobilisent chaque année quelque 35 millions de dollars du budget national.
Selon les autorités sanitaires, le CHTT doit également contribuer à améliorer la qualité des soins pour les populations défavorisées, grâce à une tarification accessible et à une prise en charge intégrée. « Ce centre est accessible à toutes les bourses, et il en sera de même pour les quatre autres à venir », a assuré le ministre Kamba.
Un plateau technique inédit dans le pays
Le Centre Hospitalier Tshisekedi Tshilombo se distingue par la richesse de son plateau technique, inédit dans un hôpital public congolais. Il dispose notamment d’une IRM de 1,5 tesla sans hélium – une première en RDC –, d’un laboratoire de biologie moléculaire et d’un laboratoire d’anatomopathologie avec service d’extemporané. En chirurgie, il est équipé pour les interventions complexes en urologie, chirurgie viscérale, neurochirurgie, et traumatologie orthopédique, avec des technologies telles que la neuro-navigation ou encore des colonnes de vidéochirurgie mini-invasive.
Le centre comprend également une unité de dialyse, une dentisterie de pointe, un service d’ophtalmologie de haut niveau, ainsi qu’un centre d’appareillage orthopédique en partenariat avec la société allemande Ottobock. Une attention particulière a été portée à la formation continue, avec des salles de conférence et de téléenseignement destinées à faire du CHTT une référence en télémédecine.
Une ambition régionale
Le président Tshisekedi ambitionne d’en faire un pôle d’excellence en Afrique centrale. Dès l’année prochaine, un centre de cardiologie avec chirurgie cardiaque et un service de médecine nucléaire devraient y être implanté. L’établissement vise également, à terme, une certification ISO 9001, standard international en matière de gestion de la qualité, qui en ferait le premier hôpital public du pays à obtenir ce label.
Le projet, porté par une main-d’œuvre recrutée par appel d’offres et sélectionnée sur critères de compétence, reflète une volonté de rupture avec les pratiques de gestion antérieures. Il s’agit d’offrir un environnement de travail rigoureux et stimulant, à même d’attirer les talents et de garantir un service de qualité aux patients.
Un symbole politique et social
La construction du CHTT intervient dans un contexte oùLa construction du CHTT intervient dans un contexte où la sécurité sociale, souvent marginalisée dans les débats publics en RDC, cherche à se repositionner comme un pilier essentiel du développement humain. « La sécurité sociale, c’est la protection contre les aléas de la vie, mais aussi un levier pour la stabilité économique et la cohésion sociale », a insisté Charles Mudiay.
Si des critiques avaient émergé sur la pertinence d’un tel investissement par la CNSS, ses responsables rappellent que l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) encouragent ce type d’initiatives. Le partenariat entre la CNSS et le ministère de la santé, désormais encadré par une convention, est présenté comme un modèle de gouvernance partagée.
Reste à voir si les ambitions affichées seront tenues dans la durée. L’enjeu est de taille : reconstruire la confiance des citoyens dans le système de santé national, tout en rompant avec la dépendance vis-à-vis de l’étranger. Pour les autorités congolaises, cette inauguration est plus qu’un symbole. C’est, affirment-elles, « le début d’une révolution silencieuse dans l’accès aux soins ».
Pitshou Mulumba (Infos27)