Les Congolais constatent non sans surprise que la réduction de 13% des prix de carburant n’a jusque là aucune incidence sur les prix des autres biens et services dans les grandes villes de la RDC. Pourtant, très souvent, l’on semble alléguer que le prix du carburant est déterminant dans la tendance à la hausse ou à la baisse de nombre des biens et services sur le marché national.
Premièrement, il faut savoir qu’en République démocratique du Congo, l’inflation n’est pas simplement une question de prix du carburant. La dépréciation du franc congolais est l’une des causes principales de la réduction du pouvoir d’achat de la monnaie nationale. Dès lors, même si le prix du carburant à la pompe diminue, les coûts des produits de base, souvent importés, continuent d’augmenter à cause de la chute de la monnaie. Autant dire que les réductions de coûts liées au carburant se noient dans l’océan des pressions inflationnistes.
Deuxièmement, il y a lieu de constater que la structure du marché en République démocratique du Congo joue aussi un rôle crucial. Beaucoup d’entreprises opérant dans des secteurs comme le transport, la distribution et la logistique bénéficient d’une position de quasi-monopole (les supers marchés, les gros importateurs des produits de grande consommation). Cela leur permet de ne pas répercuter immédiatement, voire pas du tout, les réductions de coûts de prix de carburant. Après tout pourquoi baisser les prix quand les clients n’ont pas d’autre choix ? La faible concurrence donne à ces entreprises le luxe de préserver leurs marges bénéficiaires, même quand leurs coûts diminuent notamment du fait du prix de carburant.
En troisième lieu, il faut savoir aussi qu’en RDC, les infrastructures, notamment les routes et les réseaux de distribution, sont souvent en mauvais état, ce qui augmente les coûts de transport des biens, quel que soit le prix du carburant. A ceci, s’ajoute particulièrement les embouteillages sur les artères en ce qui concerne la ville de Kinshasa. Ces coûts logistiques élevés, amplifiés par les défis de transport dans une ville comme Kinshasa ou dans des régions éloignées, rendent les entreprises réticentes à ajuster les prix.
Quatrièmement, même avec la baisse du prix du carburant, la taxation élevée sur les biens importés et les barrières administratives (voire les tracasseries policières dans les ports et le transport) rendent difficile une réduction des prix. Ces taxes, combinées à des marges bénéficiaires déjà serrées pour les commerçants et prestataires de services, limitent la possibilité de répercuter une baisse des coûts de carburant.
En somme, la baisse des prix du carburant à la pompe en RDC n’est qu’une pièce d’un puzzle plus vaste. Tant que l’inflation, les monopoles, les infrastructures défaillantes, la taxation élevée, non sans compter le manque de régulation, ne sont pas redressés, les prix des biens et services ne reflèteront pas toujours les variations du prix du carburant.
Amédée Mwarabu