Un tracteur dans un champUn tracteur dans un champ

La Tanzanie a atteint un taux d’autosuffisance alimentaire de 128% cette année. Quant à la Sierra Léone, le pays a réduit ses importations de 20 millions de tonnes de riz. En Tanzanie, cette autosuffisance alimentaire a permis au pays de Julius Nyerere de limiter le taux d’inflation autour de 3% cette année. Voilà deux pays, par la volonté politique de leurs dirigeants, ont pu réaliser des prouesses dans le secteur agricole en un temps record. Pendant ce temps, la RDC patauge à concrétiser la vision pourtant salvatrice de « la revanche du sol sur le sous-sol ».

La présidente de la Tanzanie Samia Suluhu Hassan et son homologue de la Sierra Leone, Julius Maada Bio, ont tous deux étaient invités à participer à l’édition 2024 du dialogue international E. Norman Borlaug du Prix mondial de l’alimentation, tenu dans l’IOWA aux États-Unis et modéré par le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. Cette session de haut niveau était intitulée « Des mesures audacieuses pour nourrir l’Afrique ».

Un taux de 128% d’autosuffisance alimentaire en Tanzanie

Lors de son intervention le 31 octobre, la présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan, a annoncé que la Tanzanie a atteint 128 % de taux d’autosuffisance alimentaire, et exportait désormais son excédent vers les pays voisins. Ce pays est devenu ainsi l’un des deux pays transformateurs de noix de cajou les plus performants du continent.

La présidente Suluhu Hassan a déclaré devant un auditoire bondé qu’après avoir atteint l’autosuffisance alimentaire, « nous travaillons désormais sur la qualité, l’accessibilité et le prix, ainsi que sur la manière de minimiser les pertes après récolte ».

Le président de la BAD M. Adesina a salué le leadership et la forte volonté politique de la présidente tanzanienne, à l’origine du succès de son pays. Il a souligné que l’engagement croissant d’autres pays africains soulignait la volonté du continent d’investir à grande échelle dans l’agriculture et la production alimentaire.

Il a rappelé combien le Sommet Dakar 2 « Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience », organisé en janvier 2023 par la Banque africaine de développement, avait suscité un engagement dans toute l’Afrique en faveur de Pactes pour l’alimentation et l’agriculture spécifiques à chaque pays. Le sommet, organisé en collaboration avec le gouvernement sénégalais et l’Union africaine, avait réuni 34 chefs d’État et de gouvernement africains. À ce jour, il a permis de mobiliser plus de 72 milliards de dollars.

Selon la présidente Suluhu Hassan, la Tanzanie avait quitté le sommet de Dakar 2 avec un accord signé et la détermination de mettre en œuvre une productivité accrue ainsi que la volonté politique de créer des institutions et des structures de soutien pour ses agriculteurs. « Nous avons compris qu’il était beaucoup plus coûteux de ne pas investir dans l’agriculture que d’investir dans le secteur », a-t-elle reconnu.

Bien plus, la Tanzanie a battu un nouveau record en devenant un transformateur et exportateur net de noix de cajou qui, pour la quasi-totalité des pays africains, sont transformées en Asie. Le pays a également réussi son électrification rurale, près de 100 % de ses 12 300 villages ayant accès à l’électricité, selon la dirigeante tanzanienne.

Soutenu par des investissements de la Banque africaine de développement, le programme tanzanien de création d’emplois pour les jeunes et les femmes cible les 65 % de jeunes que compte le pays en leur proposant des formations dans l’agriculture, l’élevage et les cultures.

Chaque jeune tanzanien reçoit dix acres de terre et bénéficie d’une formation ; 11 000 jeunes en ont déjà bénéficié et la récolte de cette année a commencé. « Nous remercions la Banque africaine de développement pour son soutien à ce programme », a-t-elle ajouté.

Il sied de préciser que cette autosuffisance alimentaire a permis à la Tanzanie de maintenir l’inflation à un niveau stable de 3 %. »Vos efforts ont assuré à notre pays un approvisionnement alimentaire abondant, crucial pour stabiliser l’inflation à seulement 3 % et protéger notre population des défis de la pénurie et des coûts élevés de l’alimentation », soulignait la présidente tanzanienne en juillet dernier.

Le modèle Sierra Léonais

Rejoignant M. Adesina sur scène, le président de la Sierra Leone a évoqué la réussite de son pays dans le cadre de la stratégie « Feed Salone », qui a permis de réduire les importations de riz de 20 millions de tonnes et de stimuler la productivité agricole locale.

Jusqu’alors, la sécurité alimentaire n’avait pas fait l’objet d’une attention suffisante de la part du pays et le président Bio a indiqué qu’il avait mis l’accent sur l’éducation au cours de son premier mandat. « L’agriculture est la base du développement », a-t-il déclaré.

Le programme « Feed Salone » a contribué à accroître la productivité agricole pour nourrir le pays et lui permettre d’exporter. « Nous avons déjà réduit les importations de riz de 20 millions de tonnes », a-t-il précisé. « Nous sommes ici pour partager l’histoire de la Sierra Leone et inviter les investisseurs. Nous sommes un pays ambitieux et nous voulons réussir à attirer les investisseurs. »

Adesina a souligné les efforts de la Banque africaine de développement pour remodeler les perceptions mondiales de l’Afrique et stimuler les investissements dans des secteurs essentiels comme l’agriculture. Il a affirmé que cet événement et le Dialogue sur l’Afrique, également organisés par la Banque dans l’Iowa, visaient à briser les stéréotypes et à mettre en valeur le potentiel du continent, qui abrite 65 % des terres arables encore disponibles dans le monde et qui dispose de la technologie nécessaire pour faire de l’Afrique un grenier alimentaire mondial.

Cette édition 2024 du Dialogue Norman E. Borlaug a réuni des experts du monde entier afin de faire émerger des solutions novatrices pour lutter contre la faim dans le monde. Le thème « Seeds of Opportunity, Bridging Generations and Cultivating Diplomacy » (Graines d’opportunité, rapprocher les générations et cultiver la diplomatie), prône la collaboration, l’héritage et l’espoir dans la lutte pour la sécurité alimentaire.

Et la RDC ?

En République démocratique du Congo, les investissements publics dans le secteur agricoles n’ont encore rien produit jusqu’ici, reléguant à un simple slogan la vision du président de la République Félix Tshisekedi de « la revanche du sol sur le sous-sol » à un simple slogan.

Dans le projet de Budget 2025, il y est inscrit des crédits budgétaires de l’ordre de 1,3 milliard USD pour l’agriculture, en accroissement de 13% par rapport au budget 2024. L’on attend voir ce que pourra produire puisque les 1,1 milliard USD alignés dans le budget en cours 2024 n’ont produit aucun effet.

« J’ai décidé d’appuyer les coopératives agricoles ainsi que les agropoles, les fondations et entrepreneurs agricoles et de faire des Partenariats Public Privé (PPP), le cheval de bataille de mon Ministère qui ambitionne de faciliter l’installation d’au moins 60 000 ha de cultures sur toute l’étendue de la République, en raison de 2 000 à 3 000 par province », déclarait le ministre de l’Agriculture, Grégoire Mutshail Mutomb, lors de la cérémonie de lancement de la campagne agricole 2024-2025, mi-octobre 2024.

Le Gouvernement Suminwa devrait s’inspirer des modèles tanzanien et sierra leonais pour enfin développer le secteur agricole, celui de l’élevage et l’autre de la pêche en RDC. Comme l’ont expérimenté la Tanzanie et la Sierra Leone, « il est plus coûteux de ne pas investir dans l’agriculture que d’investir dans le secteur ».

Avec 26 millions de personnes livrées à l’insécurité alimentaire, la RDC a été classée au 7ᵉ rang mondial des pays les plus touchés par la faim dans le dernier rapport de l’indice mondial de la faim (Global hunger index, GHI 2024) publié en octobre 2024. Avec un score de 34,9 points sur 100, la situation alimentaire en RDC est jugée « grave » par ce rapport.

Pourtant, le Congo-Kinshasa est doté d’immenses potentialités pour le développement de l’agriculture par ses 80 millions d’hectares de terres arables et 40 millions d’hectares de terres irrigables non sans compter une pluviométrie favorable la riche réseau hydrographique qui beigne l’ensemble du territoire national.

Amédée Mwarabu

By amedee

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