De quoi la République démocratique du Congo peut se prévaloir d’avoir accompli de grandiose en 2024 ? Quel gain les populations congolaises peuvent brandir de mieux pour leurs conditions de vie avec cette année qui touche à sa fin ? Autant de questions que chaque Congolais peut se poser légitimement pour voir ce qu’a été l’année 2024 au plan national. À scruter de près ce qu’a été cette année 2024, il se trouve que la RDC continue de faire des petits pas, sans changer grand-chose en termes de son développement, encore moins de l’amélioration des conditions de vie des Congolais. En dépit de ses potentialités énormes en ressources naturelles, de son vaste territoire placé géo-stratégiquement au cœur de l’Afrique autour de ses neuf voisins, ou encore de sa grande population évaluée à plus de 100 millions d’âmes, la République démocratique du Congo peine à faire des pas de géant. Pour tout dire, le Congo-Kinshasa, en cette année 2024 finissant, reste malheureusement dans ses petits souliers.
L’année 2024 se termine résolument dans quelques jours et chaque pays peut faire son bilan de ce qu’il a accompli comme réalisations au plan social, économique, culturel, de la coopération et même de son développement, tant au profit de son peuple que du reste de l’humanité. Le monde est en compétition et la RDC ne devrait pas être en reste parce qu’engagée dans le concert des nations.
Cependant, l’analyse rigoureuse de l’année 2024 indique que la RDC n’a pas accompli de grandes choses. Hélas, le pays patauge encore dans bien des secteurs. Certes, l’année devrait être difficile pour la RDC dans le sens où c’est l’année qui suit la tenue des élections de décembre 2023, mais au contraire cette période devrait être, avec l’installation des institutions issues des élections, une opportunité d’une véritable amorce à l’émergence de ce vaste pays d’Afrique centrale. Ce qui n’a pas été le cas au regard de l’analyse des indicateurs socio-économiques.
Déjà, la persistance de l’insécurité dans les deux provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri continue de fragiliser le pays avec des millions de dollars dépensés pour faire la guerre alors que cet argent devrait servir au développement. Et quand on parle de la guerre, on voit toutes les conséquences fâcheuses que cela implique. La RDC se retrouve aujourd’hui avec plus de 7 millions de déplacés internes qui vivent loin de leurs habitations, voire dans des camps dans des conditions infrahumaines. La guerre dans la partie est et même l’insécurité dans la partie ouest avec les Mobondo restent des boulets à un développement adéquat de la RDC.
Le cadre macroéconomique tient
Pourtant, les indicateurs du cadre macroéconomique restent favorables. En cette année, la RDC lorgne sur un taux de croissance de 6% largement impulsé par le secteur extractif. Le franc congolais n’a perdu que 4,6% de sa valeur durant les onze premiers mois de l’année et il s’observe une stabilité du franc congolais durant ces sept derniers mois. Quant au taux d’inflation, il est autour de 11%, alors qu’il avoisinait les 21% à la fin de l’année 2023. De même, les réserves internationales du pays caracolent à plus de 6 milliards de dollars, soit un bon matelas financier susceptible d’amortir les chocs endogènes et exogènes pendant au moins 14 semaines. Et tout concourt pour que le Gouvernement mobilise le 15 milliards USD du budget rectificatif 2024.
Cependant, le panier de la ménagère ne cesse de se réduire, notamment du fait de l’inflation, mais surtout aussi de l’importation de l’essentiel des produits de grande consommation. Et les mesures conjoncturelles du gouvernement sur la baisse des prix de 9 produits de base ne peuvent changer la donne durablement. La vision de la revanche du sol sur le sous-sol tant prônée par le président de la République reste un projet chaque fois renvoyé à l’année d’après. C’est depuis six ans maintenant que le chef de l’État a prôné cette vision de promouvoir l’agro-industrie afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en RDC, sans résultat probant. Les 80 millions d’hectares des terres arables et les 40 millions des terres irrigables continuent d’héberger des herbes sauvages plutôt que le maïs, le riz, les pommes de terre, le haricot et tant d’autres produits susceptibles d’y pousser.
Remettre les Congolais au travail
Dans son discours sur l’état de la nation, Félix Tshisekedi n’a pu citer que les deux entreprises jusque-là accueillies dans la zone économique spéciale de Maluku et la société KICO de Kipushi, comme exemple de création d’emplois. Ces sociétés n’ont pu créer à peine moins de 3 000 emplois. Ce qui fait qu’on est encore loin de 1,2 million d’emplois promis chaque année dans le programme du gouvernement 2024-2025. Autant dire que le chômage de masse continue dans le pays. Et un pays qui connait un taux de chômage de plus de 60% ne peut pas logiquement décoller économiquement. Le développement de la RDC est tributaire de la création massive des emplois afin de stimuler la croissance économique nécessaire dont le pays a besoin pour son décollage. Le gouvernement doit œuvrer pour remettre les Congolais au travail.
En termes d’infrastructures, la RDC n’a pu rien faire de substantiel durant cette année 2024. Handicapé par un long moment d’inactivité, entre janvier et juin, où le gouvernement sortant expédiait les affaires courantes, le pays n’a pas réalisé de gros ouvrages. Même le PDL 145 T n’a pas été financé à la hauteur des prévisions budgétaires. C’est à peine en octobre 2024 que le ministre des Finances Doudou Fwamba a décaissé 59 millions USD pour la relance de la deuxième phase. A part le lancement des rocades de Kinshasa où une autoroute à quatre bandes sur 63 Km est en construction avec plusieurs bretelles dans la périphérie de Kinshasa et devra relier l’aéroport en contournant plusieurs communes de la capitale, pas grand-chose n’a été faite dans les provinces en termes d’infrastructures. Kinshasa est immobilisée suite aux embouteillages dus en gros à l’insuffisance des routes en bon état.
Inauguré pourtant cette année, le nouvel hôpital de référence Mama Yemo, rebaptisé Centre Hospitalier Universitaire Renaissance, n’est pas encore opérationnel. Le vaste chantier de l’université de Mbuji-mayi continue et n’est pas encore terminé. Il en est de même de l’hôpital de référence de Mbuji-Mayi qui reste en chantier, tout comme le Centre financier de Kinshasa et l’Arena de Kinshasa. En ce qui concerne des infrastructures de base, Félix Tshisekedi a promis un hôpital de référence et une université dans chaque province. On n’y est pas encore. On est encore au stade de chercher de financement pour ces vastes projets d’infrastructure de base.
De grands projets en berne
Le constat est que tous les grands chantiers de la République sont soit à l’arrêt, soit les travaux peinent à démarrer. C’est le cas du port en eaux profondes de Banana, le nouvel aéroport de Kinshasa, le port sec de Kasumbalesa, le pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville, les chemins de fer Kolwezi-Dilolo à la frontière avec l’Angola dans le cadre du Corridor de Lobito, non sans oublier la réhabilitation totale de la nationale numéro 1 (RN1) Muanda-Kasumbalesa ou encore les chemins de fer entre Kinshasa et Ilebo, le balisage total et le dragage du fleuve Congo et ses affluents. Tous ces projets, du reste structurants, sont loin d’être une réalité en RDC.
En somme, la RDC reste en déficit criant d’infrastructures de base : seulement 3 000 Km des routes asphaltées sur les 58 000 Km des routes nationales ; à peine 2500 MW de capacité énergétique exploitée sur 100.000 MW de potentialités disponibles, avec l’essentiel des entreprises du Portefeuille en faillite notamment les sociétés structurantes comme la SNCC et l’ONATRA. Ceci handicape lourdement le développement de la RDC. Si bien que tant que le déficit d’infrastructures restera aussi énorme, il est illusoire de prétendre à l’émergence économique du pays.
Fruit de la Coopération entre la République démocratique du Congo et la République populaire de Chine, le Centre Culturel et Artistique pour les pays d’Afrique centrale (photo) que le président Félix Tshisekedi a inauguré le 14 décembre passe pour le plus grand ouvrage acquis en cette année 2024, avec un coût des travaux estimé à 100 millions USD. Cet ouvrage, don du peuple chinois, reflète la grandeur de la RDC et est un signe palpant d’une coopération qui produit des résultats concrets.
Des perspectives à capitaliser
Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. La RDC a vocation de grandeur et doit jouer son rôle de pays leader de la sous-région de l’Afrique centrale. Pour cela, il faut un changement de paradigme. Alors que le gouvernement accuse une propension à dépenser les fonds publics prioritairement au fonctionnement des ministères et des institutions politiques comme la présidence de la République et le Parlement, il est temps de privilégier les investissements publics. C’est le seul moyen de doter le pays des infrastructures de base et par ricochet de booster l’économie nationale.
Dans cette perspective, les 7 milliards prévus dans le budget 2025 pour les dépenses d’investissement sont une opportunité pour le gouvernement Suminwa d’amorcer véritablement les travaux d’infrastructures afin de stimuler la croissance économique. Tout compte fait, si le budget 2025 est exécuté tel que voté au Parlement en priorisant les dépenses d’investissements, le pays pourra faire un pas de géant dans la bonne direction. Cela est une nécessité. Tout comme l’actuel Exécutif national doit initier des réflexions pour des financements innovants afin de les orienter dans les secteurs porteurs comme l’agro-industrie, l’industrie, les technologies, voire l’économie verte.
Amédée Mwarabu