Le 23 mai 2025, Joseph Kabila, l’ancien président qui a tenu la République démocratique du Congo sous son joug pendant 18 longues années, a brisé, six ans, de silence pour nous offrir un spectacle aussi théâtral que révoltant. Moi, qui ai été une victime directe de son régime autoritaire, emprisonné, humilié, dépossédé de mes biens et réduit au silence pour avoir osé dénoncer ses abus et des élections libres. Je ne peux que regarder cette réapparition avec méfiance et indignation.
Ce discours, où il se drape dans le costume d’une victime outragée tout en attaquant le régime de Félix Tshisekedi avec une hypocrisie sans nom, est une insulte à la mémoire de tous ceux qui ont souffert sous sa férule.
Un martyr autoproclamé : une insulte à nos souffrances
Kabila ose se présenter comme un martyr, pleurnichant sur « six ans de provocations, d’humiliations, d’atteintes à sa dignité ». Quelle audace ! Lui, qui a fait emprisonner plus de 700 opposants politiques, dont moi-même et de nombreux députés, parle d’humiliation ? Lui, qui a ordonné la répression brutale des marches pacifiques, comme celles des chrétiens abattus sans pitié sous son commandement, ose se plaindre? Son silence, qu’il qualifie de « sacrifice patriotique », n’était rien d’autre qu’une fuite, une lâcheté face à l’obligation de rendre des comptes.
Et maintenant, il prétend parler au nom de « 100 millions de Congolais » pour sauver le pays ? C’est une mascarade, un prétexte pour revenir sur le devant de la scène et effacer ses crimes.
Un passé réinventé, un présent dénigré : le mensonge comme arme
Dans une réécriture éhontée de l’histoire, Kabila dépeint son règne comme un âge d’or : un Congo « réunifié, pacifié », avec une « économie dynamique » et une armée « en voie de professionnalisation ». Quelle farce ! Sous son pouvoir, j’ai vu un pays déchiré par les conflits dans l’Est, où les milices prospéraient pendant que l’armée, mal équipée et corrompue, échouait à protéger les citoyens. Les élections truquées de 2006, 2011 et 2018, la corruption généralisée, les massacres comme celui de l’aéroport de Ndjili en 2011, les fosses communes, les droits de l’homme piétinés – voilà le véritable héritage de Kabila, pas cette fable qu’il tente de nous vendre.
Et que dire de son attaque contre le régime actuel ? Il parle de « dictature », de « tyrannie », d’un « espace de non-droit ». Ces mots sonnent comme une plaisanterie cruelle venant d’un homme qui a piétiné la Constitution pour s’accrocher au pouvoir, avec ses célèbres « glissements », qui l’ont maintenu au pouvoir 2 ans de plus le mandat constitutionnel, qui a transformé la prison de Makala en tombeau pour les opposants – comme en 2017, quand des milliers de prisonniers, dont des politiques comme moi, ont été tués ou ont disparu dans une attaque orchestrée sous son nez, sans qu’aucune enquête sérieuse ne voie le jour. Oui, Tshisekedi a ses défauts, mais Kabila est mal placé pour jouer les moralistes.
Un réquisitoire hypocrite : le bourreau qui crie à l’injustice
Kabila fustige une jeunesse « désabusée », un peuple en « angoisse existentielle », victime de famine et d’exode rural. Mais où était-il quand cette même jeunesse descendait dans les rues en 2015 et 2018 pour exiger son départ, affrontant ses balles et ses gaz lacrymogènes ? Il accuse Tshisekedi de tous les maux, oubliant que la corruption, l’insécurité et la misère étaient déjà notre quotidien sous son règne. Le massacre de Makala en 2024 ? Il le qualifie de « crime contre l’humanité », mais passe sous silence celui de 2017 sous sa propre présidence. Ce n’est pas une critique sincère, c’est un règlement de comptes personnel, une tentative de rallier les mécontents à sa cause perdue.
Le « pacte citoyen » : des promesses vides d’un homme discrédité
Et puis, il y a ce soi-disant « pacte citoyen » en 12 points, une liste de vœux pieux qui sonne comme une campagne électorale déguisée. Fin de la dictature, paix, démocratie, développement – qui pourrait être contre ? Mais regardons de plus près :Mettre fin à la dictature et à la tyrannie : Lui, qui a réprimé toute dissidence, ose promettre cela sans expliquer comment. Ridicule.
Arrêter la guerre : Les violences dans l’Est ont explosé sous son mandat. Quelle solution miracle a-t-il aujourd’hui ? Aucune.
Rétablir l’autorité de l’État : Les provinces échappaient à son contrôle. Où est son plan ? Inexistant.
Restaurer la démocratie et l’État de droit : Lui, qui a manipulé la CENI et la justice, n’a aucune crédibilité ici.
Garantir les libertés fondamentales : Mes années en prison témoignent du contraire. Quelle garantie propose-t-il ? Rien.
Réconcilier les Congolais : Son favoritisme régional a divisé le pays. Sa recette pour l’unité ? Inconnue.
Relancer le développement : La corruption a prospéré sous lui. L’indice de développement humain, qu il ose citer, était encore plus bas que celui d’aujourd hui. Son antidote ? Absent.
Dialoguer avec les voisins : Ses liens troubles avec Rwanda et Ouganda ont aggravé les tensions. Sa stratégie ? Floue.
Rétablir la crédibilité internationale : Son régime a isolé le Congo. Comment compte-t-il faire ? Silence. Comment oublier que son régime fut le seul, dans l’ histoire de ce pays, à être condamné par le Comité des droits de l’homme des Nations Unis, avec le jugement 2465/2014, le premier dans l’histoire de la RDC où un congolais, Diomi Ndongala, avait porté plainte et gagné un procès international contre un état et un régime, celui de Joseph Kabila?
Neutraliser les groupes armés : Ses programmes DDR ont échoué. Une nouvelle idée ? Non.
Mettre fin aux mercenaires : Il en a lui-même employé. Sa promesse est hypocrite.
Exiger le retrait des troupes étrangères : Il a toléré MONUSCO. Son nationalisme soudain est opportuniste.
Ce ne sont pas des solutions, ce sont des slogans, un écran de fumée pour masquer son incapacité et son passé désastreux.
Un retour qui ne trompe que les naïfs
Joseph Kabila ne revient pas en sauveur, mais en opportuniste. Son discours mêle victimisme, attaques venimeuses et une nostalgie falsifiée qui ne résiste pas à l’épreuve des faits. Moi, qui ai payé le prix de sa tyrannie, je le dis haut et fort : cet homme n’a rien à offrir au Congo sinon plus de division et de désillusion.
Son « pacte citoyen » n’est qu’un mirage, un piège pour les désespérés. Nous, Congolais, méritons mieux qu’un retour en arrière vers un passé de répression, de mensonges et d’imposture.
Rejetons ce faux prophète et tournons nous vers un avenir bâti sur la vérité et la justice.
Eugène Diomi Ndongala,
Ancien prisonnier politique de Joseph Kabila