Un travailleur dans une usine. Photo d'illustrationUn travailleur dans une usine. Photo d'illustration

La stagnation des revenus dans les pays d’Afrique subsaharienne riches en ressources naturelles appelle à une gestion budgétaire plus efficace et à des réformes structurelles d’envergure.

L’Afrique subsaharienne compte cette année neuf des vingt pays dont la croissance est la plus rapide au monde. Des statistiques aussi surprenantes que celle-là sont cependant rarement évoquées dans les débats portant sur les perspectives de la région. Au lieu de cela, les chiffres qui ressortent font généralement état de résultats économiques moyens relativement modestes. Ce décalage s’explique par un modèle de croissance à deux vitesses, dans lequel une partie importante de la région affiche de mauvais résultats. Notre note d’analyse relative aux dernières Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne examine cette question de plus près.

Au cours des dix dernières années, la croissance des pays riches en ressources naturelles d’Afrique subsaharienne, en particulier des pays exportateurs de carburants comme l’Angola, le Nigéria et le Tchad, a fortement ralenti, tombant bien en deçà de celle des pays pauvres en ressources naturelles (comme l’Éthiopie, le Rwanda et le Sénégal). En effet, les revenus des pays riches en ressources ont pour l’essentiel stagné. Cela contraste fortement avec la décennie avant 2014, lorsque ces pays ont connu une croissance rapide, en phase avec les solides résultats de la région dans son ensemble.

Après 2014, la divergence entre les pays riches en ressources naturelles et les autres s’est accentuée en grande partie en raison de la combinaison de deux facteurs.

Premièrement, les pays riches en ressources, et en particulier les pays exportateurs de carburants, ont enregistré vers 2014–15 une chute spectaculaire des prix à l’exportation de leurs produits de base, alors que le « supercycle » des produits de base (une période de forte hausse des prix de ces produits) prenait fin. Depuis lors, la détérioration des termes de l’échange ne s’est que partiellement inversée.

Deuxièmement, et c’est important de le noter, l’impact du choc affectant les termes de l’échange sur les pays riches en ressources a été exacerbé par des vulnérabilités structurelles préexistantes, notamment un climat des affaires médiocre, un capital humain limité, une gouvernance faible et une mauvaise gestion des revenus tirés des ressources naturelles.

Faiblesses structurelles

Une gouvernance déficiente, une corruption généralisée et un climat défavorable à la bonne conduite des affaires pèsent sur la productivité et la production, et ce de manière encore plus marquée lorsque les prix des produits de base chutent. De telles faiblesses affectent non seulement le secteur des ressources mais aussi les perspectives de diversification de l’économie dans d’autres secteurs. Par exemple, le risque de vol de la production pétrolière nuit à l’efficacité de la production et détourne des ressources précieuses qui pourraient servir à des utilisations plus productives ; ou encore, une gouvernance insuffisante peut constituer de manière plus générale un obstacle majeur aux investissements du secteur privé. Les pays exportateurs de carburant situés hors de la région, qui bénéficient généralement d’une gouvernance plus solide, ont bien mieux résisté à la chute des prix des produits de base.

Les analyses des services du FMI confirment que les chocs sur les termes de l’échange font sentir davantage et plus longtemps leurs effets sur la croissance dans les pays où la gouvernance est déficiente. Nos estimations laissent penser que pour toute détérioration d’un point de pourcentage dans les termes de l’échange d’un pays, la croissance à moyen terme s’établit à ¼ de point de pourcentage de moins dans les pays qui connaissent les plus graves difficultés sur le plan de la gouvernance.

En outre, une mauvaise gestion des ressources a accentué le choc initial par le biais d’une orientation budgétaire procyclique. Par rapport à d’autres pays, la politique budgétaire des pays riches en ressources naturelles, y compris en Afrique subsaharienne, est généralement beaucoup plus corrélée aux chocs économiques, intensifiant ainsi leurs effets. Par exemple, lorsque les prix des produits de base sont élevés, de nombreux pays riches en ressources naturelles, en particulier les pays exportateurs de carburant, se lancent dans des projets d’investissement coûteux, souvent mal planifiés et mal mis en œuvre, avant de devoir réduire drastiquement les dépenses d’investissement qui y sont associées lorsque les prix des produits de base chutent. Par ailleurs, de nombreux pays exportateurs de carburants accordent également des subventions importantes aux carburants, dont le coût augmente avec la hausse des prix du pétrole, ce qui limite leur capacité à épargner pendant les périodes prolifiques, tout en évinçant les dépenses de développement propices à la croissance. Depuis 2011, le pays exportateur de pétrole moyen d’Afrique subsaharienne dépense systématiquement toutes ses recettes pétrolières au cours de l’année où elles ont été accumulées.

La voie à suivre

Mettre fin à cette divergence de croissance est une priorité pour la région, dans la mesure où les pays riches en ressources représentent environ les deux tiers de la population et du PIB de l’Afrique subsaharienne. Il s’agit également d’une priorité humanitaire. Les faibles résultats sur le plan de la croissance se traduisent par de faibles résultats en matière de développement : les progrès dans la lutte contre la pauvreté dans les pays riches en ressources naturelles ayant été effectivement interrompus en 2014. Par rapport aux enfants d’autres parties de la région, un enfant né aujourd’hui dans un pays riche en ressources naturelles a 4 ans d’espérance de vie de moins en moyenne et a 25 % de risque supplémentaire de vivre dans la pauvreté.

Un environnement macroéconomique stable est indispensable pour relancer une croissance durable. Des cadres budgétaires plus prudents et mis en œuvre de manière cohérente peuvent contribuer à remédier aux problèmes de mauvaise gestion des ressources et à assurer une croissance plus résiliente à l’avenir. Pour aider les pays à diversifier et faire croître leur activité économique, il convient de mettre en œuvre des réformes de grande ampleur qui s’attaquent aux faiblesses structurelles, en améliorant la gouvernance et le climat des affaires, en accumulant du capital humain et en éliminant les goulets d’étranglement dans les infrastructures. Quant aux pays exportateurs de carburant, qui doivent composer avec un monde de plus en plus tourné vers les énergies vertes, le besoin de diversification est encore plus urgent que jamais.

Par Saad Quayyum et Nikola Spatafora sont économistes principaux, Sanghamitra Mukherjee est économiste et Hamza Mighri est analyste de recherche ; tous travaillent au département Afrique du FMI.

By amedee

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