Le président de la République a promis des véhicules 4×4 aux députés et aux sénateurs de la législature 2024-2028. C’était en marge d’une rencontre organisée à la cité de l’Union africaine en décembre 2024 avec les élus membres de l’Union sacrée. En fait, il s’agirait de rééditer le même geste « généreux » du chef de l’État, posé en faveur des élus nationaux de la législature 2019-2023, où chacun s’est vu doté d’une voiture de luxe Hyundai Palissade. Autant dire que c’étaient des véhicules de la dernière génération de l’industrie automobile.

Bis repetita. Le président de la République compte donc répéter le même geste au cours de ce deuxième et dernier quinquennat à l’endroit des mêmes élus du peuple et des honorables sénateurs. Rappelons que la facture de cette dotation de prestige avoisinait 40 millions USD pour les 609 Hyundai Palissade des parlementaires de la législature passée !

Dans son discours d’investiture du 20 janvier 2024, un des passages qui avait été frénétiquement applaudi par les Congolais est celui où Félix Tshisekedi déclarait s’engager à ne plus reproduire les erreurs du passé. Ce jour-là, il avait affirmé : « Aujourd’hui, une nouvelle ère est née ! » Plus de 80 mille congolais réunis ce jour-là dans le stade, comme pour encourager le président de la République, avaient salué cet engagement solennel de ne plus reproduire les erreurs du premier quinquennat.

Au regard de l’opacité qui avait entouré l’octroi des voitures Palissade aux députés et sénateurs lors du premier quinquennat et tenant compte de tant de salive et d’encre qui ont coulé autour de ce projet, nul ne doute que doter les parlementaires de véhicules de luxe était une erreur. Ces fonds décaissés du Trésor public pouvaient mieux servir autrement dans un pays comme la RDC où tout est prioritaire et dans toutes les 26 provinces. C’est donc en faisant fi de toutes les critiques que ce projet est allé jusqu’à son terme, permettant aux heureux bénéficiaires d’avoir chacun son SUV alors qu’ils avaient les moyens de s’en procurer eux-mêmes. Dont acte.

Presque 65 ans d’indépendance dans la pauvreté

Cette année 2025, la République démocratique du Congo va commémorer son 65ᵉ anniversaire d’indépendance. Cependant, les années passent, mais la RDC est loin de refléter son niveau d’un pays leader au cœur de l’Afrique, d’une puissance émergente comme le prédestine toutes ses potentialités du sol et du sous-sol, encore moins d’un pays qui a su tirer son épingle du jeu à l’instar de l’Afrique du Sud dans l’Afrique australe, du Nigéria en Afrique de l’Ouest ou encore de l’Égypte dans le Maghreb.

Le Congo de Patrice Emery Lumumba se recherche encore presque 65 ans après : la pauvreté frappe presque trois congolais sur quatre, le chômage frappe 60% des Congolais actifs, 26 millions des Congolais confrontés à la malnutrition, à peine 2,5% de l’énergie exploités sur ses 100.000 MW de capacité potentielle, presque 3.000 Km des routes asphaltées sur les 58.000 Km d’intérêt national, les chemins de fer existants sont ceux laissés par les colonisateurs, les 80 millions d’hectares de terres arables abritent plutôt en majorité des herbes sauvages, le PIB par habitant est l’un des plus faibles au monde autour de 600 USD, et pour couronner le tout la RDC figure parmi les PMA (Pays les moins avancés du monde).

 Devant un tel tableau sombre du niveau de développement actuel du Congo-Kinshasa, chacune des décisions des dirigeants de la RDC devrait être dictée par la nécessité de contribuer, un tant soit peu, à la construction et au décollage de ce géant au cœur du continent noir. La RDC ne doit pas demeurer un « trou noir », comme le déplorait il y a quelques années monseigneur Ekofo de l’ECC, faisant allusion au déficit criant d’infrastructures de base dans le pays.

Concrétiser la revanche du sol sur le sous-sol

Dès lors, au moment où l’on prône « la revanche du sol sur le sous-sol », le bon sens dicterait qu’en lieu et place de donner des SUV aux députés et sénateurs, leur dotation en tracteur traduirait le mieux cette politique du président de la République qui voudrait que la RDC développe maintenant son agriculture afin de diversifier son économie. Un tracteur serait mille fois plus utile à un élu dans sa circonscription électorale qu’un confortable véhicule 4X4. Mieux, un tracteur serait mille fois bénéfique à la base des élus dans le Congo profond qu’une voiture qui ne circulerait que dans les artères défoncées de Kinshasa ici.

« La RDC produit ce qu’elle ne consomme pas et consomme ce qu’elle ne produit pas ». Cette expression souvent employée pour qualifier l’extraversion de l’économie congolaise, il est temps de sortir de ce paradoxe. Le pays dépense plus de 4 milliards USD chaque année pour importer des denrées de première nécessité (riz, maïs, viande, poissons, huile) alors qu’il peut produire tout ça sur place et les transformer par l’agro-industrie.

Ce sont les leaders (ministres, députés, sénateurs, mandateurs publics) qui doivent montrer cet exemple de retourner aux champs et à l’élevage. Dans son discours-programme,  le Premier Ministre Sama Lukonde avait prôné le développement à la base en invitant chaque Congolais à avoir « un toit et un champ dans son village ». Hélas, cette initiative salvatrice n’a pas été suivie notamment par les acteurs politiques congolais. Il est temps d’exiger à chaque leader d’opinion d’avoir une activité productrice (champ, ferme, pisciculture ou toute autre unité de production) afin de contribuer au PIB national.

C’est donc un cri d’alarme qui est lancé au président de la République Félix Tshisekedi, garant du bon fonctionnement des institutions de la République, d’impulser par des actes concrets sa vision de « la revanche du sol sur le sous-sol » en dotant les députés et sénateurs, non pas de « jeep », mais plutôt de tracteur. Ainsi, ils pourront entrainer leur base dans ce qui est le plus essentiel pour un pays qui meurt de faim comme la RDC, à savoir le travail de la terre.

Le chef de l’État a promis pour cette année 2025 la construction et ou la réhabilitation de 38.000 km des routes de desserte agricole et 11.000 km des routes provinciales. Il a également promis pour ce nouveau quinquennat le balisage et le dragage des 25.000 km de nos voies fluviales et lacustres, sans oublier la construction d’une université et d’un hôpital de référence dans chaque province. Pour ne citer que ces quelques projets.

En somme, Félix Tshisekedi s’est engagé à améliorer les conditions de vie des Congolais à travers ses six objectifs de ce deuxième quinquennat, à savoir : la création d’emplois, l’amélioration du pouvoir d’achat, le renforcement de la sécurité, la diversification de l’économie, l’accès accru aux services de base et l’amélioration de l’efficacité des services publics. La réalisation de tous ces projets utiles pour le développement de la RDC et bien d’autres nécessite des moyens financiers conséquents.  Il appartient donc au gouvernement de rationaliser ses dépenses publiques en privilégiant celles qui concernent prioritairement « le peuple d’abord ».

Amédée Mwarabu

By amedee

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