Après plus de 50 ans d’un système monopolistique, où seule la société nationale d’assurances était habilitée à commercialiser les produits d’assurance, la RDC a libéralisé le secteur des assurances en mars 2015. A ce jour, le pays compte une cinquantaine d’opérateurs sur le marché des assurances. Les chiffres attestent d’une nette expansion du secteur depuis l’effectivité de la libéralisation. Les émissions de primes en augmentation de 428 %, passant de 66,75 millions USD en 2018 à 352,15 millions USD en 2024. Le taux de pénétration des primes en RDC est passé de 0,16 % à 0,46 %, soit une croissance de 188%. Quant à l’assiette fiscale des entreprises d’assurances, elle a enregistré une progression de 5161%.Tous ces résultats ont été obtenus, avec aux commandes le régulateur et le contrôleur ARCA.
Le secteur des assurances a célébré au cours du mois de mars 2025 les 10 ans de la promulgation de la loi n°15/005 du 17 mars 2015 portant Code des assurances. Pour l’ARCA (Autorité de régulation et de contrôle du secteur des assurances), il s’agit de « 10 ans de résilience, 10 ans de progrès, 10 ans de succès », en dépit du fait que le chemin reste long à parcourir.
Promulguée en mars 2015, le Code des assurances est entré en vigueur en 2016, soit une année après. De l’avis des experts du secteur, cette loi est l’un des plus importants dispositifs parmi les réformes initiées en vue de moderniser et de libéraliser certaines activités des secteurs économique et financier de la RDC.
« L’assurance constitue une des activités essentielles au développement économique et social des pays modernes. Elle contribue, d’une part, à la sécurité des familles et à la pérennité des entreprises en compensant les conséquences des accidents qui menacent leur patrimoine ou la sécurité de leurs revenus ; et d’autre part, elle suscite une épargne collective qui, étant investie au service de l’économie nationale, contribue fortement au développement de cette dernière », a tenu à souligner le DG Alain Kaninda devant les parties prenantes du secteur des assurances, lors de la cérémonie de célébration de 10 ans de Libéralisation.
Ce Code des assurances a eu le mérite d’apporter plusieurs innovations dans le secteur assurantiel, notamment la libéralisation de celui-ci. Elle a rendu obligatoire la souscription de 6 assurances, a interdit la souscription directe d’une assurance à l’étranger pour un risque concernant une personne, un bien ou une responsabilité situé sur le territoire national, a institué l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) en janvier 2016.
Les chiffres clés
La libéralisation du secteur des assurances a été effective en mars 2019, avec l’octroi par l’ARCA des premiers agréments et autorisations post libéralisation.
A à ce jour, le marché congolais compte 50 opérateurs d’assurances répartis comme suit :
- 10 sociétés d’assurances, 7 en Non-vie et 3 en Vie ;
- 27 sociétés de courtage ;
- 2 courtiers personnes physiques ;
- 3 agents généraux ;
- 4 gestionnaires d’assurance maladie ;
- 2 banques, et ;
- 2 réassureurs régionaux.
Depuis l’ouverture du marché à la concurrence en 2019, les émissions de primes ont augmenté de manière impressionnante de 428 %, passant de 66,75 millions d’USD en 2018 à 352,15 millions d’USD en 2024.
Cette forte augmentation témoigne, selon le DG Alain Kaninda, du dynamisme du secteur, porté par la diversification des produits d’assurance et la relance de la confiance des opérateurs du marché au dynamisme nouveau insufflé par la loi portant Code des assurances ainsi que par l’ARCA, régulateur et contrôleur du secteur assurantiel.
En ce qui concerne le taux de pénétration des primes en RDC, il a montré une progression constante entre 2017 et 2024, passant de 0,16 % à 0,46 % en 2024 soit une croissance de 188%.
« Cette tendance à la hausse suggère que le secteur des assurances en RDC est en pleine expansion, bien qu’il reste encore relativement peu développé par rapport aux autres secteurs de l’économie nationale. Il indique également que les produits d’assurance gagnent progressivement en popularité, contribuant à une meilleure couverture et un accès plus large aux services d’assurance pour la population congolaise », explique le DG de l’ARCA pour qui le défi est d’atteindre un taux de pénétration de plus de 1%.
Cette croissance a eu pour effet direct, l’augmentation de l’assiette fiscale des entreprises d’assurances. Elle s’élève en 2024 à 43,04 millions USD contre 0,81 million USD en 2015, soit une progression de 5161%
Le volume des sinistres payé en 2024 pour la branche Non-Vie était de 73,59 millions d’USD et de 3,68 millions d’USD en Vie. Des chiffres qui, selon l’ARCA, renforcent la confiance de la population et les opérateurs économiques dans le marché des assurances congolais.
La masse salariale s’est vue également renforcer par le développement du marché de l’assurance. Selon les dernières statistiques réalisées, elle a progressé de 52% entre 2018 et 2022.
L’impact de ces différentes réalisations concerne l’accroissement de la mobilisation des recettes de l’Etat, le financement de l’économie nationale, la contribution à la stabilisation du cadre macro-économique non sans compter la contribution au développement d’une classe moyenne congolaise et à la création de nouveaux emplois directs et indirects.
Pour autant, alors que la RDC connait un conflit armé, l’ARCA dit veiller à ce que les fonds générés par l’assurance ne servent ni au financement du terrorisme ni au blanchiment de capitaux. Pour ce faire, le régulateur travaille en synergie avec la CENAREF. Mieux, l’ARCA a adopté plusieurs textes prudentiels afin d’effectuer un contrôle LBC-FTP aussi bien en amont qu’en aval.
Quid de l’opérationnalisation du Code des assurances
S’agissant de l’opérationnalisation du Code des assurances, il sied de retenir qu’à l’installation effective de l’ARCA, le secteur des assurances ne comptait que deux textes normatifs : le Code des assurances et le Décret portant création, organisation et fonctionnement de l’ARCA.
Dans ce contexte, la première mission de l’ARCA a été d’élaborer les différentes mesures d’application du Code des assurances pour permettre d’avoir un cadre juridique complet permettant le bon fonctionnement de la nouvelle industrie des assurances devant absolument être conforme aux standards internationaux.
L’ARCA a, par conséquent, contribué de manière directe et indirecte, en sa qualité de conseillère du Gouvernement, à la mise en place de 8 Décrets, 17 Arrêtés, 3 Arrêtés interministériels, 25 Règlements et 3 Circulaires.
Cet arsenal normatif constitue ce qu’il faut appeler « les mesures d’application du Code des assurances ». Elles ont pour objectif de protéger les assurés, de s’assurer de la solvabilité des sociétés d’assurances et de renforcer de manière plus globale la confiance du marché dans les assurances.
A titre d’exemple, dans ses attributions de conseillère du Gouvernement, plusieurs décrets et arrêtés ont été pris afin de fixer les tarifs minima de 4 branches d’assurances (Responsabilité civile des propriétaires des véhicules terrestres à moteur, les facultés à l’importation, l’assurance Incendie et l’assurance des risques de construction).
Soulignons-le, le 10 mars 2025 l’ARCA a lancé le contrôle effectif de ces tarifs minima afin d’éradiquer les pratiques de dumping et de surfacturation auxquelles peuvent se livres les opérateurs. Il s’agit d’un contrôle automatisé effectué par la plateforme digitale, le SNECA, du Régulateur.
L’institution du Système National d’Emission de Certificats d’Assurances, SNECA en sigle, du 17 novembre 2022 a contribué à lutter contre la prolifération des certificats d’assurances non authentiques laminant les efforts de développement du marché. Le SNECA digitalise et dématérialise les opérations d’assurances afin d’en faciliter le contrôle et l’authenticité. Sa mise en place a largement contribué à accroitre les chiffres du marché, selon l’ARCA.
Le partenariat stratégique avec la DGDA a permis à la plateforme SNECA de pouvoir interagir avec sa plateforme SYDONIA afin de maximiser le contrôle de la souscription des assurances aux frontières de la RDC, en l’occurrence, l’assurance des facultés à l’importation et l’assurance frontière.
Dans le souci de capter un maximum de primes et de lutter ainsi contre les évasions de celles-ci, l’arrêté ministériel n° 035/CAB/MIN/FINANCES/2023 du 25 octobre 2023 portant Institution, Organisation et Fonctionnement d’une Facilité de Réassurance pour les secteurs Pétrolier, Gazier, Minier et les risques et violences politiques a été adopté par la tutelle de l’ARCA. L’institution de cet arrêté a renforcé l’arsenal juridique visant à opérer la rétention locale des primes portant sur des risques localisés en RDC et relevant des secteurs précités, en sus de l’arrêté ministériel n° CAB/MIN.FIN/2022/012 du 28 mars 2022 fixant les modalités de perception et de répartition des amendes à percevoir à l’initiative de l’ARCA en cas d’évasion des primes d’assurances.
Dans le souci de renforcer l’inclusion financière et d’atteindre toutes les couches de la population congolaise, l’ARCA a adopté deux règlements sur la distribution des produits d’assurances par les banques et les Institutions de micro-finances, et ce, en étroite collaboration avec la Banque Centrale du Congo.
Les règlements ARCA n°002/23 et 003/23 relatif aux opérations de la Micro assurance et de la micro assurance indicielle vont également dans le même sens. Ils visent à assurer les activités économiques de petite taille, et leur donner la résilience nécessaire afin de faire face aux aléas de la vie.
Avec les efforts du Gouvernement et l’aide de la Banque Mondiale à travers le Programme National de Développement de l’Agriculture (PNDA) de la RDC et le projet Repair. Le projet REPAIR vise l’institution d’un fond régional pour répondre aux chocs climatiques auxquels est exposé la République Démocratique du Congo. Il consiste à préserver l’emploi et les activités économiques mais aussi à soutenir les moyens de subsistance et les PMEs face aux chocs climatiques. Le PNDA vise, quant à lui, à renforcer la résilience des agriculteurs et des fermiers face aux caprices climatiques.
Pour soutenir tout ceci, l’ARCA a accompagné ces différents projets et a facilité la mise en place du produit « assurance agricole indicielle », commercialisé aujourd’hui par l’ensemble des sociétés non-vie. Ce qui passe pour une marque de soutien ostensible du secteur des assurances au développement du pays. Autant dire que l’ARCA travaille dans la droite idéologie de Félix TSHISEKEDI qui prône « la revanche du sol sur le sous-sol » en vue d’atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Bien plus, l’ARCA œuvre à l’implémentation des canaux de distributions innovants afin de présenter et de commercialiser les produits d’assurances par des voies digitales et des NTIC. Dans cette optique, l’adoption du Code Numérique le 13 mars 2023 facilite davantage la dématérialisation des opérations d’assurance et, par conséquent, l’atteinte de différentes couches de la population par les commerciaux de l’assurance.
L’ARCA a mis en place les Règlement 001/17 et R002/17 relatif à l’agrément et autorisation des opérateurs d’assurances. Ces règlements constituent en soi un contrôle en amont des opérateurs. Ce contrôle porte sur les aspects réglementaire, financier et actuariel :
– Le contrôle réglementaire porte sur le respect du capital minimum qui est de 10 millions de dollars, les qualifications, expériences et l’honorabilité des animateurs des sociétés.
– Par le contrôle financier, l’ARCA s’assure du respect des normes de solvabilité et de marges de couverture.
– Le contrôle actuariel porte sur la viabilité des tarifs proposés pour chaque branche et produit commercialisé.
Il sied également de signaler que l’ARCA est accompagnée par le Fonds Monétaire International (FMI) pour l’amélioration de son cadre de contrôle en basculant vers le régime de solvabilité 2, basée sur les risques.
Les défis
En dépit de toutes ces réalisations, le marché congolais des assurances fait face à des nombreux défis à relever afin d’atteindre les objectifs qu’il s’est assignés.
Le staff dirigeant de l’ARCA reconnait que le chemin est encore long. Cependant, à pas sûr, les dirigeants de l’ARCA sont déterminés à avancer dans la bonne direction.
Au nombre de défis que l’ARCA se propose de relever, il y a :
- « Le renforcement » de la culture d’assurance dans le chef de la population ;
- « La mise à disposition » des produits d’assurances adaptés à toutes les bourses. Le marché étant composé essentiellement des clients corporate ;
- La lutte contre l’évasion des primes d’assurance malgré sa criminalisation légale ;
- L’amélioration sur le marché des formations en assurance adaptées à la professionnalisation du secteur ;
- La mise à niveau des partenaires membres de l’Ecosystème Technique et assurantiel, de leurs missions de contrôle de la souscription à l’assurance dans les domaines relevant de leurs attributions ;
- La compréhension parfois complexe, par les partenaires de l’Écosystème Technique et Assurantiel, de leurs missions de contrôle de la souscription à l’assurance dans leurs domaines de compétence;
- L’amélioration et l’intensification de l’information auprès du grand public au sujet de la libéralisation du marché des assurances, du rôle de l’ARCA, ainsi que l’importance des assurances.
Les stratégies pour développer le secteur
L’objectif visé à court et moyen terme est d’atteindre la fourchette d’un marché des assurances estimé entre 1 à 5 milliards USD. L’ARCA, en collaboration avec tous les acteurs du marché, est à pied d’œuvre afin de continuer à développer le marché des assurances déjà en pleine expansion.
Pour ce faire, l’ARCA a adopté plusieurs stratégies de développement, progressivement mises en place. Ces stratégies peuvent être regroupées en 3 axes majeurs : le contrôle efficient des sociétés d’assurances de sorte qu’il n’y ait que des professionnels dont la solvabilité est garantie, le savoir-faire assuré, et qui prestent en indemnisation en cas de réalisation de l’aléa assuré ; le contrôle des assurances obligatoires et la lutte contre l’évasion de primes et le développement de l’assurance vie et des assurances plus inclusives.
A en croire le DG Kaninda, l’ARCA est à pied d’œuvre pour réaliser les 3 conditions et atteindre, à moyen terme, 1 milliards USD de chiffre d’affaires du marché des assurances
A propos de l’ARCA
L’ARCA a été instituée afin de ne point laisser à la merci des caprices du marché un secteur aussi vital pour son économie. Dès lors, l’ARCA veille à la protection des droits des assurés et des bénéficiaires des contrats d’assurances, à la solidité de l’assise financière des entreprises d’assurance et de réassurance, et à leur capacité à honorer leurs engagements.
Placée sous la tutelle du Ministre des Finances, l’ARCA jouit d’une indépendance dans l’accomplissement de ses missions de régulation et de contrôle du secteur des assurances.
L’ARCA exerce ses missions de régulation et de contrôle du secteur des assurances en toute indépendance, garantissant ainsi une supervision impartiale et conforme aux meilleures pratiques du domaine. Elle est le conseiller du Gouvernement en matière de régulation et de contrôle du secteur des assurances. Dans son ultime ambition, l’ARCA entend créer un marché : Dynamique, Inclusif, Equitable, Sain et Conforme aux Standards Internationaux.
A noter que l’ARCA est membre de l’Association Internationale des Contrôleurs d’Assurance (AICA en sigle), du Comité des Autorités de l’Assurance, des valeurs mobilières et des services financiers non-bancaires des Etats membres de la SADC (CISNA en sigle), de l’Organisation des Autorités Africaines de Contrôle des Assurances (OAACA).
Amédée Mwarabu