Après plusieurs mois de travail rigoureux, d’échanges constants et de longues nuits de réflexion aux côtés de mon équipe juridique, la pétition, accompagnée du projet de révision de la Constitution de la RDC de 2006, a été déposé auprès de la Commission politique, administrative et juridique (PAJ) de l’Assemblée nationale, demandant l’organisation d’un référendum national. Ce projet vise une refondation profonde de la République, tant sur le plan politique et social que sur le plan économique.
En plus de la PAJ, une copie de cette pétition et du projet a été envoyée aux principales institutions du pays : le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, le Président de la Cour constitutionnelle, ainsi que la Présidente du Conseil d’État, qui ont tous accusé réception du dossier.
Le Paradoxe Matata : Illustration Des Vides Constitutionnels
L’affaire Matata Ponyo est un parfait exemple des trous dans la Constitution actuelle de la RDC. Au départ, la Cour constitutionnelle a jugé qu’elle n’était pas compétente pour traiter le dossier de l’ancien Premier ministre. Puis, comme par magie, après quelques ajustements dans sa composition, elle a changé d’avis et s’est soudainement déclarée compétente. Ce revirement spectaculaire illustre parfaitement de zones floues dans la Constitution.
Pour ma part, j’avais introduit une pétition devant cette même Cour constitutionnelle en 2023. Selon l’article 160, alinéa 4, elle est censée statuer dans un délai de trente jours. Et n’oublions pas l’article 62 qui stipule que nul n’est censé ignorer la loi, tout le monde doit respecter la Constitution et les lois de la République. Eh bien, devinez quoi ? La Cour n’a pas respecté ce délai. Et qu’est-ce qui s’est passé ? Absolument rien ! Ce vide juridique est encore plus frappant : aucune conséquence ni processus clair n’est établi par la Constitution pour traiter ce genre de non-respect.
La Constitution actuelle est un véritable gruyère juridique et est truffé de failles capables de vous laisser perplexe.
Quel vase ai-je brisé ?
Pour bien comprendre le puzzle de cette révision constitutionnelle, il est crucial de revenir à l’ARTICLE 220 de la Constitution de la RDC, qui protège les « dispositions intangibles ». Cet article interdit toute révision de certains principes fondamentaux même avec une pétition de 100 000 signatures. En d’autres termes, toucher à ces articles, c’est comme briser un vase sacré. Et de ce fait, la Constitution de la RDC actuelle ne prévoit que des révisions constitutionnelles partielles.
L’UDPS prétend pouvoir réunir 100 000 signatures pour modifier le mandat présidentiel via une révision constitutionnelle partielle afin de maintenir Tshisekedi au pouvoir, mais cela n’a aucune chance d’aboutir. La Constitution protège fermement ces dispositions. Alors, inutile de paniquer !
Cependant, il existe un vide juridique important : la Constitution n’encadre pas de manière explicite la possibilité d’une révision intégrale ou de briser le « Saint Graal » des intangibles. C’est là que réside l’enjeu central : éviter toute tentation de coup de force et redonner entièrement le pouvoir au peuple. Mon projet de révision constitutionnelle est intégral et propose de modifier les ARTICLES 219 et 220, qui ne sont pas en soi intangibles, introduisant une procédure qui permettrait aux citoyens congolais, via une pétition représentant 10 % des électeurs, de demander une révision au Président de la République, même en période d’état de siège.
En touchant à ces articles, nous avons effectivement brisé ce « Saint Graal » des intangibles, et en plus, la Constitution de la RDC de 2006 a été corrigée à plus de 89 %, mais la Constitution actuelle ne prévoit aucune procédure pour une révision intégrale ou modifier le « Saint Graal » des intangibles, ou l’interdit, créant ainsi une véritable zone grise juridique. Dans ce contexte, le référendum national devient le seul outil légitime pour conférer au peuple la souveraineté d’approuver une refonte complète de la Constituions.
L’ARTICLE 5 de l’actuelle Constitution consacre cette souveraineté populaire, et cette voie est également réaffirmée par des textes internationaux comme l’Acte constitutif de l’Union Africaine et la Charte Africaine de la Démocratie, qui appellent les peuples africains à être les acteurs principaux de leur destin. Le référendum devient alors le seul outil légitime permettant au peuple d’exercer sa souveraineté et d’approuver une refonte complète de la Constitution, afin de redéfinir l’avenir politique, sociale surtout et économique de la RDC.
Urgence ?
Tout d’abord, il est essentiel de rappeler que gouverner, c’est avant tout anticiper. L’un des rôles clés d’un gouvernement, et dans une démocratie, autant des citoyens, est d’identifier les défis futurs, de concevoir des cadres juridiques et institutionnels robustes pour prévenir les crises, et d’assurer une gestion efficace du pays.
Les grèves dans les institutions publiques que connaît la RDC aujourd’hui révèlent un manque de planification autour de l’augmentation continue du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), un flou persistant dans la Constitution actuelle. Le M23 base son discours sur une lecture tribaliste de cette même Constitution, une faille qui est également à l’origine du conflit « Teke-Yaka » à Kwamouth, né d’un litige foncier. La frustration croissante face au manque de développement pousse certains groupes, comme les Lega, à envisager la création de leur propre province, encore un problème de la constitution actuelle, la décentralisation au lieu de la dévolution. Ces événements ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres des tensions sociales qui bouillonnent sous la surface du pays.
Les crises et troubles auxquels la RDC fait face aujourd’hui sont, dans bien des cas, des problèmes qui ont été négligés et laissés en suspens pendant trop longtemps. C’est précisément parce que ces questions n’ont pas été traitées à temps qu’elles se sont transformées en crises profondes et récurrentes. Cette approche, qui consiste à laisser les problèmes « traîner » jusqu’à ce qu’ils explosent, est à la source de l’instabilité actuelle. L’attente des crises avant de réagir est une stratégie réactive qui a montré ses limites en RDC. Cela crée une gouvernance de l’urgence, où les décisions sont prises dans la panique, souvent au détriment des solutions durables.
Et oui, il y a urgence d’agir avant que la gangrène sociale, politique et économique ne s’aggrave à un point tel que la nation soit contrainte de faire face à des pertes irréversibles, comparable à l’amputation d’un membre pour sauver le corps entier.
Faux Patriotisme et Manœuvres Politiques
L’argument selon lequel une révision intégrale de la Constitution ou un référendum ne devrait pas avoir lieu pendant un état de siège ou lorsque certaines régions du pays sont occupées relève purement et simplement des larmes de crocodile. Ces mêmes personnes qui invoquent aujourd’hui cette sensibilité émotionnelle ont pourtant pris part aux élections de 2023, qui se sont tenues en pleine période de l’état de siège. Et devinez quoi ? Elles ont tranquillement obtenu des sièges dans les institutions actuelles ont su préserver leur influence, leur permettant de faire pression sur le régime actuel pour obtenir des avantages financiers. Mais aujourd’hui, ils jouent les défenseurs du peuple, feignant de s’inquiéter pour les régions occupées.
Il est bon de rappeler que lors de ces élections, deux zones importantes à l’est du pays, Rutshuru et Masisi, étaient sous occupation des forces M23-RDF et n’ont même pas participé au scrutin. En niant aujourd’hui la légitimité d’une révision sous prétexte de l’occupation, ces politiciens se discréditent eux-mêmes.
Quant à ceux qui n’ont pas pris part au processus, comme le PPRD, ce n’est certainement pas par empathie pour les populations de Rutshuru et Masisi, ni à cause de l’état de siège. Leur calcul était simple : ils pariaient que les élections n’auraient pas lieu, espérant ainsi disqualifier tout le processus. Raté ! Ils ont perdu ce pari. Ainsi, prétendre aujourd’hui que la situation dans l’est du pays rend impossible un référendum, c’est non seulement de l’opportunisme, mais aussi une tentative flagrante de maintenir le statu quo à leur importance dans l’état d’esprit des Congolais naïfs.
Les Congolais sont à un tournant décisif
Le fait que j’aie déposé cette pétition a surpris autant le régime en place que l’opposition. Cela devrait suffire à montrer que je ne suis dans aucun des deux camps. Je n’ai fait qu’exercer mon droit en tant que citoyen congolais et ma responsabilité en tant qu’être humain. Cette démarche est un appel à une transformation fondamentale, et non un jeu politique.
Le projet ne se contente pas de réformer quelques aspects ; il vise à créer une RDC plus juste, plus prospère et mieux gouvernée.
La révision constitutionnelle intégrale proposée est une réponse aux défis profonds auxquels la République Démocratique du Congo fait face. Ce projet vise une redistribution plus équitable des richesses, une transparence accrue dans la gestion des affaires publiques, et une réorganisation de l’économie pour attirer les investissements et créer des emplois. En d’autres termes, il s’agit d’une véritable refondation du système, touchant aux racines mêmes de la gouvernance congolaise et aux droits fondamentaux des citoyens. Cette révision est bien plus qu’un ajustement technique ; c’est une refonte complète qui pourrait redéfinir l’avenir du pays.
Il incombe désormais à chaque Congolais de lire attentivement et de comprendre le projet de révision constitutionnelle, 191 articles dans son ensemble, qui est facilement accessible en ligne ( https://nbsinfos.com/rdc-telecharger-la-constitution-corrigee-2024-pdf/ ). Faites votre propre opinion au lieu de vous laisser distraire par les rumeurs ou de répéter des théories complotistes sans fondement.
Le référendum n’est pas une simple formalité ; c’est l’occasion pour les citoyens de prendre en main leur avenir, en refondant les bases de la gouvernance et en créant une économie durable et inclusive.
Jo M. Sekimonyo
Économiste politique, théoricien, militant des droits de l’homme et écrivain
On ne change pas de constitution sans un enjeu politique indispensable, sinon c’est la triche