Il y a quatre factures que les différents gouvernements ont rangées dans les tiroirs, sans chercher à les payer afin de déclencher véritablement le développement de la RDC. Pour arriver à un taux d’électrification de 100% en RDC, il faut 66 milliards USD. Le Plan d’industrialisation de la RDC vaut 58 milliards USD. La modernisation des 58 mille Km des routes d’intérêt national coutent 60 milliards USD. La dernière facture concerne la relance des entreprises du Portefeuille, elle est chiffrée à 8 milliards USD. Tout compte fait, il faut 190 milliards USD pour enclencher véritablement le développement de la RDC. Et là alors, l’Afrique pourra ainsi rougir depuis le Congo-Kinshasa.

Le programme quinquennal du Gouvernement Suminwa est chiffré à 92 milliards USD d’ici à l’horizon 2028. L’Exécutif en place depuis juin 2024 pense mobiliser ainsi 18 milliards USD chaque année pour mettre en place son programme destiné à remplir les six objectifs de ce deuxième quinquennat du président Félix Tshisekedi, à savoir : 1. Créer plus d’emplois, en accélérant la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes ; 2. Protéger le pouvoir d’achat des ménages en stabilisant le taux de change ; 3. Assurer la sécurité des populations et leurs biens du territoire national, en restructurant l’appareil sécurité ; 4. Poursuivre la diversification de l’économie et renforcer sa compétitivité ; 5. Garantir plus d’accès aux services sociaux de base ; 6. Renforcer efficacement services publics.

A ces six objectifs, le Président Félix Tshisekedi a ajouté trois défis majeurs qui seront les priorités de son second mandat : 1. Le désenclavement du territoire national ; 2. Le développement de la chaîne de valeur agricole ; 3. Et l’assainissement des villes.

L’ambition du Gouvernement Suminwa de mobiliser les 92 milliards USD est certes encourageante dans la mesure où aucun autre gouvernement auparavant n’a placé ses exigences à un tel niveau de mobilisation des revenus. L’on sait que le Premier sama Lukonde pour son programme de trois ans (2021-2023), il a pu mobiliser environ 33 milliards USD sur les 36 milliards projetés, soit en moyenne 11 milliards USD. Cependant, les défis en RDC restent énormes en termes de développement.

La RDC va rater l’atteinte des ODD

Le président de la République, Félix Tshisekedi, s’est rendu compte lors de son récent discours à la tribune de la 79ème assemblée générale des nations Unies que la RDC risque de louper d’atteindre les ODD (Objectifs de développent durable) à l’horizon 2023. Le chef de l’Etat a laissé entendre que sans des financements conséquents de l’ordre de 32 milliards USD par an jusqu’en 2030, la RDC ne pourrait pas atteindre les ODD. Selon lui, il faut donc investir 192 milliards USD au total pour les six prochaines années pour que la RDC atteignent les ODD en 2030.

Autant dire que la RDC n’atteindra pas ces ODD à l’échéance fixée, tout simplement parce que ni son gouvernement encore moins cette communauté internationale, personne n’est en mesure d’investir les 192 milliards USD nécessaires pour l’atteinte des ODD.

Pour autant, la RDC devrait au préalable prendre la vraie mesure de ses défis de développement afin de chercher les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs. Au regard des travaux déjà faits dans ce pays, il se trouve que la RDC pour se mettre résolument sur les rails de l’émergence devrait au minimum payer quatre factures attestées par les différents gouvernement pour financer son développement ?

Le développement de la RDC ne se fera jamais sans l’électrification du pays. Autant qu’il se fera pas non plus sans  un réseau modernisé des infrastructures routières,  encore moins sans l’industrialisation. De même, la relance des entreprises du Portefeuilles de l’Etat, il y a en a 96 unités, reste une des clés pour avoir une économie structurée. La facture cumulée de toutes ces factures atteint les 200 milliards USD.

L’électricité pour Tous : 66 milliards USD

Un rapport du Gouvernement congolais, en partenariat avec le PNUD (Programme des nations Unies pour le développement), de juillet 2013 intitulé « Energie durable pour Tous à l’horizon 2023 » tablait sur 66,7 milliards USD pour parvenir à un taux d’électrification de 100% en République démocratique du Congo. Ce rapport produit à la veille de la libéralisation du secteur de l’électricité en RDC n’a jamais reçu l’écho conséquent pour la réalisation d’un tel projet de parvenir à une électricité pour tous dans le pays.

Le coût total de l’action, 66 767 millions USD est réparti comme suit : • Accès universel à l’électricité, 43 841 millions USD (soit 65,7 % du coût total) ; • Accès à la force motrice pour l’allègement des travaux féminins et la mécanisation des systèmes d’adduction d’eau potable et d’exploitations agricoles et artisanales, 15 200 millions USD (soit 22,8 % du coût total) ; • Amélioration de l’efficacité énergétique du pays, 3 577 millions USD (soit 5,3 % du coût total) ; • Développement des capacités de stockage et de transport/distribution des combustibles modernes, notamment hydrocarbures liquides et gazeux, 2 521 millions USD (soit 3,8 % du coût total) ; et • Renforcement des capacités institutionnelles et organisationnelles et Programme prioritaire d’urgence à court terme 1 628 1 millions USD (soit 2,4 % du coût total).

Bien plus, toujours en marge de la libéralisation du secteur de l’électricité, le gouvernement congolais avec l’appui du PNUD et de la CNV, une agence norvégienne, avait produit en décembre 2014 un Atlas alternatif des énergies renouvelables retraçant 780 sites de production des énergies renouvelables en RDC (hydroélectricité, le solaire, l’éolien, la biomasse, etc. ?). Cet Atlas alternatif des énergies renouvelable est resté à ce jour aussi une lettre morte, rangée dans les tiroirs des ministères concernés, dix ans après.

A ce jour le taux d’électrification de la RDC est estimé à 21% selon le ministère des ressources hydrauliques et électricité. C’est un des taux d’électrification les plus faibles en Afrique noire. Pourtant, la RDC ne pourra jamais se développer dans l’obscurité. Il y a      une corrélation directe entre l’électrification du pays et la croissance du PIB (Produit intérieur brut) d’un pays.

Selon le ministre des ressources hydrauliques et électricité, la production de 1 mégawat peut générer 20 millions USD de PIB. Et Donc, 1000 mégawatt devraient générer 20 milliards USD de PIB. De son avis, si la RDC parvient à doubler la production actuelle de l’électricité qui est de 2500 mégawatt, il s’en suivra également le doublement de son PIB actuel qui va passer de 65 milliards USD à 130 milliards USD.

Autant dire que si la RDC parvient à investir les 66,7 milliards USD nécessaires pour parvenir à un taux d’électrification de 100%,  son PIB va croitre de manière exponentielle et enclencher le développement y afférent.

Les Routes : 60 milliards USD

Le réseau routier de la RDC comprend au total 153.209 km de routes répartis en 58.509 km de routes d’intérêt général sous la gestion de l’Office des routes ; 7.400 km de voiries urbaines sous la gestion de l’Office des Voiries et Drainage « OVD » ; et 87.300 km de routes d’intérêt local ou de desserte agricole à charge du Ministère du Développement Rural, sous la gestion de la Direction des Voies de Desserte Agricole « DVDA ». Précisons que présentement, seulement 3.000 km des routes sont revêtues en RDC.

Les besoins d’investissement nécessaires pour doter la RDC des infrastructures physiques permettant un développement durable, sont estimés à 60 milliards de dollars américains, selon la Cellule des infrastructures du ministère des ITPR (Infrastructures, Travaux publics et reconstruction).

A ce jour, il n’y a pas encore un vrai programme pour relever ce défi du réseau routier en RDC. Même pour les 23.140 km retenus pour le réseau prioritaire, pas encore de projet concret  pour leur réalisation. Signalons que ce réseau prioritaire de 23.140 km présente les caractéristiques principales suivantes : il s’articule sur les 3 principaux corridors de transport – Ouest/Nord-Est, Nord/Sud, Ouest/Sud-Est – qui relient les chefs-lieux des Provinces et les principaux centres administratifs ; il draine à lui seul 91% du trafic routier ; il fait jonction avec le réseau ferré et fluvial ; il dessert toutes les zones à fortes potentialités économiques et densité de population ; il comprend les principales voies d’intégration régionale. Rien de substantiel n’est fait à ce jour pour moderniser ce réseau routier jugé pourtant « prioritaire ».  Donc, cette facture de 60 milliards USD reste quasi intacte.

Relance des entreprises du Portefeuille : 8 milliards USD

L’Etat congolais dispose d’un portefeuille important des entreprises qui constitue même la colonne vertébrale de l’économie du pays. Cependant, ce portefeuille des entreprises de l’Etat se trouve, depuis le début des années 1990,  quasiment toutes en faillite de fait. Ces sociétés ne remplissent plus leur raison sociale et leurs activités d’exploitation avec efficience.

Une étude sur l’état des lieux dans les entreprises publiques de l’Etat été effectuée en 2021, à l’initiative de la ministre du Portefeuille d’alors, Adèle Kahinda. La synthèse générale des états des lieux des entreprises publiques notait que sur le plan financier : suivant l’analyse par la méthode des ratios, les entreprises publiques sont classées en trois groupes suivants : les entreprises relativement saines, les entreprises en difficulté et les entreprises en faillite non déclarée. De manière générale, ces entreprises publiques sont presque toutes déficitaires, fortement endettées avec une prédominance de la dette sociale, et en cessation de paiement. Bref, elles sont en grande partie en faillite virtuelle.

Cette étude a chiffré à 8 milliards USD le coût de la réhabilitation, de la modernisation des infrastructures et de la relance de ces unités de production qui constituent, pour la plupart, l’économie structurelle de la République démocratique du Congo. Le rapport présenté par la ministre du Portefeuille avait été adopté même par le Conseil des ministres du 3 septembre 2021 sous la direction du Premier Ministre Sama Lukonde.

Comme tous les autres rapports, cette étude réalisée avec le concours du COPIREP (Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques), sur instruction du Président de la République, n’a pas produit des résultats escomptés. Quand on fait une étude, il doit s’en suivre une action conséquente. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec l’enveloppe nécessaire pour remettre sur les rails les entreprises du Portefeuille de l’Etat.

Plan d’industrialisation : 58 milliards USD

C’est depuis mi 2021 que la RDC dispose deson « Plan directeur d’industrialisation » à l’horizon 2040.  58 milliards de dollars, c’est le coût de ce plan d’industrialisation, qui prévoit des infrastructures qui relieront différentes régions d’Afrique centrale.

Le challenge ici est de « réindustrialiser » la RDC, qui ne compte plus que 507 entités industrielles recensées en 2021, contre 9.600 unités de production industrielles dans différents secteurs hérités du colonisateur belge en 1960, lors de l’accession du pays à l’indépendance.

Bien que ce projet ait été présenté officiellement aux membres du gouvernement, aux élus, diplomates, opérateurs économiques congolais et étrangers ainsi qu’aux universitaires et la presse, il n’y a pas à ce jour un début de mise en œuvre.

Pour autant, les ambitions étaient de doubler dans les cinq prochaines années le nombre d’unités de production industrielle pour atteindre mille industries dans le pays en 2026 et réduire de 60% la facture des importations évaluée à près de 6,5 milliards de dollars américains par an, selon le ministre de l’industrie de l’époque en l’occurrence Julien Paluku devenu aujourd’hui ministre du Commerce extérieur.

Le Plan directeur d’industrialisation vise à « libérer le potentiel de croissance et de transformation industrielle du pays. Il a délimité la RDC en six zones industrielles: l’ouest dans la région de Kinshasa, le sud dans l’ex-Katanga, la zone centre dans l’espace Kasaï, la zone Est dans les trois provinces du Kivu, la zone nord-est qui regroupe l’ex-province orientale et la zone nord-ouest constituée de l’ex-Equateur.

Ces six piliers du développement de la RDC, selon le plan, devraient transformer le pays à l’échéance 2040 « en hub d’exportation vers les pays voisins », s’appuyant sur l’effectivité de la Zone de libre-échange continentale africaine, des avantages de l’AGOA (Loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique) et des ouvertures du marché chinois aux pays africains.

Certes ce Plan repartit les 58,4 milliards de dollars en construction d’infrastructures routières (21 milliards de dollars), ferroviaires (9 milliards de dollars), énergétiques (22 milliards de dollars) et aéroportuaires et portuaires (6,3 milliards de dollars). Il était prévu que l’Etat congolais s’endette pour réunir cette cagnotte. Chose qui n’est toujours pas concrétisée à ce jour. Dès lors, si on déduit les 21 milliards USD destinées aux routes et les 21 milliards USD destinées aux infrastructures énergétiques, puisque ces dépenses se retrouvent dans la facture de l’électrification pour Tous et celle de la modernisation du réseau routier, il reste tout de même qu’il faut au minimum réunir 150 millions USD pour en véritable décollage économique de la RDC.

Amédée Mwarabu

By amedee

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