Le ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, avait présidé, le mardi 18 mars 2025, une séance de travail de la Troïka politique consacrée à l’évaluation de la situation macroéconomique nationale. Cette réunion, tenue dans un contexte marqué par l’agression rwandaise et ses supplétifs du M23, a rassemblé plusieurs responsables gouvernementaux, notamment le ministre d’État en charge du Budget, la vice-ministre des Finances, le vice-ministre du Budget, le conseiller du chef de l’État ainsi que le gouverneur de la Banque centrale du Congo, en plus de diverses structures techniques du ministère des Finances.
Précisons qu’un des axes majeurs de cette rencontre a porté sur l’impact du conflit sur les finances publiques et les ajustements budgétaires nécessaires pour préserver la stabilité économique du pays.
Et donc, face aux impératifs sécuritaires, le gouvernement prévoit plusieurs mesures d’envergure :
— L’intégration des dépenses militaires exceptionnelles dans la loi de finances rectificative 2025 afin de garantir le financement des opérations militaires et logistiques indispensables à la défense nationale;
— L’application stricte des mesures de rationalisation des dépenses publiques, conformément aux instructions du président de la République, Félix Tshisekedi Tshilombo, visant à réduire le train de vie des institutions pour dégager des marges budgétaires en faveur des priorités nationales;
— La prise en compte du doublement de la solde des militaires, une décision stratégique destinée à renforcer le moral des troupes et à garantir leur engagement sur le terrain dans un contexte de forte pression sécuritaire.
Il s’en suit que ces ajustements budgétaires, qui modifient substantiellement le cadrage initial des finances publiques, devront être intégrés dans les discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) afin de préserver la cohérence du cadre macroéconomique.
La nécessité d’une gestion rigoureuse des ressources et d’une anticipation des répercussions de l’agression du M23 sur l’économie nationale a été largement soulignée. Car il s’agit d’éviter toute dérive budgétaire susceptible d’exacerber les déséquilibres macroéconomiques et de compromettre la stabilité du pouvoir d’achat de la population.
C’est dans cette optique que les échanges avec le FMI se poursuivront dans les prochains jours afin d’aligner les stratégies budgétaires et monétaires avec les nouvelles contraintes imposées par la crise sécuritaire.
Commentant cette nouvelle donne budgétaire, le Think thank Congo Challenge, dans sa récente revue de mars 2025 note : « L’enjeu principal réside dans la capacité du gouvernement à concilier impératifs de défense, soutenabilité des finances publiques et objectifs de croissance, tout en préservant la crédibilité du cadre économique du pays sur la scène internationale ».
Pour autant, ces mesures annoncées par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances rectificative 2025, bien que justifiées par le contexte sécuritaire, apparaissent insuffisantes et inadaptées aux défis structurels que traverse la RDC, selon Congo Challenge. Pour preuve, alors que l’exécutif évoque une réduction du train de vie des institutions, aucune réforme structurelle significative n’a été mise en œuvre pour concrétiser cette volonté.
« La suppression de ministères superflus, qui permettrait une gouvernance plus efficiente et une réduction des coûts de fonctionnement de l’État, n’a jamais été engagée. À ce jour, le gouvernement continue d’opérer avec un nombre pléthorique de ministères, souvent redondants, alors qu’une rationalisation à 10 ou 15 ministères suffirait pour assurer une gestion plus efficace et réorienter les ressources vers les priorités nationales, notamment la défense et la sécurité », écrit Congo Challenge dans son 95e Numéro.
Et d’ajouter : » La maîtrise des dépenses courantes de l’État, en particulier les frais de fonctionnement et les rémunérations des institutions publiques, aurait dû être une priorité. Ces dépenses absorbent une part significative du budget national, au détriment des investissements productifs et des secteurs stratégiques. Une réduction drastique de ces charges en faveur d’une allocation plus efficiente des ressources aurait permis d’envoyer un signal fort de rigueur budgétaire et de dissuasion aux groupes rebelles, notamment le M23″.
Au lieu d’opérer un tel rééquilibrage budgétaire, le gouvernement s’est limité à annoncer un doublement de la solde des militaires, une mesure qui, bien que symbolique, demeure largement insuffisante au regard du niveau initial extrêmement bas des rémunérations dans l’armée.
Par ailleurs, les experts de Congo Challenge indexent le Gouvernement sur l’absence de stratégie cohérente de renforcement des capacités militaires pour faire face à la menace rebelle, de plan d’acquisition d’équipements modernes, et de politique de recrutement intensif des forces armées. Pour ce Think thank, ces mesures sont essentielles pour instaurer un véritable rapport de force dissuasif contre les ennemis de la nation. « La faiblesse des capacités opérationnelles de l’armée congolaise reste donc un problème majeur, exacerbant l’instabilité et prolongeant l’insécurité dans l’est du pays », pense-t-on à Congo Challenge.
Enfin, l’approche gouvernementale actuelle relève davantage d’un ajustement conjoncturel que d’une
véritable réforme structurelle à même d’assurer une réponse efficace aux enjeux sécuritaires.
« Sans une restructuration profonde de la gouvernance économique et militaire, la RDC risque de perpétuer une gestion de crise inefficace, sans parvenir à modifier durablement les rapports de force sur le terrain », estime Congo Challenge.
Amédée Mwarabu