Au cours de l’année 2024, la SNEL a amélioré ses performances financières, investi dans ses infrastructures et renforcé son capital humain. Mais ses défis restent lourds : fiscalité confiscatoire, tarifs obsolètes, dépendance aux financements de l’État et croissance de la demande électrique supérieure à celle de sa production.

Les états financiers de l’exercice 2024 de la Société nationale d’électricité (SNEL SA) ont été présentés au Conseil supérieur du Portefeuille (CSP) son rapport d’exécution budgétaire pour l’exercice 2024.

Le Directeur général de la SNEL SA, Fabrice Lusinde, devant le président du CSP, Norbert Nkubu, et le coordonnateur Blaise Ngoy, a livré un plaidoyer mêlant performances budgétaires et innovations techniques. Il a aussi appelé à un soutien accru de l’État en vue d’une réforme profonde de la fiscalité énergétique pour renforcer un système énergétique congolais encore fragile.

Les chiffres clés

Pour l’exercice 2024, la SNEL SA affiche une augmentation de 10 % de ses produits et une réduction de 3 % de ses charges. Sa trésorerie s’est améliorée de 129 %, avec un solde positif de 53,8 millions USD, contre un déficit de 28 millions en 2023.

« La contribution de la SNEL au budget de l’État a augmenté de 42 % », a déclaré le DG Fabrice Lusinde, saluant le travail de ses équipes et la dynamique enclenchée depuis deux ans. Cette contribution au Budget est passée de 70 à 100 millions USD. Aucun retard n’a été enregistré dans le paiement des impôts, un indicateur de discipline financière salué par le DG Lusinde.

En dépit d’un chiffre d’affaires en légère baisse, la SNEL SA a augmenté son budget d’investissement : plus de 13 % sur fonds propres et plus de 25 % sur financements extérieurs. En 2024, 288 millions USD ont été investis, notamment pour la réhabilitation des turbines d’Inga 2 et la mise en service de nouvelles infrastructures de transport. A cet effet, Fabrice a annoncé la réhabilitation complète des turbines d’Inga 2, dont une nouvelle unité couvrira à elle seule 10 % de la production totale de la SNEL d’ici deux mois.

Le poste haute tension de Nyota-Kasumbalesa est désormais opérationnel, permettant de fluidifier les flux d’énergie importée et de sécuriser l’approvisionnement des opérateurs miniers du Grand Katanga.

D’autres chantiers ont été achevés : la remise en service du 4e groupe de Nseke, la ligne Bipemba–Mbuji-Mayi, et le poste de dispersion d’Inga.

Dans ce même ordre d’idée, la SNEL poursuit le déploiement du système de prépaiement, et a lancé l’application SNEL Box, bientôt interconnectée aux systèmes de paiement mobile. Des partenariats, entre autres avec Shanghai Electric, visent à moderniser la distribution à Kinshasa-Est et dans plusieurs villes de province de la RDC. Le nombre de clients a progressé de 17 % entre 2023 et 2024.

Pour le social, la SNEL assure désormais un paiement régulier des salaires, autour du 20 de chaque mois. La masse salariale a augmenté, avec un salaire moyen passant de 19 200 USD à 23 086 USD par an en 2025.

En ce qui concerne les effectifs, 931 agents ont été engagés depuis 2023, dont 831 anciens journaliers régularisés. La société prévoit 604 nouveaux recrutements d’ici fin 2025, dont 404 jeunes diplômés et la mécanisation de 200 journaliers.

Vivement une fiscalité énergétique “visible, stable, incitative et juste”

Le DG Lusinde a insisté sur plusieurs freins :  La fiscalité énergétique jugée confiscatoire, qui pénalise les investissements ; Les retards de l’État dans l’application du décret d’exonération douanière pour les équipements ; Le maintien des tarifs de 2009, malgré l’inflation et les investissements réalisés depuis 16 ans ; Il a plaidé pour une fiscalité énergétique “visible, stable, incitative et juste”, et pour une meilleure protection des infrastructures, citant la menace d’érosion sur le pylône 8 de la ligne 400 kV : « Si ce pylône tombe, Kinshasa sera dans le noir », a-t-il averti.

De nouvelles centrales pour combler le déficit énergétique

A ce jour, la SNEL gère une soixantaine de contrats avec des sociétés minières, censés fournir 2300 MW. En réalité, seuls 530 MW en moyenne parviennent à Kolwezi, et environ 200 MW sont effectivement livrés. Le DG Lusinde appelle à la construction de nouvelles centrales pour répondre à cette demande stratégique.

Nécessité d’un contrat de performance avec l’Etat

L’évaluation globale est jugée positive par le CSP. La SNEL a amélioré ses performances financières, investi dans ses infrastructures et renforcé son capital humain. Mais ses défis restent lourds : fiscalité, tarifs obsolètes, dépendance aux financements de l’État et croissance de la demande électrique supérieure à celle de sa production.

« L’électricité est au cœur du développement économique. La SNEL fait sa part, mais l’État doit jouer pleinement son rôle », a souligné le DG Fabrice Lusinde.

La SNEL ne peut se redresser sans un contrat de performance clair avec l’État, propriétaire et principal client. « La fiscalité énergétique actuelle ressemble à des droits confiscatoires », a-t-il ajouté, plaidant pour une fiscalité stable, incitative et juste.

Il a également alerté sur la menace qui pèse sur certaines infrastructures. Une érosion met en danger le pylône 8 de la ligne 400 kV : sa chute plongerait Kinshasa dans le noir. « Ce n’est pas seulement une affaire de la SNEL, mais une affaire de l’État », a-t-il rappelé.

Bien que l’évaluation globale soit positive, les efforts de digitalisation se poursuivent avec l’application SNEL Box et le développement des paiements via mobile money. La société veut accentuer ses investissements, sécuriser ses infrastructures et augmenter sa production.

Pour la Direction générale de la SNEL, l’enjeu est clair : répondre à la croissance rapide de la demande en électricité, moteur de l’industrialisation et du bien-être social, afin de traduire en paroles et en actes la vision du Chef de l’État, incarnée par le gouvernement.

En somme, la SNEL sort renforcée de son exercice budgétaire 2024, mais reste confrontée à des contraintes fiscales et structurelles. Son avenir dépendra autant de sa gestion interne que du rôle que l’État acceptera de jouer dans le financement et la politique énergétique nationale.

Amédée Mwarabu

By amedee

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