La Banque mondiale a totalement repensé le projet Grand Inga en République démocratique du Congo. Grand Inga est désormais conçu comme un Programme de développement destiné à la transformation économique de la RDC, et non plus comme un simple projet de barrage. Dans deux semaines, le Conseil d’Administration de la Banque mondiale pourrait donner son approbation sur la mise en œuvre des projets devant être réalisés avant même la construction du barrage. Cette institution financière internationale entend disponibiliser 1 milliard de dollar pour régler aussi bien les problèmes de sauvegarde environnementale et sociale que pour créer un corridor d’infrastructures entre Boma et Kolwezi. Ce financement est destiné à préparer la RDC au programme Grand Inga et non à financer la construction du barrage. Ainsi, il est prévu un Programme de développement local pour le Kongo Central, une Académie pour former les populations riveraines du site Inga aux métiers du barrage et même la réhabilitation des routes devant relier les villes et territoires du Kongo Central à Inga, afin de faciliter les travaux de construction de la centrale au moment venu. Toutes ces assurances ont été données par Albert Zeufack, le Directeur des Opérations de la Banque mondiale pour la RDC.
Au cours d’un échange, le mardi 20 mai à Pullman Hôtel Kinshasa, avec les journalistes de la presse nationale et internationale, le Directeur des Opérations de la Banque mondiale pour la RDC, le Burundi, l’Angola et le Sao Tome et Principe, Albert Zeufack, a annoncé que le programme multi phases du Grand Inga sera examiné le 3 juin 2025 par le Conseil d’Administration du Groupe de la Banque mondiale.
« Inga fait partie des interventions officielles de la Banque Mondiale. Nous avons travaillé depuis deux ans pour préparer un programme en plusieurs phases. Et c’est ce programme que nous allons porter au Conseil d’administration de la Banque mondiale le 3 juin 2025 pour demander l’autorisation du Conseil d’administration de poursuivre cela », a confié Albert Zeufack en présence de Edith Jibunoh, la directrice Responsable des affaires extérieures et corporatives de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe en séjour de travail en RDC.
A en croire Albert Zeufack, si le Conseil d’administration de la BM valide le programme, il sera immédiatement disponibilisé 250 millions USD pour la mise en œuvre des projets devant anticiper les problèmes de sauvegarde environnementale et sociale du projet grand Inga.
« Si nous avons l’approbation du Conseil d’administration le 3 juin 2025, nous aurons directement l’approbation de 250 millions de dollars qui vont être investis dans le développement local du Congo central. Il s’agira d’assurer les préoccupations de la population, c’est-à-dire créer le développement qui profite à ces populations-là. Nous allons par exemple créer une académie Inga dans le Kongo Central qui va former les Congolais aux métiers du barrage (les ouvriers et les ingénieurs). Et nous allons travailler avec des partenaires pour que ces ingénieurs aient de stages dans d’autres entreprises, dans d’autres pays, afin qu’ils soient prêts au moment où on commence la construction du barrage. Nous aurons donc 25 millions de dollars pour la formation, pour préparer le Kongo Central aux emplois de Inga », a-t-il dit.
Pour Albert Zeufack, la Banque mondiale conçoit désormais le projet Inga comme une opportunité de transformation économique de la RDC et non plus comme un simple projet de barrage.
« Pensons à Inga comme une opportunité de transformation économique du Congo, pas juste comme un barrage où on va vendre de l’électricité. Nous devons positionner Inga comme un Programme de transformation économique du Congo. On a énormément d’opportunités de création d’emplois avant même qu’on ne commence la construction du barrage Inga 3. Nous intervenons là en tant que Groupe Banque mondiale. La Société financière internationale (SFI) est prête à travailler avec le secteur privé. C’est le moment d’investir par exemple dans la cimenterie qui sera nécessaire à la construction du barrage. Les problèmes de sauvegarde environnementale, on les anticipe. Les problèmes de sauvegarde sociale, on les anticipe et on s’assure que les populations riveraines tirent des bénéfices du projet », a souligné Albert Zeufack au cours de cet échange avec la presse.
Parlant du phasage du programme Inga, il a expliqué en ces termes : « Nous allons au Conseil d’administration avec le programme multi-phase de Inga. La première phase de ce programme, et c’est l’innovation que nous avons apporté cette fois-ci, les pensions se sont toujours déchainées sur Inga parce qu’on pense à Inga comme un projet d’hydroélectricité alors que c’est un programme de développement. Si on ne fait pas ce changement alors on bute, comme depuis 20 ans, parce que ça devient l’affaire de qui construit, qui achète de l’électricité, qui vend. C’est que la Banque mondiale propose actuellement est qu’on y aille par phase, mais les phases ne sont pas continuelles. Elles peuvent être parallèles. La première étape dans le programme multi-phase, c’est le programme de développement local. La deuxième phase, nous avons un programme qui va donner l’électricité à la région avant même qu’on ne fasse Inga, pour s’assurer que ces populations aient l’électricité avant. C’est pour ne pas faire la même erreur qu’on a fait avec Inga 2 où on a construit un barrage puis on a fait traverser l’électricité sur tout le pays, mais à la source personne n’a eu, à travers le pays personne n’a eu non plus. Les lignes de Inga 2 ont traversé le Kasaï sans donner de l’électricité à ces régions. Aujourd’hui, on ne peut pas faire la même erreur. La Banque mondiale a changé d’approche. Dès qu’il y a approbation le 3 juin du programme par le Conseil d’administration, le 5 juin déjà, nous allons commencer à travailler avec le gouvernement pour mettre en œuvre ce programme de développement local sur le terrain au Kongo Central. Il y a également une composante infrastructure. Il va falloir faire les routes de desserte qui lient les villes et territoires du Kongo Central au site d’Inga. On aura besoin de ces routes pour faire le projet Grand Inga. Nous sommes en train d’anticiper les problèmes et on les résout en amont et, en parallèle, on est en train de finir les études techniques pour la construction du barrage ».
Si le Conseil d’administration de la Banque mondiale approuve ce financement de 250 millions USD le 3 juin prochain, la balle sera désormais dans le chef des dirigeants Congolais qui devront s’activer pour franchir toutes les étapes nécessaires avant la signature de l’accord de financement entre la Banque mondiale et le ministre des Finances. Ce qui implique au préalable que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent ratifier cet accord de financement avant la fin de la session ordinaire de mars au Parlement qui se clôture le 15 juin 2025.
En ce qui concerne les 750 millions USD restants du 1 milliard de dollar, le Directeur des Opérations de la BM pour la RDC a indiqué qu’ils seront utiles pour l’aspect Corridor Boma-Kolwezi devant relier le sud-est du pays au nord-ouest en infrastructures. De son avis, le long de ce corridor, on aura la possibilité d’une agriculture intensive. « La Banque mondiale est en train de repositionner son projet PNDA le long de l’autoroute que nous sommes en train de faire au Kasaï. C’est pour que l’agriculture ait accès au marché », a-t-il dit.
L’autre phasage de ce programme Grand Inga, c’est l’aspect exploration minière. Ici, il est prévu des explorations minières dans le Kongo central. « Nous aurons aussi des zones industrielles qui vont être créées le long de ce corridor où les entreprises peuvent s’installer pour la transformation. Nous sommes en discussion avec le ministère de l’Industrie quant à ce. La zone industrielle autour de Inga aura besoin de beaucoup d’électricité. Voilà pourquoi ce programme a aussi une composante exploration minière dans le Kongo Central. Il se fait que le Kongo central a des gisements miniers. Il y a des opportunités énormes ».
A noter que le projet Grand Inga est une succession des 8 projets dont deux ont été déjà faits (Inga 1 et Inga 2) en RDC. Il reste donc de construire Inga 3 et de continuer jusqu’à Inga 8. Ce n’est qu’à ce prix-là qu’on va réaliser le potentiel de 40 gigawatts. Inga c’est le seul site au monde où on peut générer jusqu’à 40 gigawatts d’électricité sur le même endroit. « C’est une merveille de la nature », s’est exclamé Albert Zeufack.
Amédée Mwarabu