Paul Kagame et Félix TshisekediPaul Kagame et Félix Tshisekedi

La présidence Tshisekedi vient procéder à des permutations dans la hiérarchie militaire, une décision qui aurait pu être déclenchée par la proclamation de victoire par la reprise de territoires par la coalition FARDC-Wazalendo arrosée par les Congolais à travers tous les réseaux sociaux, avant qu’ils ne soient rapidement reperdus, et bien plus encore, face au M23-RDF. Ces revers, accompagnés de conséquences désastreuses pour l’ego national congolais, exacerbent le désenchantement populaire. Beaucoup de Congolais, épuisés des illusions de victoires, se demandent : ce remaniement peut-il réellement redonner un élan à la lutte contre des adversaires toujours un coup d’avance ? Ou n’est-ce qu’une simple partie de chaises musicales destinée à masquer l’échec ?

Pendant ce temps, Kagame, en gommant les pourparlers de paix prévus à Luanda le 15 décembre 2024 de son calendrier, et la conquête des nouveaux territoires par M23-RDF, semble viser bien plus qu’une simple part du gâteau : il veut maintenant l’intégralité, si l’on peut se permettre cette métaphore.

Son régime a ouvert un nouveau front, autrefois domaine exclusif des Tshisekedistes : celui de la satire politique. En exploitant le mécontentement croissant des Congolais, écœurés par l’incapacité de Kinshasa à rivaliser avec Kigali, les scandales financiers à répétition et l’incapacité du régime à améliorer les conditions de vie, Kagame s’attèle à renforcer son discours. Kigali s’efforce de transformer cette désillusion populaire en un outil puissant pour dépeindre Tshisekedi comme un dirigeant incompétent, tout en reprenant le contrôle du récit, non seulement au niveau régional, mais également sur la scène internationale.

Le récit de deux motivations divergentes

Les Congolais se souviennent-ils que le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, a lancé en grande pompe, tambours battants et trompettes retentissantes, le 17 novembre 2022 à Kinshasa, la campagne de mobilisation patriotique intitulée : « Défendons la patrie, bendele ekweya te » ? Que dire du fait qu’une seule journée par an est réservée au « Mouvement Geno-Cost », censé dénoncer les atrocités qui ensanglantent la RDC et exiger la reconnaissance du génocide qui s’y perpétue dans l’indifférence. Je me demande laquelle de deux, où les slogans et les symboles a généré le plus de selfies flatteurs de la part d’élites arborant fièrement leur T-shirt. Toutefois, une fois l’an, certes, les Congolais hurlent leur indignation à propos de « Geno-Cost », alors que « bendele ekweya te » semble être un refrain d’un autre temps, guère assez frais pour mériter un cliché.

Pendant ce temps, au Rwanda, le régime de Kigali rappelle chaque année, sans relâche, au monde entier le drame du génocide, ne laissant aucune place à la nuance ou à une quelconque remise en question du récit officiel. Gare à ceux qui tentent de discuter ou de contextualiser l’événement : Charles Onana est le plus récent exemple. Au moins, le message de Kigali reste clair et sans ambiguïté.

Sur le plan de politique économique, pendant que les troupes rwandaises jouent les cow-boys, ou pour être plus précis, les conquistadors, l’autre côté de la frontière, le président Paul Kagame annonce fièrement la candidature de son pays pour organiser un Grand Prix de Formule 1. Faut-il rappeler que la F1 n’a pas fait d’apparition en Afrique depuis 1993 ? Cette démarche s’inscrit dans une stratégie de positionnement géopolitique et de marketing international, dans laquelle Kigali ne cache pas ses ambitions économiques, qu’il ne cache pas derrière des objectifs territoriaux clairs.

Pour contraster les motivations de ces deux régimes, tandis que Kigali poursuit sa stratégie géopolitique pour sa croissance économique avec détermination et fureur, Kinshasa est enlisé dans un tourbillon de discours politiques populistes, qui sont à la fois macabres et déconnectés des défis mondiaux contemporains.

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Le président Tshisekedi vient de désigner un nouveau « lutteur » pour entrer dans l’arène de l’Est. Ce soi-disant « Edingwe Moto Na Ngenge », que le général Chicko Tshitambwe, après avoir perdu une portion de territoire presque aussi grande que le Rwanda, est contraint de passer la main pour affronter le M23-RDF n’est autre que le général Pacifique Masunzu, un ancien de l’AFDL. Son passé ? Un véritable feuilleton de trahisons ! Il a trahi ses amies de RCD et les autorités congolaises, choisissant de défendre son groupe ethnique, les Banyamulenges, ou pour être plus précis, Tutsi « aile Sud Kivu ». On pourrait dire qu’il a choisi « le sang » avant « la nation ». Mais, comme tout bon personnage de roman, après sa trahison, il semble avoir trouvé la rédemption en servant l’ancien président Joseph Kabila, et cette fois, il combat le régime tutsi de Kigali, choisissant « la nation » plutôt que « le sang lointain ».

En quelque sorte, Tshisekedi semble avoir décidé de mettre un Tutsi contre d’autres Tutsis. On se croirait dans un match de lutte où deux adversaires qui connaissent parfaitement le terrain se retrouvent à se confronter dans une arène qu’ils ont partagée. Mais ce que l’on ne voit peut-être pas immédiatement, c’est la profondeur de l’affrontement actuel. Ce n’est pas seulement une guerre entre forces militaires ; c’est aussi une guerre à connotation ethnique, où souvent, le Hutu congolais (Wazalendo) se bat contre le Tutsi, qu’il soit congolais ou non (M23). Et même si ces deux camps ne sont pas entièrement homogènes d’un point de vue ethnique, l’affrontement résonne tout de même fortement sur le plan identitaire. Il y a une raison pour laquelle le M23-RDF a eu tant de mal à s’imposer à Rutshuru et Masisi, deux bastions des Hutus congolais, et a même intronisé un nouveau chef coutumier pour imposer leur validité auprès de la communauté. Mais étonnamment, le M23-RDF semble désormais avancer beaucoup plus rapidement à Walikale et Lubero. Est-ce un hasard qui aurait bien mérité une médaille ?

Et donc, en nommant un général Hutu pour mener la bataille, Tshisekedi aurait pris un risque énorme en levant le voile sur le duel ethnique que Kagame continue de suggérer entre Hutu et Tutsi, attirant ainsi l’attention du monde entier, pour le meilleur ou pour le pire.

Mais en choisissant un Tutsi, alias Munyamulenge, pour mener les opérations militaires, Tshisekedi semble demander aux Tutsis congolais de prouver leur nationalisme à travers Pacifique Masunzu, qui, malgré son passé compliqué, doit désormais incarner le symbole d’un patriotisme congolais à part entière. Ce n’est donc pas qu’une simple bravoure militaire ; c’est un véritable combat intérieur pour Masunzu, qui se retrouve à nouveau dans une position délicate, mais cette fois, avec des enjeux beaucoup plus lourds, bien plus personnels.

La cure : Révision constitutionnelle ?

Pourquoi n’avons-nous pas une confrontation ouverte avec le Rwanda ? Pourquoi le Rwanda ne semble-t-il pas effrayé ? La réponse réside dans la Constitution actuelle, qui ne contraint pas le président Tshisekedi à agir de manière décisive ; tout repose sur ses sentiments et ses décisions personnelles, mettant les motivations d’un citoyen au-dessus des intérêts, surtout économique, de toute la nation.

Les articles 57 et 58 du projet de Constitution que j’ai déposé au Congrès et à la présidence constituent une mesure essentielle pour éviter que les décisions tardives, impulsives ou partisanes d’un président de la république ne conduisent à une guerre prolongée, comme celle que nous vivons actuellement avec le Rwanda.

Si ce cadre constitutionnel était en place, le conflit aurait probablement pris une autre tournure et pourrait même avoir été arrêté à Bunagana dès le départ. Selon l’article 57 modifié, dès qu’une partie du territoire national est occupée ou qu’une menace pèse sur la souveraineté de la République, le président serait obligé de convoquer une session extraordinaire du Congrès dans les 48 heures. Il serait contraint de soumettre un rapport détaillant l’agression ou la menace, et ce ne serait plus une décision solitaire, mais une décision collective et réfléchie, impliquant l’ensemble des institutions politiques du pays. Le Congrès pourrait alors évaluer les implications de l’agression et décider des actions appropriées, que ce soit des sanctions économiques, des mesures diplomatiques, ou même une mobilisation militaire. Ainsi, le peuple aurait le pouvoir de contraindre, voire de faire pression sur ses représentants pour qu’ils se plient à sa volonté ou à ses souhaits.

Ce système mettrait en place des garde-fous nécessaires pour que le recours à la guerre soit toujours soumis à un contrôle démocratique et institutionnel, et non pas laissé aux seules mains d’un individu. Il permettrait de garantir une action rapide et décisive dès les premières menaces, sans être paralysé par l’inaction ou les sentiments personnels d’un individu. Cela garantirait également que notre nation réagisse avec la force, sans gang, et la cohésion qu’elle mérite dès le début de la menace ou l’attaque.

Et dans le cas où le président de la République, pour quelque raison que ce soit, manquerait à cet obligation, l’ARTICLE 33 stipule : « Le retrait d’un mandat électif peut également intervenir en cas d’acte ou d’omission constituant une violation claire et manifeste des dispositions de la Constitution. »

Quand viendra l’assaut économique ?

Depuis le début de la guerre, il y a plus de cinq ans, j’ai prôné une frappe économique contre le Rwanda. Pourtant, rien n’a été fait. Aujourd’hui, Kagame vient de frapper Tshisekedi là où ça lui fait vraiment mal : l’ego politique. N’est-il pas temps pour Tshisekedi de riposter, mais cette fois, plus fort, là où cela va réellement toucher Kagame : son économie ? Une frappe économique viserait à secouer les fondements mêmes de son pouvoir, fondé sur un pacte tribal où la minorité Tutsi contrôle le pouvoir, pendant que la majorité Hutu se contente de ce qui reste, sans oser remettre en question le schéma ou deal.

Certains se demandent encore si les sanctions économiques que j’ai proposées à l’époque seraient toujours efficaces aujourd’hui, surtout maintenant que Kagame a réussi à étendre son emprise au-delà des frontières entre le Rwanda et la RDC. La réponse est : oui. Des sanctions telles que, je répète, « les entreprises enregistrées en RDC et les citoyens congolais interdits de faire des affaires avec les entreprises enregistrées au Rwanda ou des citoyens rwandais » seraient une forme de guerre psychologique redoutable. Cela inclurait même des entreprises vendant des armes ou du matériel militaire, qui se retrouveraient prises dans le filet, tout comme les citoyens congolais impliqués dans le M23. Si la campagne « Silence en RDC, Kagame tue » a dérangé Kagame, imaginez l’impact des sanctions économiques, qui diviserait le monde en deux. Et je peux garantir que de nombreux pays et entreprises ayant des liens économiques avec le Rwanda tourneraient rapidement les robinets de leur économie.

De plus, l’Ouganda, que le Rwanda a réussi à contrôler en partie en raison de la frontière avec la RDC, aime l’argent, et sous pression, ils se retourneraient rapidement contre Kagame.

Quant à l’impact négatif sur l’approvisionnement des villes comme Goma ? Pas de panique, elles ne vont pas se noyer, à condition de ne pas le vouloir. Avec les millions détournés ou gaspillés dans des projets futiles, comme les lampadaires, on pourrait facilement dégraisser la « République de la Gombe » et réorienter ces fonds pour garder Goma à flot et redonner un peu de dignité aux déplacés. Après tout, il y a toujours de l’argent pour briller la nuit, mais on oublie souvent qu’il y a des vies humaines à éclairer le jour.

À ce stade, des frappes audacieuses et des prises de force bien ciblées économiques seraient non seulement efficaces, mais absolument déterminantes pour inverser la situation. Le talon d’Achille de Kagame, comme celui de nombreux autocrates dans les pays en développement, réside dans la fragilité de son économie nationale et, surtout, dans son besoin constant de nourrir les rêves des vautours et des mécènes. Il est grand temps de jouer cette carte, car c’est là que réside le véritable levier de pression, capable de déséquilibrer le fragile équilibre sur lequel repose son pouvoir.

En fait, la guerre à l’Est perdure, et Kagame conserve une longueur d’avance, d’autant plus que, du côté congolais, le bal des illusions patriotiques et des T-shirts engagés, plus proches des effets de mode que d’une véritable action, révèle que les intérêts politiques à court terme continuent de dominer l’économie nationale et le bien-être des citoyens.

Jo M. Sekimonyo

Économiste politique, théoricien, militant des droits de l’homme et écrivain

By amedee

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