Il se tient du 6 au 13 novembre 2024 à Kinshasa les états généraux de la Justice. Le nouveau Garde des Sceaux de la République démocratique du Congo pense ainsi trouver, à l’issue de ces assises, les remèdes pour guérir la Justice congolaise qualifiée de « malade » par le magistrat suprême.
Il se trouve que la République entière connaît les maux dont souffre cette justice : le « cancer » de la corruption, le trafic d’influence des politiques, l’indiscipline des juges qui bloquent les prononcés des décisions judiciaires, les moyens dérisoires alloués au secteur judiciaire, les mauvaises conditions de vie des magistrats retraités, non sans compter quelques dispositions légales à réformer et la surpopulation carcérale.
Ces maux ont été également diagnostiqués lors des précédents états généraux de la Justice organisés en 2015 et qui avaient pondu plus de 350 résolutions, du reste jetées dans la poubelle aujourd’hui.
Mais, ceci n’a pas dissuadé le bouillant ministre de la Justice de décider de dilapider les deniers publics pour organiser de nouveaux états généraux de la Justice. Pour ces énièmes états généraux de la Justice, plus de 3.500 participants sont conviés, y compris ceux venus des provinces de la RDC. C’est pour des résultats qui ne seront nullement différents de ceux des précédents états généraux de la Justice.
Bref, ces états généraux sont inutiles, une perte de temps, une perte d’énergie et surtout une perte de l’argent du contribuable congolais. Puisque, les mêmes causes qui ont fait que les résolutions des états généraux de la Justice de 2015 n’aient pas produit les résultats escomptés feront que ceux attendus présentement puissent également être jetés dans les oubliettes.
En fait, de tout temps, au regard des maux qui gangrènent le secteur de la Justice, l’absence de volonté politique reste la première cause qui fait que ce secteur soit effectivement malade. Regardez la surpopulation carcérale dans les prisons congolaises. Ces dernières ont quasiment toutes l’âge de l’indépendance de la RDC. C’est-à-dire, nos prisons sont en quasi-totalité des vestiges laissés par les colons belges. Depuis 1960, les différents gouvernements successifs n’ont pas pensé à construire des prisons modernes qui devraient être en réalité des centres de rééducation.
Au-delà de l’absence de la volonté politique des dirigeants, le secteur de la Justice ainsi que tous les autres secteurs de la vie socioéconomique du pays sont en vérité le reflet des déficits des politiques publiques, depuis 1960.
Tenez, ces derniers temps, il a été organisé aussi des états généraux de l’ESU (Enseignement supérieur et universitaire), des Sports et même de la Presse. Mais, tous ces secteurs n’ont véritablement pas connu un changement. Pire, avant la tenue des états généraux est égale à après la tenue de ceux-ci dans tous ces secteurs. La faute au déficit des politiques publiques dans les sports, dans l’enseignement supérieur et universitaire, dans le secteur des médias.
C’est comme ça que le système de l’enseignement de la RDC n’est pas parmi les mieux organisés en Afrique. C’est le même cas des routes, de l’électricité et de la desserte en eau ou encore des transports. Tous ces services publics dégagent un déficit criant en termes d’investissements publics. Et ce ne sont pas les états généraux qui viendront changer quoi que ce soit, mais plutôt il faut l’affectation des moyens financiers conséquents.
Par exemple, que peut rapporter au pays la tenue des états généraux de l’électricité. Quand l’on sait que depuis la centrale hydroélectrique de Mobayi Mbongo, inaugurée en 1989, sous le Zaïre, l’État congolais n’a construit qu’un seul barrage en 35 ans, celui de Zongo1 (150 MW). Donc, en 35 ans, l’État congolais construit un seul barrage de 150 MW pendant que la population congolaise est passée de 37 millions en 1987 à 100 millions de personnes aujourd’hui !
Voilà qui explique que les Congolais vivent en grande majorité aujourd’hui dans l’obscurité, parce qu’il n’y a pas eu d’investissements publics conséquents dans ce secteur pourtant vital de l’énergie. Cette dernière est dite la ressource souveraine, car de laquelle on peut produire toutes les autres ressources. Qui ne sait pas que l’électricité a une incidence directe sur la croissance économique du pays. Mais, ça a été négligé en RDC.
En somme, sans la volonté politique des pouvoirs publics d’organiser les secteurs vitaux comme la Justice, l’éducation, l’Enseignement supérieur et universitaire, les infrastructures de base comme les routes, les barrages, les voies des transports, le pays fera du surplace. Et on aura beau organiser des états généraux de ceci ou de cela, mais ça sera sans impact sur le développement de la nation.
Amédée Mwarabu