La République démocratique du Congo (RDC) vient de subir un revers stratégique majeur avec le lancement du corridor de Lobito, un projet d’envergure porté par l’Angola. Cette infrastructure, qui relie le port de Lobito à l’hinterland minier de la région, représente bien plus qu’un simple corridor de transport : elle est une déclaration d’indépendance économique et de domination régionale de l’Angola. Pendant que nos voisins avancent à grands pas, la RDC demeure paralysée par des années d’inaction politique, de tergiversations et de mauvaise gouvernance.
Un Impact Économique Douloureux pour la RDC
Le corridor de Lobito positionne l’Angola comme une destination de choix pour l’exportation des minerais issus du Katanga et des provinces environnantes. Ce projet offre des zones économiques spéciales (free zones) pour la transformation sur place des ressources minières, ajoutant ainsi une valeur significative à ces matières premières. En clair, au lieu de se contenter du transit des minerais, l’Angola s’assure de capter une part importante de la chaîne de valeur, privant la RDC d’opportunités vitales.
Pendant ce temps, le port de Muanda, qui pourrait être une réponse stratégique au corridor de Lobito, reste un mirage. Des années de discussions infructueuses et de promesses non tenues ont laissé ce projet clé dans les limbes, malgré son potentiel immense pour rediriger le trafic minier vers notre territoire. Résultat : une dépendance persistante à des corridors étrangers qui drainent les ressources congolaises vers Dar es Salaam, Durban, et maintenant Lobito.
Déficit Énergétique et Manque de Vision
L’Angola, en parallèle, a récemment inauguré deux barrages hydroélectriques pour une capacité totale de plus de 10.000 MW. Ces infrastructures viennent renforcer un secteur énergétique qui soutiendra le développement de ses zones industrielles et l’électrification des régions minières. Pendant ce temps, la RDC fait face à un déficit énergétique abyssal de 2 000 MW, particulièrement dans le secteur minier, freinant ainsi le développement industriel et économique.
Le projet Grand Inga, autrefois porteur d’espoir pour combler ce déficit, est embourbé dans 15 ans de discussions stériles. L’incapacité des décideurs congolais à concrétiser ce projet stratégique illustre un manque criant de leadership et de vision.
Un Manque à Gagner Colossal:
Le corridor de Lobito représente un manque à gagner colossal pour la RDC. Selon les estimations, ce sont plus de 15 000 camions par mois qui pourraient être détournés de nos infrastructures au profit de l’Angola. En termes de revenus directs, ce projet prive la RDC de péages, de recettes douanières, et de la consommation locale de carburant et services connexes (hôtels, motels, restaurants, etc.). Plus grave encore, il amplifie l’exode de nos ressources brutes sans que celles-ci ne profitent au développement local.
La Faute à Qui ?
Ce coup de massue est le résultat d’un enchaînement d’erreurs stratégiques. Parmi celles-ci, citons le refus des investissements américains pour le développement du port de Muanda, au profit d’intérêts émiratis qui n’ont jamais abouti à des résultats concrets. À cela s’ajoute l’absence d’une politique claire pour développer nos infrastructures nationales, comme la « Route du Cuivre » ou un corridor énergétique efficace reliant Inga aux régions minières du Katanga.
Vers une Mort Économique Annoncée ?
Avec le corridor de Lobito, l’Angola démontre que le développement passe par des choix courageux et stratégiques. Pendant que nos voisins avancent, la RDC semble figée dans l’immobilisme. Si cette situation perdure, nous risquons de devenir les spectateurs de notre propre déclin économique, incapables de tirer parti de nos ressources pour développer notre pays et offrir une meilleure qualité de vie à nos citoyens.
Il est urgent que la RDC reprenne le contrôle de son avenir économique. Cela passe par des choix audacieux : investir massivement dans des infrastructures stratégiques comme le port de Muanda, développer nos propres corridors, réduire notre déficit énergétique, et transformer nos ressources localement.
Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action. Faute de quoi, la RDC continuera à être le géant aux pieds d’argile, observant impuissante les autres récolter les fruits de son inaction.
Par: Jean Michel KALONJI