La 2ᵉ édition de la Semaine de l’Énergie s’est ouverte ce mardi 24 juin à la salle La Perle de Sainte-Anne à Kinshasa. Plus qu’un simple forum, c’est un moment de vérité pour le secteur énergétique congolais. Entre ambitions réaffirmées, chiffres choc et appels à la réforme, la Société Nationale d’Électricité (SNEL SA) s’est imposée comme l’acteur central d’un futur énergétique qui ne peut plus attendre.
Dans une salle vibrante d’enjeux, la Semaine de l’Énergie 2025 a planté le décor d’un débat majeur: comment électrifier un pays, construire une souveraineté énergétique durable, tout en naviguant dans les eaux troubles du sous-financement, des dettes abyssales et des réalités démographiques explosives.
À cette question, la SNEL est venue avec des réponses, mais surtout un cri d’alarme :
« Malgré nos actions et nos versements à l’État, nous ne sommes pas protégés par l’autorité de régulation pour le recouvrement », a expliqué Fabrice Lusinde, Directeur Général.
Une scène de vérité
Le DG a évoqué un paradoxe qui pousse à réfléchir : bien que la SNEL ait versé 100.3 millions USD en 2024 au Trésor public (contre 70,8 millions USD en 2023), l’État congolais lui doit 278 millions USD, les entreprises publiques 70 millions, et les entités provinciales 60 millions.
Au total, plus de 30 % de l’énergie produite par la SNEL est consommée sans retour financier.
La SNEL compte à ce jour, une dette globale de 3 milliards de dollars, faisant de la société, le deuxième plus grand débiteur du pays après l’État. Et ce n’est pas tout : avec 2200 MW contractés pour livraison, la SNEL arrive à peine à fournir que 1100 MW, révélant un déséquilibre criant entre engagements commerciaux et capacité réelle.
Une dynamique sans précédent : des résultats tangibles
Mais loin de se laisser abattre, la SNEL affiche aussi ses avancées. En deux ans :
• 100 000 nouveaux clients connectés, impactant près de 1 million de Congolais ;
• 927 techniciens engagés, valorisant le capital humain ;
• Digitalisation accélérée avec SNEL & Moi, SNELBOX, Blue Energy ;
• Suppression de la facturation forfaitaire ;
• Collecte record des taxes d’éclairage public :
• Kinshasa : 6,8 Mds CDF
• Lubumbashi : 7,1 Mds CDF
• Kolwezi : 15,9 Mds CDF
• +14,1 millions USD investis dans l’électrification rurale.
« Le message est clair : la SNEL veut rompre avec la lenteur administrative et les promesses non tenues. Et elle le fait avec des actes. »
Des travaux d’envergure de l’Est à l’Ouest
De Muanda à Kalemie, en passant par Kisangani, Kolwezi, Gbadolite et Kinshasa, la SNEL modernise ses infrastructures :
• Production : Inga 2 G23 (+40 MW), Nseke G2 (+65 MW), Inga 1 G16 (+55 MW), Tshopo G1 (+6 MW), Inga 2 G25 (+190 MW)
• Transport : Capacité Inga-Kolwezi portée à 800 MW, nouvelles lignes Kibula–Kamina
• Distribution : Alimentation 24h/24 à Mbuji-Mayi, Kolwezi, Kisangani, Katogota…
• Service client : 60 cabines MT à Kinshasa Nord, modernisation des postes de Funa et Liminga
Mais aussi des défis persistants
Avec 15 000 journaliers non encore stabilisés et 16 00 cadres pour 3 agents chacun, la SNEL subit une pression sociale et organisationnelle lourde. Sans oublier les empiètements anarchiques sur ses installations, liés à l’urbanisation incontrôlée.
La société plaide pour une révision des contrats de collaboration de 2200 mégawatts notamment les miniers car, elle n’est capable de livrer à ce jour que 1100 mégawatts.
« Le régime juridique de l’importation d’électricité reste flou », a déploré le DG Lusinde.
L’ARE en position d’arbitre
La Directrice Générale de l’ARE, Sandra Mubenga, a rappelé le rôle fondamental de l’Autorité : garantir un marché équitable, stable et orienté vers le développement durable tout en brossant succinctement, les réalisations de l’ARE. Son adjoint, Marc Kuyu, a insisté sur les fondements juridiques à consolider pour protéger les producteurs comme la SNEL.
Souveraineté énergétique : socle de la souveraineté économique
« Sans l’industrie de l’électricité, les autres industries n’existent pas », a rappelé Fabrice Lusinde.
L’électrification est présentée comme la condition sine qua non pour rompre avec la dépendance au bois énergie (4 milliards USD par an) et amorcer la substitution des importations alimentaires.
Face à 95 % de bois énergie issu du secteur informel, la SNEL appelle à des investissements massifs :
• 400 millions USD pour former le capital humain
• 600 millions USD pour développer le potentiel hydroélectrique du bassin du Congo
Trois richesses, en attente urgente d’action
La RDC, selon le Directeur de la SNEL, possède trois piliers inexploités :
1. Le capital humain, riche mais mal formé
2. Les eaux et terres du bassin du Congo, énergétiquement puissantes mais écologiquement menacées
3. Les minerais stratégiques, exportés à vil prix.
« Sans capital humain éclairé et sans électricité abondante, nos forêts seront rasées, nos terres surchargées, nos minerais exportés à bas prix, ne laissant que des trous dans nos sols, nos esprits et nos espoirs. » a martelé le DG Lusinde.
La Semaine de l’Énergie 2025 organisée par l’ARE consacre une SNEL en mutation, lucide sur ses failles, mais plus que jamais engagée à incarner une vision nationale. Une vision qui alimente l’espoir et l’action à la mesure des défis actuels, mais surtout réclame des engagements à la hauteur de l’enjeu national
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