A l’ère de la 4ème révolution industrielle, la République Démocratique du Congo est emballée dans cette dynamique des technologies proposées tous les jours. Le monde devient de plus en plus connecté. Autant les humains sont connectés, autant plus les objets le deviennent. Et pour cela, il faut la connexion adéquate. En RD Congo, la population est toujours à la recherche de la meilleure solution qui s’inscrit dans le contexte de sa bourse. Les différentes offres de l’Internet mobile et fixe sont toujours chères et la qualité ne suit pas toujours. Déjà les connexions en paquets – réservoir ou forfaits – démontrent qu’il faut gérer rationnellement au risque d’être déconnecté d’une session importante en cours. Les offres par débit (illimitées en quantité, mais limitées par débit et temps) étaient attendues depuis longtemps. Depuis l’annonce des services de Starlink en 2019-2020, l’attente préssante de voir un jour ce géant débarquait en RDC était aussitôt constatée auprès de ses futurs abonnés, prêts à souscrire et payer le prix fort aux conditions de l’entreprise c’est-à-dire payer en précommande.

En Mars 2024, l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications du Congo (ARPTC) a annoncé, dans un communiqué de presse datant du 15 mars 2024, que l’entreprise Starlink n’avait obtenu aucun titre d’exploitation pour fournir des services d’accès à internet en République Démocratique du Congo. Le communiqué était même accompagné des menaces de sanction pour celles et ceux qui utiliseraient tout équipement « non homologué de Starlink sur le territoire national », ce qui constituait une violation des dispositions légales. Certains ne croyaient simplement pas en la capacitié de l’ARPTC de détecter les contrevenants.

Moins de 14 mois après, alors que le doute persistait, l’ARPTC prend une décision rendue publique le 2 mai 2025. Elle autorise l’entreprise à mettre en place ses infrastructures et à fournir des services de télécommunications à l’échelle nationale. Si ce revirement pouvait étonner plus d’une personne, il ne pouvait guère surprendre ceux qui se questionnaient sur la capacité de l’ARPTC de suivre les contrevenants de la mesure de mars 2024. Le marché des services Internet de la RD Congo venait de connaitre une information choc. D’une part, les optimistes se frottent les mains pour se lancer. D’autre part, les pessimistes pensent qu’il s’agit juste d’un effet d’annonce. Dans les lignes nous analysons quelques paramètres qui naviguent entre optimisme et pessimisme, aucune solution n’étant ni idéale ni nulle.

D’abord Starlink a pris l’ascension dès lors que dans un pays sans beaucoup d’infrastructures filaires à base de fibre optique, l’installation des infrastructures métrées vient toujours avec leurs coûts. Pour les grands espaces, les connexions sans fils sont privilégiées. Starlink qui est un réseau d’une multitude de satellites pesant entre 220 et 1250 kg placés dans les orbites terrestres basses (OTB ou LEO) et orbites héliosynchrones (entre 600 et 800 km). La force de la connexion Starlink réside dans son haut débit variant, mais pouvant varier de 25 à 220 Mbps en phase descendante et 5-25 Mbps en phase ascendante dans les conditions les plus défavorable-favorables. Aucun service n’aura été capable de fournir ce débit, la moitié de ce débit, le quart de ce débit à ce prix-là. Ce débit correspond présentement à celui que les grandes sociétés minières peuvent demander. Ce débit correspond au débit que des villes congolaises entières pouvaient recevoir. Il correspond aux utilisations des endroits les plus sollicités de Kinshasa. La latence varie de 25-100 ms. Cette latence est très acceptable dans les conditions favorables. Mais ce débit varie sur base de plusieurs paramètres.

Sachant que les bandes de fréquence (Ku, Ka, E, V) sont utilisées. Tout dépend de la bande utilisée en RD Congo (probablement Ku pour les utilisateurs). Un exemple de bande susceptible d’être affectée par la pluie est la bande Ka, qui s’étend de 26 GHz à 40 GHz. Cette bande, parmi d’autres, est considérée comme une bande de haute fréquence. L’atténuation due à la pluie commence à 10 GHz. Cela signifie que la bande Ku, qui s’étend de 12 à 18 GHz, est également affectée par la pluie – STARLINK utilise entre 10-14 GHz.

Comment les pluies, particulièrement en RDC, pourraient affecter ce débit ?

Rappelons juste que deux principaux protocoles de transport sont utilisés sur Internet : TCP et UDP. Les données recueillies sous d’autres cieux montrent qu’Internet utilisant les deux protocoles est affecté négativement par les précipitations. Le débit de l’Internet utilisant le TCP est déjà inférieur au débit de l’Internet utilisant le UDP. En un jour pluvieux, en phase descendante, on a des variations de 220 Mbps jusque 90 Mbps pour l’UDP alors que celui du TCP va de 170 Mbps jusque 35 Mbps. Cela prend des précipitations de 0.2 mm par minute. Pour le TCP les réductions de 75% sont observées alors que ces réductions deviennent de 25% pour le protocole UDP. Par exemple, la pluie du 14 Juin dernier à KInshasa était de 90 mm alors que la pluviométrie de Novembre indique autour de 240 mm. Donc les fluctuations de débit seront remarquables surtout les jours des pluies. Si les perturbations climatiques (pluviométriques) continuent, alors il faudra être moins optimiste.

Le débit n’est pas affecté que par la pluie mais par les heures de la journée. Les après-midi après 12h00 et les soirs apparaissent comme les moments les plus défavorables. Et les fluctuations sont plus remarquables pour l’Internet utilisant le protocole TCP que l’Internet utilisant l’UDP. La nuit (23h00 du soir jusque 7h00 du matin) apparaît comme le meilleur moment de connexion favorable. Cela peut être sous-entendu comme effet de l’activité humaine. La connexion est meilleure lorsque moins de personnes sont connectées.

En fait, Starlink utilise un Réseau ou une constellation des satellites pour une population donnée. On peut conclure que les premiers abonnés auront une meilleure connexion sauf si le nombre des satellites par utilisateur augmente avec le temps. Ce qui ne sera jamais le cas. D’abord en raison d’un investissement qui est plafonné, ensuite en fonction du retour sur investissement et enfin suite au plafonnement de l’espace (l’on ne peut pas y mettre un nombre infini des satellites), enfin parce qu’il s’agit d’une activité lucrative.

Starlink étant un service commercial, on ne peut pas en parler sans mentionner les prix. Supposant que le prix sera autour de 55 dollars Américains (150 000 FC) le mois, sans compter le prix de l’antenne et du modem qui peuvent revenir autour de 500$, le débit maximal sera toujours en faveur du client. A comparer avec les compétiteurs, il y a toujours un avantage. Peut-être que l’offre sera probablement difficile pour ceux qui doivent débourser 555$ le premier mois. Mais si on repartit les dépenses d’Internet sur une année, Starlink est toujours au-dessus. Et si l’abonné ne paiera que pour la connexion mensuelle, alors l’offre est vraiment hyper alléchante.

Mais la dimension énergétique peut jouer en défaveur de Starlink. Les utilisateurs doivent prévoir des solutions énergétiques qui les mettent à l’abri des coupures. Surtout vu l’investissement de départ. Mais pour ceux qui vont souvent dans le Congo profond, la solution est une aubaine. Les difficultés logistiques font souvent qu’en milieu rural la connexion Internet soi difficile pour ne pas dire impossible.

Quoiqu’il en soit, une adaptation est nécessaire. Soit les compétiteurs devront s’adapter, soit STARLINK devra s’adapter dans ce milieu. Déjà l’annonce du partenariat entre STARLINK et Airtel est une forme d’adaptation. Les utilisateurs aussi devront s’adapter parce qu’en cas de congestion, le redémarrage du service peut prendre beaucoup plus de temps. Des coupures de 15 secondes peuvent alors s’observer.

Philippe Faradja Byaombe (PhD) est enseignant chercheur dans les nouvelles technologies. Il enseigne à la Faculté des Sciences et Technologies (ULC-ICAM) de l’Université Loyola du Congo et la Faculté des sciences agronomiques de l’Université de Goma. Il est enseignant visiteur de l’Université Protestante au Congo (UPC) et Université des sciences et technologies (USCITECH Kinshasa), Université Officielle de Ruwenzori (UOR Butembo), Université des Nouveaux Horizons (UNH, Lubumbashi). Il a travaillé dans le secteur privé entre 2006 et 2022. Il dirige des projets sur le numérique et participe aux échanges pour le développement du numérique.

By amedee

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