En République Démocratique du Congo, la richesse abondante du sol et du sous-sol, au lieu d’être une bénédiction, semble avoir nourri un mal insidieux : « la cupidité ». Loin de susciter une dynamique de travail, d’innovation ou de responsabilité collective, ces ressources ont attisé les convoitises, engendrant une course effrénée à l’enrichissement personnel, souvent déconnectée de toute production réelle.
1. La spirale de la convoitise
Tout commence par l’envie. La simple présence de ressources fabuleuses attire d’abord la convoitise, qui se mue en dépendance, comme une drogue. Peu à peu, s’installe dans les mentalités un esprit de prédation, où l’effort est dévalorisé et où le raccourci vers la richesse facile devient la norme. Le travail n’est plus perçu comme le chemin vers la prospérité, mais comme un fardeau réservé aux naïfs.
Le même schéma depuis l’époque de l’exclavagisme se reproduit : tout commence par l’exploration, ensuite la convoitise, après l’expropriation, suivie de la cupidité à la base de l’impérialisme.
2. Une société dominée par l’esprit de prédation
Dans presque tous les secteurs de la vie nationale – politique, économie, religion, fonction publique – l’enrichissement personnel a pris le pas sur l’intérêt général. Les politiques accaparent les deniers publics, vivent dans le luxe sans reddition de comptes, tandis que les institutions censées les contrôler sont complices ou impuissantes.
Cet esprit de cupidité, érigé en système de pensée et désormais solidement installé, rejette l’effort, méprise le travail productif et glorifie la richesse facile, souvent obtenue au détriment du bien commun. En République Démocratique du Congo, l’abondance des ressources naturelles aurait dû constituer une opportunité pour bâtir une nation prospère. Hélas, elle semble s’être transformée en malédiction existentielle.
Il n’est pas absurde de dire que ce pays ne connaîtra la stabilité et le développement que le jour où il sera dépouillé de toutes ses richesses. Car comment expliquer qu’un peuple si richement doté puisse vivre dans une telle misère, sinon par une incapacité structurelle et morale à gérer ce qui lui a été confié ? Cela paraît incompréhensible, voire paradoxal, si l’on considère la sagesse divine dans l’organisation de la nature : même l’animal le plus vulnérable dispose d’un instinct de survie ou d’un moyen de défense. Mais au peuple congolais, Dieu semble avoir donné une terre fertile sans les instruments mentaux, institutionnels et moraux pour en faire un levier de développement.
3. Le monde religieux, autrefois sanctuaire moral, devenu arène de convoitise
De nombreux chefs religieux, toutes confessions confondues, participent désormais à cette déviation. Ils exploitent la foi des populations appauvries, s’enrichissent sans vergogne et vivent dans l’ostentation, parfois au prix d’alliances occultes. Plutôt que de bâtir des écoles, des hôpitaux ou des œuvres sociales, ils investissent dans leur image et leur confort personnel, au point que même après leur mort, leurs descendants héritent de ce « patrimoine spirituel » comme d’un bien privé.
Nombre de pasteurs et leaders spirituels ont déserté la voie du service et de la mission, pour se lancer dans une quête obsessionnelle de l’enrichissement rapide. Certains vont jusqu’à s’acoquiner avec des réseaux occultes, dans l’unique but de s’élever socialement, quitte à trahir les valeurs qu’ils prêchent. Cette dérive s’est répandue dans toutes les confessions, si bien que les églises, au lieu de jouer un rôle de transformation sociale, deviennent parfois des lieux de manipulation et de rente. Le développement communautaire, les œuvres sociales, l’éducation ou la santé sont relégués au second plan, alors que ce sont là des formes concrètes de contribution à l’édification nationale.
La cupidité a ainsi contaminé toutes les sphères de la vie nationale, privant la RDC de toute vision collective. Tant que cet esprit prédateur ne sera pas éradiqué de notre culture, aucune réforme, aucun plan de développement, aucun réveil spirituel ne pourra réellement porter du fruit.
4. La fonction publique : refuge des carriéristes sans vocation
Dans ce contexte, les postes administratifs sont devenus des rentes. Même les techniciens formés pour des secteurs productifs – agronomes, ingénieurs, médecins – fuient le terrain pour se précipiter vers les bureaux. Pourquoi produire quand il suffit de signer, de détourner, ou de percevoir une prime ?
5. Une nation hostile au travail mais avide de richesse
La conséquence logique est tragique : le travail est dévalorisé, perçu comme un châtiment inutile. Tandis que la richesse devient un but en soi, justifiant tous les moyens, même les plus abjects. La cupidité est désormais institutionnalisée, enracinée dans les mentalités, les lois tacites et les pratiques quotidiennes.
Comment donc bâtir une nation forte dans un tel environnement ?
Tant que la richesse sera perçue comme un droit sans devoir, tant que le travail ne sera pas réhabilité dans son rôle émancipateur, le développement restera un mirage. La vraie réforme devra s’attaquer à la racine : la mentalité collective, façonnée par la cupidité et la paresse, mais entretenue par l’impunité et la médiocrité institutionnalisée.
Luc Alouma M.
loucasalouma@yahoo.fr

