» LICOCO interpelle solennellement la République Démocratique du Congo et les États-Unis à agir de concert pour faire cesser la guerre et la souffrance des populations du Nord-Kivu.Tant que le conflit perdure, il alimente la misère, favorise la corruption et nourrit les circuits mafieux qui dépouillent la RDC de ses richesses. Cette situation constitue non seulement une perte nationale, mais aussi un risque pour la sécurité économique mondiale ».
C’est la substance du communiqué de presse publié ce jeudi 30 octobre 2025 par la LICOCO (Ligue congolaise de lutte contre la corruption). Dans ce communiqué, l’ONG alerte sur « l’exploitation illicite du tantale à Rubaya » et appelle à « une action urgente dans le cadre du partenariat USA–RDC sur les minerais critiques ».
Par la même occasion, la LICOCO a appelé le Gouvernement congolais à agir dans le strict respect de la légalité, à protéger les droits des détenteurs légitimes de titres miniers et à éviter toute instrumentalisation politique des ressources naturelles.
Aux partenaires étrangers de la RDC, LICOCO les invite à « s’assurer de la conformité légale des acteurs avec lesquels ils traitent, afin de ne pas contribuer, même involontairement, à l’instabilité et à la fraude ».
Des entreprises chinoises signalées
S’appuyant sur les analyses et les constats récents de terrain, la LICOCO allègue que la production illicite de tantale à Rubaya, autrefois estimée à environ 150 tonnes par mois, a désormais atteint près de 250 tonnes mensuelles.
Cette hausse spectaculaire s’explique par : une présence accrue d’entreprises étrangères, notamment chinoises, finançant directement la collecte et la logistique ;la professionnalisation des circuits d’évacuation reliant Rubaya – Goma – Gisenyi – Kigali, avec des réseaux financiers structurés ; et une ruée vers la constitution de stocks stratégiques, les opérateurs anticipant la fin du conflit et la mise en place de mécanismes internationaux plus stricts.
« Ces opérations se déroulent dans un contexte de fragilité sécuritaire, de passivité institutionnelle et d’absence de mécanismes de contrôle efficaces, compromettant ainsi la mise en œuvre du partenariat USA–RDC et aggravant la souffrance des populations locales », écrit cette organisation de la société civile engagée dans la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence dans la gestion des ressources naturelles.
Selon la LICOCO, à la sortie même des zones minières, des paiements systématiques sont effectués sous forme de remises en espèces et de transferts mobiles vers des réseaux d’intermédiaires, parfois liés à des structures armées opérant dans la région. »Ces versements, présentés comme des “taxes”, “commissions” ou “droits de passage”, sont encaissés par des relais civils et militaires du groupe rebelle M23, installé dans la zone de Rubaya, comme l’ont confirmé plusieurs sources bien documentées, des enquêtes locales et des rapports d’investigation publiés par Global Witness et Reuters. À l’époque où la production illicite était estimée à environ 150 tonnes de tantale par mois, les revenus perçus par le M23 à travers ces “taxes” atteignaient déjà près de 800 000 dollars mensuels », note le communiqué de presse de l’ONG.
Des défaillances graves dans les systèmes de traçabilité
Les mécanismes de certification et de traçabilité, notamment BSP et ITSci, censés garantir la conformité des minerais, se révèlent insuffisants et vulnérables aux manipulations.Des cargaisons issues de zones rebelles continuent de circuler sous leurs labels, démontrant que les vérifications en amont ont échoué.Ces systèmes, placés au premier maillon de la chaîne, portent donc une responsabilité directe dans la persistance du commerce de minerais de conflit.
Les récentes enquêtes de terrain ont rév deélé, selon LICOCO, un phénomène nouveau et préoccupant : alors que les entreprises chinoises sur place réduisent fortement le prix du minerai dans les mines, cherchant à acheter à très bas coût, certains négociants, y compris des membres de la coopérative COOPERAMA, ont tenté de détourner le circuit pour éviter de vendre à perte. Face à cette pression économique, ils ont mis en place, soutient la même source, des itinéraires parallèles et se sont lancés dans la traque d’étiquettes ITSCI sur le marché noir, notamment à Goma, Walikale, Rutshuru et jusqu’à Kisangani.
« Cette fraude repose sur un nouveau marché interne des étiquettes ITSCI, où chaque étiquette se négocie environ 10 dollars l’unité, permettant de “certifier” artificiellement des minerais extraits hors des zones agréées.Selon plusieurs témoignages, ces étiquettes sont acheminées dans des zones non contrôlées pour être apposées sur des cargaisons issues de Rubaya, leur conférant une fausse traçabilité avant leur exportation. De plus, il est désormais évident que les systèmes BSP et ITSCI, également actifs au Rwanda, ferment délibérément les yeux sur l’origine réelle des minerais. Leurs priorités semblent être la collecte des redevances par tonne, plutôt que la vérification rigoureuse de la provenance », explique l’ONG.
Amédée Mwarabu

