Alors que le partenariat minerais contre sécurité, appelé aussi deal RDC-Etats-Unis, n’est pas encore signé entre Kinshasa et Washington, des firmes américaines s’implantent déjà sur le sol Congolais dans la perspective de l’exploitation des minerais stratégiques. Ce que révèle l’Oakland Institute dans son rapport qu’il vient de publier intitulé « Floués ! La ruée vers les minéraux critiques en RDC ».
En juillet, l’Oakland Institute a publié Profiter de la Paix, un rapport qui révélait les entreprises, les milliardaires et les proches de Trump susceptibles de bénéficier d’un accord de « paix » taillé sur mesure pour leurs intérêts. Avant même que l’encre ne soit sèche, plusieurs accords miniers étaient déjà en cours de finalisation.
Le 18 juillet 2025, la société californienne KoBold Metals a signé un accord avec le gouvernement de la RDC pour explorer des ressources minérales critiques sur plus de 1 600 km². En mai 2025, KoBold a annoncé l’acquisition des droits sur le gisement de lithium de Manono grâce à un accord d’un milliard de dollars avec la société minière australienne AVZ Minerals.
Un autre consortium américain, composé d’Orion Resources et de Virtus Minerals et dirigé par d’anciens militaires et agents des services de renseignement américains, est vu comme le favori pour acquérir Chemaf Resources, un important produc teur congolais de cuivre et de cobalt. Cette opportunité s’est présentée après la décision du gouvernement congolais de bloquer sa vente à une entreprise publique chinoise, sous la pression, semble-t-il, du gouvernement américain.
Il est à noter que ni le gisement de Manono acquis par KoBold ni les concessions de Chemaf ne sont situés dans l’est de la RDC. Ils se situent dans les provinces du sud, loin des zones de conflit. Le calendrier de ces transactions suggère qu’elles découlent directement de l’accord négocié par les États-Unis, bien qu’elles n’aient aucun lien avec la résolution des violences ou de l’instabilité dans l’est. Elles reflètent plutôt la manière dont l’accord de « paix » est instrumentalisé pour ouvrir un accès minier stratégique aux intérêts occidentaux.
Des accords miniers sont également en cours de négociation dans les zones de conflit de l’est. Comme mentionné précédemment, America First Global, dirigée par Gentry Beach, proche collaborateur de Trump, brigue les droits d’exploitation de la mine de Rubaya, qui produit la moitié du coltan du pays. Le consortium de Beach prévoit d’exporter, selon l’Oakland Institute, une partie du coltan de Rubaya pour le transformer dans une nouvelle fonderie qu’il contribuerait, semble-t-il, à construire à Kigali. Certains décrivent cette mine comme « la plus grande prise » du conflit.
Le mercenaire américain Erik Prince, fondateur de la tristement célèbre société militaire privée Blackwater et allié de longue date du président Trump, a signé un accord avec Kinshasa début 2025 pour contribuer au contrôle fiscal et à la lutte contre la contrebande de minerais. « Prince est à l’origine de graves violations des droits humains au cours des deux dernières décennies. Sa présence dans le pays fait craindre que, malgré une meilleure protection des mines, les communautés continuent de vivre en zone de guerre. Par exemple, la mine d’étain de Bisie, au Nord-Kivu, a temporairement fermé en mars 2025 après l’avancée des rebelles du M23 à proximité de ses installations. Après que le gouvernement américain a contribué à négocier le retrait des insurgés près de la mine, celle-ci a entamé une réouverture progressive en avril 2025 », rapporte l’Oakland Institute dans son rapport.
Outre la facilitation des accords miniers et sécuritaires, le gouvernement américain finance les infrastructures de transport pour garantir les exportations de minerais via le corridor de Lobito, une voie ferrée reliant les zones minières stratégiques de la RDC à l’Angola, en passant par la Zambie. En 2024, la Société de financement du développement des États-Unis (DFC) a accordé un prêt de 553 millions de dollars à l’Angola pour moderniser cette voie ferrée, qui constitue une voie d’exportation essentielle vers l’océan Atlantique.
Selon l’Oakland Institute, l’objectif de l’accord de paix RDC-Rwanda dans son volet intégration économique régionale semble donc de construire deux routes d’exportation distinctes pour les minéraux congolais : le corridor de Lobito pour le cuivre et le cobalt extraits dans le sud du pays, et le Rwanda comme plaque tournante pour les minéraux extraits dans les zones de conflit de l’est de la RDC.
Amédée Mwarabu
