Beaucoup d’entre nous, passés par la faculté d’économie, se souviennent de la célèbre « main invisible » d’Adam Smith. Ce concept, au cœur de la pensée libérale classique, tente de répondre à une question fondamentale : comment la poursuite des intérêts individuels, souvent motivée par le gain personnel et la prospérité privée, peut-elle paradoxalement conduire au bien-être collectif et à une prospérité partagée?

Pour Adam Smith, la réponse réside dans l’existence d’un mécanisme spontané, non centralisé, qui oriente les comportements économiques vers un ordre cohérent : une main invisible, comparable à une volonté supérieure ou à une intelligence diffuse, qui harmonise les intérêts privés aux objectifs collectifs, en dehors même de toute intention bienveillante des acteurs économiques.

Cette idée résonne fortement dans le contexte actuel de la RDC, marquée par une série de mesures monétaires drastiques visant à apprécier le franc congolais (FC) dans une tentative d’enrayer l’instabilité monétaire. Mais la question centrale demeure : peut-on vraiment atteindre un équilibre macroéconomique durable par la seule action monétaire ?

La réalité est plus complexe. L’équilibre économique — entendu comme un état de stabilité entre les secteurs réels, monétaires et extérieurs de l’économie — ne peut résulter « uniquement d’une batterie de mesures techniques ou sectorielles ». Il suppose aussi l’existence d’un *liant invisible, fait de confiance, de cohérence, d’alignement spontané des dynamiques économiques. Et cette « main invisible » moderne, loin d’être mystique, prend aujourd’hui la forme de facteurs clés :

– La crédibilité des institutions,

– La transparence des politiques publiques,

– La fiabilité et l’intégrité des statistiques économiques,

– La cohérence intersectorielle des mesures,

– L’implication effective des acteurs économiques dans les choix publics,

– Et surtout, la justice économique et sociale, sans laquelle aucune convergence ne peut être légitime ni durable.

Ce qui est souvent perçu comme une main invisible n’est en réalité que le fruit d’un écosystème économique fonctionnel, où chaque agent trouve naturellement sa place grâce à des règles du jeu stables, lisibles et équitables.

La main invisible que Smith évoquait au XVIIIe siècle, dans un contexte de marché naissant, *ne peut jouer son rôle dans un pays où les agrégats sont biaisés, les marchés déconnectés et la gouvernance affaiblie.

Ce n’est donc pas uniquement la main invisible qui nous manque, mais les conditions de sa manifestation : la clarté des données, l’éthique dans la gestion publique, la cohésion des politiques économiques et la volonté partagée de bâtir un destin collectif.

Luc Alouma M. 

By amedee

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