Des vendeuses au marché. Photo d'illustrationDes vendeuses au marché. Photo d'illustration
Il est temps d’aborder une dimension souvent négligée, mais pourtant centrale dans l’analyse des économies en retard de développement : la « valeur économique des biens et services ». C’est une question qui touche à l’essence même de l’économie et dont la compréhension est indispensable, tant pour les praticiens du domaine que pour les citoyens, afin de mieux cerner les causes structurelles de notre stagnation économique.
En tant que chercheur et écrivain engagé dans la réflexion économique, je peux affirmer, avec le recul et la maturité scientifique, que l’économie n’est pas d’abord la science de la production, ni celle de la consommation, ni même celle de la monnaie, comme on l’enseigne parfois de manière réductrice. Elle est d’abord et avant tout la science de la valeur.
 Je me souviens encore des cours du Professeur Mubake à l’université, qui insistaient avec force sur cette notion. Mais ce n’est qu’avec le temps, dans la pratique et l’observation des dysfonctionnements de notre économie, que j’ai réellement saisi la profondeur de cette vérité : la valeur est le fondement de toute architecture économique.
Pourquoi la valeur est-elle centrale ?
Parce que c’est à travers la valeur qu’un bien ou un service acquiert une signification économique. Elle est ce qui permet la comparaison, l’échange, l’évaluation, et surtout, elle constitue la base réelle du pouvoir d’achat. Lorsque la valeur est maîtrisée et cohérente, les prix deviennent justes, les transactions équilibrées, et le marché devient un espace de rationalité, non de spéculation.
Mais dans notre pays, la notion de valeur est floue, instrumentalisée, ou tout simplement absente des réflexions politiques. Or, une économie dont les fondations reposent sur une mauvaise compréhension ou une manipulation opportuniste de la valeur est une économie instable, désorientée et vulnérable.
La valeur : pilier de la stabilité économique, sociale et politique
Une dérive dans la perception ou la gestion de la valeur économique entraîne une désintégration progressive de l’ordre économique, avec des répercussions directes sur la société tout entière. Le pouvoir d’achat s’effondre, les inégalités explosent, la confiance s’érode, et le désespoir s’installe. C’est dans ce climat que naissent les déviances psychologiques et sociales : fuite en avant, corruption, cynisme, voire violence.
Une économie saine précède toujours une société stable. C’est pourquoi les nations développées protègent jalousement l’intégrité de leur économie. Elles ne la soumettent ni aux caprices politiques, ni à l’avidité des spéculateurs. Elles font de l’économie une discipline souveraine, fondée sur la rigueur, la prévisibilité, et le respect des lois du marché.
L’économie ne doit ni faiblir ni mentir
La politique peut manipuler, la justice peut vaciller, mais l’économie doit rester droite, stable et transparente. Elle est la colonne vertébrale de toute nation. Dès qu’elle cède, c’est tout le corps social qui s’effondre. Il est donc urgent que les décideurs, les chercheurs, les enseignants, mais aussi les simples citoyens, comprennent que le véritable enjeu de nos politiques économiques, ce n’est pas la croissance nominale, ni le taux de change, ni le PIB en soi, mais la valeur réelle des biens, des services, du travail, et de la monnaie. Tant que cette valeur sera mal définie, mal protégée ou mal comprise, aucun projet de développement durable ne pourra aboutir.
Redonner à la valeur économique sa centralité dans notre pensée et nos politiques publiques, c’est refonder notre rapport à l’économie et créer les conditions d’un vrai progrès. Ce n’est pas un luxe intellectuel, c’est une nécessité historique.
La stabilité des valeurs économiques : socle du progrès national
Le prix des biens et services, le taux de change, le loyer, le taux d’intérêt, les factures de services publics, la taxe, l’impôt, et d’autres indicateurs économiques fondamentaux représentent autant de « valeurs économiques » dont la stabilité conditionne le bon fonctionnement d’un pays. Leur maîtrise est non seulement indispensable à la régulation des marchés, mais elle constitue également « l’épine dorsale du progrès économique et social ».
La régulation comme mission première
Un système économique cohérent repose sur la régulation active et responsable de ces valeurs. Il ne s’agit pas de laisser ces paramètres fluctuer au gré des intérêts privés ou des spéculations sauvages, mais de veiller à ce qu’ils reflètent une logique économique juste, transparente et durable. Le rôle d’un ministère de l’Économie sérieux n’est pas seulement de faire des annonces ou de présenter des indicateurs macroéconomiques flatteurs : il doit veiller avec rigueur à la stabilité des valeurs économiques sur lesquelles reposent le pouvoir d’achat, les investissements et la justice sociale.
Perturber les prix : un acte criminel
Tout opérateur économique ou acteur du marché qui vient perturber délibérément l’ordre des prix ou fausser les équilibres économiques, quelle que soit la justification avancée, doit être considéré comme auteur d’un crime économique. En effet, altérer l’ordre des valeurs économiques, c’est semer la désintégration dans les fondements mêmes de la société : cela accroît les inégalités, détruit la confiance du consommateur, ruine la compétitivité nationale et alimente les tensions sociales.
Un État faible, avec des capacités limitées, fait déjà un effort colossal pour garantir un cadre national d’échanges, assurer la sécurité juridique des transactions, fournir des infrastructures, et maintenir un minimum d’ordre économique. Laisser des opérateurs s’installer dans cet espace sans redevabilité, régulation ni contrôle, c’est mettre en péril un édifice fragile, laborieusement construit par les sacrifices de la collectivité.
La souveraineté du marché national
 Un marché national n’est pas un simple lieu d’échange. C’est un espace structuré, régulé, et protégé par la puissance publique pour permettre aux citoyens et aux entreprises locales de créer, vendre, acheter et croître dans un environnement relativement stable. Ce marché a une valeur stratégique, économique et même politique. Il doit être préservé de toute prédation, et l’accès à ses richesses doit se mériter, pas se profiter par opportunisme.
Conclusion 
Le progrès durable passe par la maîtrise des valeurs économiques. C’est à cette tâche que doivent s’atteler les gouvernants responsables. Un ministre de l’Économie digne de ce nom ne doit jamais se détourner de cet objectif fondamental : garantir que l’économie fonctionne sur des bases saines, stables, et équitables. Car c’est là que commence la souveraineté économique réelle, et c’est là aussi que se joue l’avenir d’une nation.
Luc Alouma M.

By amedee

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