C‘est depuis le 2 mai 2025 que le président de la République, Félix Tshisekedi, a demandé au Gouvernement de se pencher sur la cinquantaine d’établissements publics créés depuis son premier quinquennat afin de faire le nettoyage nécessaire. Plus d’un mois après, rien n’est proposé pour assainir les institutions de la République de ces structures créées sans programmation budgétaire adéquate. Dans sa revue Numéro 97 de mai 2025, Congo Challenge a fait une note critique sur ce sujet que nous relaons ici.
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Multiplication des établissements non budgétisés en RDV : Une dérive administrative aux lourdes implications macroéconomiques
Au cours du premier mandat du Président Félix-Antoine Tshisekedi, l’État congolais a procédé à la création de cinquante-trois établissements publics non budgétisés, comme l’a révélé l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi. Ce dernier, désormais député national, s’est exprimé à ce sujet au cours d’une interview avcordée à la journaliste Paulette Kimuntu, soulignant avec insistance l’incohérence et les risques systémiques liés à la prolifération de structures publiques dépourvues d’ancrage dans le cadrage budgétaire initial.
Loin d’être un simple détail administratif, cette démarche met en exergue une gouvernance budgétaire peu rigoureuse et expose l’État congolais à de graves déséquilibres macroéconomiques.
En effet, la création non planifiée de structures étatiques sans allocation préalable de crédits budgétaires constitue une déviation manifeste des principes fondamentaux de la soutenabilité budgétaire.
En l’absence d’un cadrage pluriannuel ou d’un examen préalable par les instances compétentes en matière de finances publiques, ces entités deviennent des poches d’inefficacité administrative et de dilapidation de ressources.
Elles génèrent de surcroît une pression additionnelle sur la masse salariale, alimentée par des recrutements anarchiques, hors cadre organique et sans évaluation préalable des besoins ou des impacts. En clair, elles contribuent à l’expansion d’un appareil étatique obèse, inefficient, et difficilement gouvernable.
D’un point de vue économique, cette multiplication de structures entraîne une contraction de l’espace budgétaire, réduisant la marge de manœuvre de l’État pour financer des politiques publiques réellement transformatrices.
Loin d’orienter les ressources vers des investissements à forte rentabilité socio-économique ou vers la mise en œuvre de réformes structurelles essentielles (éducation, santé, infrastructure, numérique, industrialisation), une portion croissante du budget national est absorbée par des dépenses de fonctionnement non productives. Il en résulte un effet d’éviction budgétaire, où les projets de développement se voient marginalisés au profit de charges récurrentes injustifiées, ralentissant la modernisation de l’économie et compromettant l’atteinte des objectifs de développement durable.
L’ancien ministre des Finances, tout en reconnaissant une forme d’impuissance dans l’action, pointe également la culture de la consommation immédiate des ressources comme un mal endémique. Cette tendance à répartir les fonds avant toute planification rationnelle affaiblit l’efficacité de l’allocation des ressources publiques.
La gestion axée sur les résultats est ainsi systématiquement sacrifiée au profit d’une logique clientéliste et court-termiste, où les primes et avantages immédiats priment sur la rigueur budgétaire et la redevabilité.
La réponse institutionnelle demeure jusqu’à présent timide, malgré l’instruction présidentielle du 2 mai 2025 exigeant l’évaluation de la performance des structures nouvellement créées.
Si cette initiative traduit une volonté de rationalisation de la dépense publique, elle devra s’accompagner d’un audit indépendant, approfondi et sans complaisance, afin de déterminer la valeur ajoutée réelle de ces entités. Cette évaluation devrait déboucher sur la suppression pure et simple des structures non performantes et l’intégration fonctionnelle des missions pertinentes dans les organes existants.
Une réforme du cadre organique de l’administration publique s’impose de manière urgente pour éviter une atomisation de l’action publique, préjudiciable à la coordination gouvernementale.
En conclusion, la prolifération incontrôlée des établissements publics non budgétisés en RDC constitue une entrave majeure à la consolidation des finances publiques et à l’efficacité de la dépense. Elle affaiblit la crédibilité de la politique budgétaire, mine la confiance des partenaires techniques et financiers, et compromet la réalisation des ambitions de transformation structurelle.
Pour y remédier, il est impératif de renforcer le processus de budgétisation ex ante, de consolider les réformes institutionnelles relatives à la gouvernance financière, et de restaurer une discipline budgétaire alignée sur les priorités stratégiques du pays. La RDC ne pourra bâtir une économie résiliente et inclusive que si elle parvient à rationaliser la gestion de ses ressources publiques dans une logique de performance et de responsabilité.
Texte tiré du N°97 de mai 2025 de Congo Challenge