Pour l’Etat congolais, cette mesure d’allègements fiscaux et douaniers se justifie par le faible taux de desserte en électricité dans le pays, qui handicape le développement de la République Démocratique du Congo. Il s’agit de promouvoir l’économie congolaise étant donné que la croissance économique est indubitablement liée à l’offre énergétique dans le pays.
Les importations de l’électricité sont formellement exonérées en République démocratique du Congo, conformément aux décrets signés par l’autorité gouvernementale compétente pour pallier le déficit dans le secteur de l’énergie, renseigne le Journal Officiel où ces textes de lois ont été publiés.
En effet, depuis avril 2015, les importations d’énergie électrique bénéficient de la suspension de la perception des droits de douane conformément à ces 3 décrets :- 15/009 du 28 avril 2015 ; – 18/054 du 27 décembre 2018 ; – 23/116 du 18 novembre 2023.
Le premier acte qui consacre l’exonération des droits de douane est le décret portant le numéro 15/009 du 28 avril 2015, publié dans le Journal officiel de la RDC. Il est stipulé à son article 1er ce qui suit : « L’énergie électrique, les biens d’équipements, les matériels, les outillages et les pièces détachées importés et destinés exclusivement à la production, au transport, à la distribution et à la commercialisation de l’électricité ainsi qu’à l’exploitation de l’énergie solaire et de toute autre source d’énergie renouvelable sont soumis au tarif des droits et taxes à l’importation et à l’exportation instituées par les Ordonnances-lois n° 011/2012 et 012/2012 du 21 septembre 2012 ».
Et la dérogation vient juste à l’article 2 de ce Décret pris du temps de Matata Ponyo comme Premier Ministre, en ces termes : « Par dérogation aux dispositions de l’article 1er ci-dessus, l’énergie électrique et les biens ci-après bénéficient de la suspension de la perception des droits de douane et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à l’importation : 1. l’énergie électrique importée pour assurer le service public de l’électricité et pour couvrir les besoins de l’industrie locale ; 2. les matériels, équipements, outillages ainsi que les pièces détachées et de rechange importés et destinés à l’aménagement et à la maintenance des infrastructures des activités de production, de transport et de distribution de l’énergie électrique définies par la Loi n° 14/011 du 17 juin 201 relative au secteur de l’électricité ; 3. les matériels et les équipements d’économie de l’énergie électrique notamment les équipements de compensation de l’énergie réactive, les filtres d’harmoniques et les compteurs d’énergie électrique; 4. les matériels et les équipements d’exploitation de l’énergie solaire et ceux adaptés aux autres énergies renouvelables ; 5. les intrants destinés à la fabrication et au montage local des matériels et équipements ci-avant concernés par le présent décret applicables ».
Ce décret de 2015 portant mesures d’allègements fiscaux et douaniers applicables à la production, à l’importation et à l’exportation de l’énergie électrique note à son article 5 que « la durée des avantages douaniers et fiscaux visés par le présent décret est de quatre (4) ans ».
C’est ce qui fait qu’un autre décret a été pris en 2018 et le tout récent en 2023. Chacun de ces textes de loi a une durée de 4 ans. Autant dire que les pouvoirs publics eux-mêmes doivent respecter les actes qu’ils ont pris pour résoudre des problèmes qui n’ont perdu ni leur actualité encore moins leur pertinence.
En effet, la RDC est toujours en déficit dans la desserte de l’énergie électrique. Sur les 100 GW de potentialités dont dispose le pays, à peine 2,5 GW ont été développés. Jusqu’à ce jour donc, la RDC n’a pas encore amélioré sa capacité de production d’électricité.
Selon des études qui intègrent des projections réalistes essentiels pour cet immense pays de 2.345.410 km2, il faut produire plus de 8.000 mégawatts d’électricité pour absorber les besoins des agents économiques actuels. Pourtant, à ce jour, la production ne dépasse guère le plafond de 2.500 mégawatts dont la Centrale hydroélectrique d’Inga avec une capacité installée de 1.750 pour ses deux barrages. Dès lors, le déficit est toujours important.
Appliquer une mesure gouvernementale n’est pas un détournement
Dans leur exposé des motifs, les trois décrets précités justifient ces exonérations accordées notamment à la SNEL par le faible taux de desserte de l’électrification dans le pays et le déficit en énergie électrique, en dépit de l’abondance en ressources énergétiques renouvelables, qui handicapent le développement de la République Démocratique du Congo.
Bien plus, ces décrets se basent sur « les effets d’entrainement des projets d’électricité sur l’industrialisation et l’essor économique du pays ainsi que, de ce fait, l’accroissement de l’assiette fiscale de l’Etat » ; mais aussi sur le fait que « l’efficacité énergétique constitue une solution à moindre coût pour réaliser des économies d’énergie et donc réduire progressivement le déficit énergétique à court terme ».
L’autorité compétente, en l’occurrence le Premier Ministre, qui prend chaque fois cette mesure d’allègements fiscaux a toujours considéré que « le recours aux énergies renouvelables contribue à accroître l’offre énergétique et l’accès à l’énergie durable dans les meilleures conditions de coût et de protection de l’environnement ».
Voilà qui justifie que la SNEL ne paie pas les droits de douane à l’importation de l’électricité. Dès lors, l’application d’une mesure gouvernementale ne peut pas être synonyme de détournements à charge du comité de gestion de cette entreprise du portefeuille, la seule plus grande industrie de production de l’électricité dont dispose l’Etat Congolais.
Amédée Mwarabu