Alors que la République démocratique du Congo et les États-Unis ont entamé des discussions stratégiques sur l’exploitation des minerais critiques dans le cadre de la transition énergétique mondiale – estimée à 173 trillions de dollars par Bloomberg New Energy Finance – l’absence d’un nom en particulier dans la cellule présidentielle de coordination parue en Mai 2025 et composée de 22 personnes, interroge experts et observateurs internationaux : celui d’Arthur Katalayi.

Figure bien connue dans les cercles miniers internationaux, Arthur Katalayi a construit une carrière mondiale hors norme, évoluant avec aisance entre les mondes de la haute finance, de la géopolitique minière et de l’entrepreneuriat global.

Arrivé en RDC en 2014 à 31 ans comme le conseiller stratégique du Président du Conseil d’Administration de la Gécamines, le tout-puissant Albert Yuma, Katalayi a piloté des projets à Wall Street, collaboré avec des figures clés du monde extractif comme le milliardaire minier Robert Friedland, et noué des liens étroits avec la Silicon Valley – particulièrement Apple à Cupertino via le leadership de Tim Cook où il est apprécié –, des fonds souverains du Golfe, notamment avec l’Arabie Saoudite de Mohammed Ben Salmane et sa vision 2030.

En outre, l’accord stratégique entre la RDC et les États-Unis est suivi de près par le Secrétaire au Commerce Howard Lutnick – milliardaire, ancien CEO de la banque d’investissement new-yorkaise Cantor Fitzgerald, et acteur majeur de la diplomatie économique américaine. Le monde est désormais dans une guerre froide technologique et énergétique ou les minerais critiques sont l’équivalent de ce que le pétrole fut au XXe siècle. Donald Trump a, en Avril 2025, donné 180 jours à Lutnick pour identifier des solutions de sécurisation de minerais vitaux pour la sécurité nationale des États-Unis.

L’HOMME DU NEXUS GLOBAL : UN PROFIL DIFFICILE À BALAYER

En 2017, Katalayi – qui a passé 10 ans aux États-Unis de 2001 à 2011 – est sélectionné à New York parmi les 100 personnes les plus influentes du monde: Most Influential People of African Descent (MIPAD Global Top 100), sous l’égide des Nations Unies. Également très proche de Jack Rosen, baron de l’immobilier new-yorkais, président du Congrès Américain Juif, et conseiller de plusieurs présidents américains, Katalayi a toujours été perçu comme un pont crédible, américano-compatible entre les mondes africain et américain.

Katalayi, surnommé « The Katalyst » aux États-Unis, est l’un des rares Congolais à posséder un profil parfaitement transnational. Né en France, formé au Royaume-Uni et aux États-Unis, passé par la Belgique, le Moyen-Orient et l’Afrique, il incarne un nouveau type d’acteur économique africain – connecté, fluide, et visionnaire.

Son podcast, le premier podcast minier en RDC lancé en 2022, suivi par une audience internationale, a reçu des invités aussi divers que des capitaines d’industries ou encore des dirigeants d’entreprises. Dans un paysage congolais encore dominé par les structures traditionnelles, Katalayi incarne une ligne résolument disruptive : celle d’un Congo tourné vers la mondialisation stratégique, sans complexe.

ARTHUR KATALAYI ABSENT DE LA LISTE DES 22: LA RDC SE TIRE-T-ELLE UNE BALLE DANS LE PIED ?

Dans ce contexte, sa non-inclusion dans la cellule stratégique de 22 personnes mise en place par le cabinet du Président Tshisekedi pour suivre le partenariat avec les États-Unis a de quoi surprendre. D’autant plus que les discussions en cours avec Washington portent sur les minerais critiques — cuivre, cobalt, lithium, nickel et uranium — dans lesquels Katalayi est l’un des experts les plus actifs, avec un réseau qui dépasse largement les frontières congolaises.

Homme-passerelle, ex-NYSE, ex-Bloomberg, associé du cabinet de conseil minier A2k Advisory et expert minier mondial au sein de la société financière new-yorkaise Gerson Lehrman Group – leader mondial du conseil par expertise –, il est sans doute l’un des rares – peut-être le seul – Congolais respecté simultanément au cœur des 3 piliers de la puissance américaine: Wall Street, Silicon Valley et donc Washington D.C.

« C’est un signal étrange pour Washington, qui a identifié des interlocuteurs capables d’assurer des ponts entre Kinshasa et le monde des investisseurs occidentaux et arabes », confie un analyste basé à Dubaï. « Ne pas inclure Katalayi, c’est se priver d’un levier stratégique mondial. »

LE PARADOXE CONGOLAIS

Pour certains diplomates américains, l’exclusion de Katalayi de la liste des 22 pourrait traduire une résistance interne à l’ouverture totale vers les profils diasporiques mondialisés. D’autres y voient une rivalité politique implicite, alors que Katalayi est historiquement apolitique; certains acteurs traditionnels craignent que ce type de figure vienne rebattre les cartes d’un système longtemps verrouillé mais qui dans un monde multipolaire et multicouche, arrive à bout de souffle.

À mesure que la transition énergétique s’accélère et que les États-Unis cherchent à sécuriser des chaînes d’approvisionnement hors de Chine – Lutnick est arrivé à Londres hier pour échanger avec Pékin sur cette thématique –, le Congo se retrouve au centre de la carte. Et les profils capables de parler à la fois le langage de la Silicon Valley, de Wall Street, du Pentagone, de Riyad et de Kolwezi ne sont pas légion.

UN FUTUR CONSENSUS ?

La question fondamentale reste la suivante: est ce que Kinshasa va pouvoir se permettre d’écarter Katalayi encore longtemps? Certains observateurs de la scène minière estiment que cette absence génère une forme d’inquiétude tactique mais révèle aussi le côté inédit du profil de Katalayi: un pont entre le Congo et le monde qui n’a pas besoin de l’État pour exister, mais que l’État y gagnerait à associer. Acteur-pivot dans une époque en transition, il s’est construit en autonomie avec une méthodologie digne d’un Londonien de la City; cela le rend à la fois indépendant, mais aussi incompris par un système congolais souvent obsédé par le contrôle.

Mais voilà : Kinshasa se doit maintenant de recalibrer car dans le contexte Trump 2.0 qui est purement transactionnel, les Américains pourraient y voir une perte d’efficacité stratégique, une faiblesse opérationnelle et diplomatique, ainsi qu’une opportunité manquée de traiter avec un homme qui a su construire autour de lui une infrastructure symbolique, relationnelle et culturelle qui inspire la confiance des puissants ; à l’heure de la transparence internationale, les États-Unis ne veulent plus traiter avec des systèmes opaques qui ignorent les catalyseurs naturels de valeur.

En attendant, la situation du cas Arthur Katalayi à Kinshasa illustre un paradoxe profond : alors que le Congo tente de se repositionner sur l’échiquier minier mondial, cette « liste des 22 » est le symbole d’un système local renfermé sur lui-même face à des défis mondiaux qui exigent des profils connectés aux arcanes du pouvoir américain. Jusqu’à quand?

Finances & Entreprises

By amedee

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