Au milieu, le PGR près le Parquet général de la Cour des comptes, Salomon TudiesheAu milieu, le PGR près le Parquet général de la Cour des comptes, Salomon Tudieshe

À cette rencontre avec la Société civile et les journalistes, le Procureur général près la Cour des comptes a parlé des missions et du fonctionnement de cette institution supérieure de contrôle. Il a présenté également le bilan du Parquet général près la Cour des comptes depuis sa nomination en juin 2022. Salomon Tudieshe n’a pas caché le climat de malaise voire de conflit qui oppose le PGR près le Parquet général et le Premier président de la Cour des comptes. Il a dénoncé le blocage des certains dossiers par le Siège en violation de la loi organique portant fonctionnement de la Cour des comptes. Pour autant, malgré ce climat de collaboration difficile avec le Premier Président, le PGR Salomon Tudieshe entend remplir les missions qui sont les siennes, veiller à une bonne gestion des finances publiques.

Devant des organisations de la Société civile et la presse nationale et internationale, le Procureur général près le Parquet général de la Cour des Comptes, Salomon Tudieshe, au cours d’une séance organisée ce mardi 7 octobre 2025 à l’hôtel Memling de Kinshasa, a procédé à la présentation de la Cour des comptes et du bilan de sa juridiction depuis sa nomination en juin 2022 jusqu’à décembre 2024. Cette rencontre a été organisée en collaboration avec CREFDL et NED (National Endowment For Democracy).

De juin 2022, période correspondant à sa nomination par ordonnance présidentielle, à décembre 2024, le Parquet général près la Cour des comptes, sous la direction du PGR Salomon Tudieshe, a examiné 26 dossiers dont 25 portant sur les fautes de gestion et un seul se rapportant à la gestion de fait, a indiqué le PGR Salomon Tudieshe, précisant que sur les 26 déférés, 7 ont été jugés dont 6 sanctionnés en appel alors que 19 sont encore en instruction dans des cabinets des magistrats rapporteurs.

Selon le PGR près le Parquet général de la Cour des comptes, des cas d’insuffisance et des défauts ont été enregistrés parmi ces déférés. Il a cité le cas de 5 dossiers transmis à la CDBF ( Chambre de discipline budgétaire et financière) n’ont jamais connu d’instruction depuis le mois de septembre 2023. Ces 5 dossiers concernent notamment l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo, Deogratias Mutombo,  en rapport avec les 10 millions USD de la Gecamines jamais retracés dans les comptes de la Banque centrale.

Alors que toutes les procédures sont en état d’être jugées, aucune n’a été envoyée en fixation devant la formation de jugement, a déploré le PGR, accusant le Premier Président de la Cour des comptes d’être responsable de ce fait. Pire, a-t-il révélé, l’un de ces dossiers a donné lieu à des mesures conservatoires illégales du Premier Président de la Cour des comptes mais que, par la suite, le Conseil d’État a annulé, à la suite d’une procédure des référés liberté.

Tout aussi, le PGR près le Parquet général de la Cour des comptes a-t-il regretté que certains autres dossiers aient été classés sans suite par la Chambre de discipline budgétaire et financière, juste pour des difficultés d’atteindre le mis en cause ou parce que le mise en cause a été contacté par le PGR à travers son numéro WhatsApp.

Aux termes de la loi organique de la Cour des comptes, seule l’absence des charges constitue le motif de classement sans suite d’un dossier, a martelé le PGR Salomon Tudieshe, fustigeant l’attitude de la CDBF, qui dépend du Siège, d’agir en marge des dispositions légales.

Au cours de cet échange avec la Société civile et les journalistes, le PGR Salomon Tudieshe n’a pas caché le malaise qui existe entre le Parquet général dont il est le patron et le Siège qui est sous la direction du Premier Président de la Cour des comptes en l’occurrence Mr. Munganga.

Et de révéler plusieurs faits démontrant cette atmosphère de malaise voir de conflit latent : l’occupation par le Siège de 5 Bureaux revenant habituellement au Parquet général, l’installation d’un entrepôt par le Premier Président dans la salle de réunion du Parquet général ou encore le refus du Premier président de mettre à la disposition du Parquet général quelques personnels administratifs conformément à la loi organique du 13 novembre 2018 sur la Cour des comptes.

Lors de la séance des questions et réponses, le PGR Salomon Tudieshe est revenu sur l’épisode Alingete dans le dossier Consultance à la Gecamines et dans les négociations de l’avenant 5 du contrat chinois. Rappelons que le PGR près le Parquet heneral de la Cour des comptes avait qualifié de « faute de gestion » le fait que les inspecteurs de l’IGF se soient doublement fait payer par la Gecamines. Il s’est également dédouané du dossier FRIVAO et du rapport sur la RTNC qui sont plutôt bloqués par le Premier Président de la Cour des comptes.

Focus sur la Cour des comptes

Cette séance d’échange a commencé par la présentation de la Cour des comptes. A cet effet, le PGR a accordé la parole aux premiers avocats généraux et avocats généraux de présenter les missions et le fonctionnement de la Cour des comptes.

Aux termes de la loi, la Cour des comptes est une juridiction administrative spécialisée. Elle est l’institution supérieure de contrôle des finances et des biens publics en République Démocratique du Congo. Elle est une juridiction financière ayant compétence sur toute l’étendue du territoire national. Son contrôle tient tout autre en état à l’exception du contrôle politique exercé par le Parlement, les assemblées provinciales et les organes délibérants des entités territoriales décentralisées. Le refus de se soumettre au contrôle de la Cour expose son auteur à des pénalités.

La Cour des comptes comprend un siège et un parquet. Elle relève de l’Assemblée nationale. Sa nature de juridiction administrative la soustrait de connaitre des litiges civils et pénaux.

Ce que la Cour des comptes ne fait pas

La Cour des comptes ne connait pas des cas de détournement des deniers publics. Lorsque des cas de détournement sont rendus publics, de nombreuses personnes soutiennent que si la Cour des comptes faisait son travail, il n’y aurait pas de détournement. L’infraction de détournement des deniers publics relève de la compétence des juridictions pénales.

C’est dans cet ordre que le PGR Salomon Tudieshe avait transmis au ministre de la Justice les cas de détournement des deniers publics qui sont portés à sa connaissance ou qu’il découvre dans les rapports d’audit de la Cour des comptes, conformément à l’article 129 de la Loi organique n°18/024 du 13 novembre 2018 portant composition, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes.

A titre d’illustration, le Procureur général a transmis les dossiers ci-après au ministre de la Justice :

  • Dossier à charge des prévenus Deogratias MUTOMBO MWANA NYEMBO, Albert YUMA MULIMBI, Freddy MUGANZA BEYA, Jacques KAMENGA TSHIMUANA et Guy NGONGO OKENDE, du fait de détournement des deniers publics, sur pied des articles21, point 1, et 145 du code pénal congolais, livre II.
  • Dossier Ministère public contre Messieurs Bienvenu LIYOTA NDJOLI et Alphonse SHUNGU MAHUNGU, respectivement Président du Conseil d’administration et Directeur général de la Régie des voies aériennes, RVA en sigle, pour détournement des deniers publics (articles 21, point 1, et 145 du code pénal congolais, Livre II).

De même, en ce qui concerne l’infraction de corruption, la Cour des comptes n’est pas non plus juge des cas de corruption. Comme pour le détournement, la corruption est une infraction qui rentre dans la compétence des juridictions pénales de l’ordre judiciaire. Et lorsqu’à l’issue de son travail, elle découvre des éléments qui laissent présumer qu’il y a eu corruption, la Cour des comptes en saisit le ministre de la Justice par le canal du Procureur général près elle.

Ce que fait la Cour des comptes

En matière juridictionnelle, la Cour des comptes est juge notamment de la gestion de fait et de la faute de gestion.

Il y a gestion de fait lorsqu’un individu n’ayant pas qualité de comptable s’est immiscé dans la gestion des deniers publics.

La faute de gestion s’entend de :

  1. – non-respect des règles d’engagement des dépenses ;
  2. – engagement des dépenses sans en avoir le pouvoir ou reçu délégation ;
  3. – engagement des dépenses sans disponibilité des crédits ;
  4. – dissimulation de nature à permettre la fausse imputation d’une dépense ;
  5. – procuration à soi-même ou à autrui d’un avantage injustifié, sous toute forme, entraînant un préjudice pour le pouvoir central, la province et l’entité territoriale décentralisée ;
  6. – omission, en méconnaissance de la loi fiscale, de remplir les obligations qu’elle impose aux fins d’avantager indûment les contribuables ;
  7. – violation des règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses du pouvoir central, de la province et de l’ETD ou à la gestion des biens appartenant au pouvoir central, (à la province et à l’ETD) ;
  8. – approbation des décisions incriminées relatives à l’exécution des recettes et des dépenses du pouvoir central, de la province et de l’ETD ou à la gestion des biens appartenant au pouvoir central, à la province et à l’ETD par la personne chargée de la tutelle ou du contrôle des services publics.

A noter que « la sanction pour faute de gestion réside dans la condamnation de la personne incriminée, à une amende dont le

montant ne pourra atteindre le double du traitement ou salaire brut annuel alloué à la date de l’infraction sans être inférieur au quart.

Outre les sanctions énumérées ci-dessus, le fonctionnaire encourt une sanction disciplinaire, civile et/ou pénale ».

Qui fait quoi à la Cour des comptes

La Cour des comptes exerce deux types de contrôle : le contrôle extra-juridictionnel et le contrôle juridictionnel.

– Le contrôle extra-juridictionnel : Dans ce cadre, il y a deux types de contrôle, le contrôle de gestion et le contrôle budgétaire.

– Le contrôle juridictionnel comprend trois types de contrôle : le jugement des comptes, la gestion de fait et la discipline budgétaire et financière qui sanctionne la faute de gestion.

Les contrôles en extra-juridictionnel sont initiés par le Premier président de la Cour des comptes. Ils donnent lieu à la production des rapports qui sont transmis au Procureur général pour exploitation.

En juridictionnel, le Procureur général est saisi de la faute de gestion et de la gestion de fait par le rapport de contrôle, la dénonciation, ou à sa propre initiative. Concernant la gestion de fait, la Cour des comptes peut s’autosaisir.

Quant au jugement des comptes, la Cour est saisie par le dépôt, au Greffe, des comptes du comptable public principal assignataire des recettes et des dépenses.

Amédée Mwarabu

By amedee

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