« Autour du trône, le vide : entre courtisans, faux experts et l’effondrement de l’État ».
Le Chef d’État n’échoue pas nécessairement parce qu’il est incompétent ; il échoue souvent par manque de bons conseillers. Cette vérité, loin d’être une simple opinion, trouve de solides fondements dans les Écritures, où l’on retrouve à plusieurs reprises l’importance capitale des conseillers avisés autour d’un roi ou d’un dirigeant. La sagesse biblique est claire : « Là où il n’y a pas de direction avisée, le peuple tombe ; mais dans la multitude des conseillers, il y a la sécurité. »
En examinant cela de plus près, on comprend que la compétence la plus déterminante pour un Chef d’État ne réside pas nécessairement dans l’érudition académique, mais dans sa capacité à développer des compétences spirituelles et psychosociales de haut niveau. Dans l’histoire des nations, peu de dirigeants ont pu bâtir des sociétés solides en s’appuyant uniquement sur leur propre pensée. Les dirigeants qui ont laissé une empreinte positive sont ceux qui ont su écouter, s’inspirer et s’entourer d’hommes et de femmes de pensée, de conscience et de vision. Ceux qui, au contraire, se sont enfermés dans leur propre idéologie ou dans l’arrogance du pouvoir ont souvent été rejetés par l’histoire.
Le Chef d’État n’est pas un scientifique en soi, mais il doit devenir un serviteur éclairé de la science, de la vérité, de la sagesse, dans le but de mieux administrer le peuple. Il est appelé à diriger des hommes, à faire face à la complexité humaine, sociale, économique et éthique, et pour cela, il doit impérativement cultiver une intelligence relationnelle, une sensibilité morale et une élévation spirituelle.
La fonction présidentielle est l’une des plus sensibles et décisives dans un pays. C’est le point d’équilibre, le centre de gravité, le moteur de la gouvernance. Le bien-être de toute une nation repose souvent sur la clarté de sa vision, la pertinence de ses choix, la qualité de ses collaborateurs, et sa capacité à écouter les voix de la sagesse. Il lui faut donc des conseillers loyaux, compétents, audacieux, venant de divers champs — scientifiques, sécuritaires, culturels, spirituels — pour former autour de lui un véritable rempart contre l’égarement, l’improvisation ou l’enfermement idéologique.
Autrement dit, le destin d’un pays est souvent le reflet de la qualité des esprits qui gravitent autour de son dirigeant.
Si aujourd’hui le pays va mal, il n’est nul besoin d’en chercher la cause ailleurs : l’état général de la nation est le reflet direct de la qualité des hommes et femmes qui entourent le Chef de l’État. L’efficacité d’un leadership repose d’abord sur la lucidité, l’intégrité et la compétence des collaborateurs. Lorsqu’ils sont défaillants, le Chef devient aveuglé, isolé, mal informé, voire manipulé.
Certains diront que le Chef n’écoute pas. Mais dans bien des cas, ce n’est pas l’absence d’écoute qui pose problème, c’est plutôt le manque de bons conseillers capables de lui enseigner l’importance de l’écoute stratégique et hiérarchique. En effet, un bon conseiller ne cherche pas seulement à parler ; il sait aussi enseigner à écouter, orienter avec sagesse et s’effacer devant l’intérêt supérieur de la nation.
Malheureusement, dans les sphères sécuritaires et décisionnelles du pays, on retrouve moins des experts au service de l’État que des membres de la famille, des amis, des flatteurs zélés, des infiltrés aux intentions obscures, des opportunistes politiques et des illusionnistes notoires. Là où on devrait voir des cerveaux brillants, formés à la rigueur scientifique et mûrs pour le service public, ce sont les charlatans qui occupent les devants, évinçant les véritables talents dans une logique de prédation et de clanisme.
Oui, certains diront que les proches du Président sont diplômés, issus d’universités respectables. Mais être détenteur d’un diplôme ne fait pas automatiquement de quelqu’un un scientifique. Le véritable scientifique est celui qui, à travers ses travaux, ses réflexions et ses actions, détient une autorité reconnue et prouvée dans un domaine précis. Il agit par rigueur, il se retire face à l’ignorance ou la manipulation, et il refuse de compromettre la vérité pour un confort personnel. À l’opposé, le pseudo-scientifique est prêt à toutes les courbettes, à tous les reniements, pour rester dans les faveurs du pouvoir. Il n’est là ni pour conseiller, ni pour construire, mais pour profiter.
Ce n’est donc pas étonnant que le pays peine à se relever. Joseph Kabila, dans un rare moment de lucidité, avait reconnu n’avoir pas su s’entourer des collaborateurs à la hauteur de la transformation qu’il désirait pour la RDC. Aujourd’hui encore, force est de constater que les visages autour du Chef de l’État sont, pour la plupart, les mêmes acteurs ayant contribué à l’enlisement de la République : des figures telles que Lambert Mende, Kinkie, Evariste Boshab, et consorts, réapparaissent avec les mêmes recettes éculées, les mêmes discours creux, les mêmes stratégies d’asservissement.
Les médias relaient avec insistance ces logorrhées politiques, amplifiant le bruit au lieu d’éclairer la conscience nationale. Le Chef de l’État semble, lui aussi, pris dans cet engrenage, absorbé par une scène où se bousculent prophètes autoproclamés, visions clientélistes, fausses révélations spirituelles et manipulations de tous genres. L’environnement spirituel, loin de l’éclairer, le plonge dans une confusion davantage entretenue par des églises de circonstance, des imposteurs religieux et des pratiques ésotériques douteuses.
Pour couronner ce tableau sombre, s’ajoute l’omniprésence d’un tribalisme étouffant, où la méritocratie cède la place à l’appartenance ethnique. Cette dérive donne le coup de grâce à l’idéal d’unité et d’élévation nationale, réduisant la présidence à un champ de bataille entre intérêts particuliers et calculs identitaires.
Dans un tel contexte, il devient illusoire d’espérer une gouvernance efficace ou un projet de société solide. Tant que les collaborateurs autour du Chef de l’État continueront à servir leur ventre au lieu de servir la République, notre pays ne fera que reculer, piétiné par ceux-là mêmes qui étaient censés le hisser vers l’avant.
Luc Alouma M.
loucasalouma@yahoo.fr

