L’accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, signé le 27 juin 2025 à Washington sous l’égide de l’ administration Républicaine du Président Donald Trump suscite des réflexions variées. Si certains le voient comme une opportunité promotrice de paix, de stabilité et de développement de la Région des Grands Lacs, d’autres expriment des préoccupations quant à sa mise en œuvre et à ses potentiels effets. Un texte qui suscite à cet effet un cortège de débats et de réflexions . cette panoplie des écrits et discussions , s’ajoute la chronique du Professeur Madeleine Mbongo Mpasi de l’ Ifasic qui l’ a scruté non seulement, avec une touche très fine et une haute facture argumentaire d’ une communicologue, mais Surtout avec une base bibliographique des maîtres es communication. Le cas de Bruno, F., Ekambo, J.C, Nithard. Une chronique que nous publions in extenso.
Accord du 27 juin 2025 : qui gagne ?
Après notre congé sabbatique, nous reprenons nos chroniques sur la communication, avec un sujet plutôt diplomatique et une question « qui gagne ? », à laquelle nous nous efforçons de répondre en communicologue.
- But de l’Accord du 27 juin : la paix. Mais au bout de cet Accord, une guerre d’interprétation. En fait, paix et guerre relèvent toutes les deux de la communication. Et cette bivalence est assumée par le mot « communication », depuis ses origines proto-françaises. Car, l’étymon du mot « communication » en langue romane est le terme « commun ». Apparu pour la première fois le 14 février 842 dans le texte « Serments de Strasbourg », il illustre la grande ambition que cherche à atteindre tout Accord : intégration des protagonistes et indivisibilité de contenu.
- La réalité, à cette époque médiévale, fut que ce texte d’Accord ne régla guère le différend entre les trois cohéritiers impliqués, les frères Louis et Charles opposés à leur aîné Lothaire. Les deux alliés circonstanciels ne parvinrent pas évincer leur ennemi commun. En tout cas, dès leur origine, le terme « commun » et son dérivé « communication » n’invitent pas à un sens qui soit strictement univoque. Tout Accord porte en soi une certaine dose d’équvocité.
D’une part, un Accord n’est jamais de l’ordre du singulier, toujours du pluriel. Accord de l’un avec l’autre. Tout Accord est doté d’une dimension macro-quantitative. Il est à coup sûr une propriété collective. Celui du 27 juin 2025 ne fait pas exception, avec ses 3 copropriétaires : Washington, Kigali et Kinshasa.
D’autre part, le « commun » et son dérivé « communication » donnent droit à une jouissance synchrone, un partage simultané entre tous les usufruitiers. Ils ne s’alignent pas en file indienne, attendant chacun son tour successif de consommation. Ils s’abreuvent tous, en même temps, sans parvenir à épuiser la source nourricière. - Comme on le voit, la nature de tout Accord relève à la fois du tangible et du métaphysique. Tout effort d’interprétation se doit donc de respecter l’isomorphisme avéré et affirmé des partenaires. Ils sont tous égaux et identiques. Et c’est cette vision communicationnelle d’un Accord diplomatique qui peut aider chaque souscripteur à tirer avec intelligence et noblesse son épingle du jeu.
En définitive, les non-dits, les sous-entendus et les implicites d’un Accord ne constituent que la nature normale de la communication humaine. L’infinitude du sens et la superposition des interprétations tissent son essence. Aussi, la sagesse enseigne-t-elle que chaque partenaire contractuel dissimule de façon tactique ce qu’il a perçu comme force ou comme faiblesse, chez lui ou chez l’autre. - L’Accord du 27 juin offre déjà deux illustrations de la pratique de cette sagesse, auprès des signataires africains.
D’un côté, l’on vient d’entendre le Président rwandais tenter de requalifier les souscripteurs de l’Accord, affirmant que les rebelles M23 provenaient en 2022 de l’Ouganda et non de son pays. C’est l’aveu de faiblesse de son habituelle parade : la crise à l’Est est congolaise et ne concerne pas le Rwanda. Or, si elle est devenue externe, comme l’affirme l’Accord, et elle n’implique pas. En restant donc seul face à la Rdc et aux Usa, le Rwanda se trouve obligé de se comporter selon la direction tracée par la résolution 2773, ce qui n’était pas totalement son souhait.
De l’autre côté, la Ministre Thérèse Kayikwamba s’offre une meilleure posture. Elle continue à attribuer le résultat final de l’Accord, la fin de la guerre, à la bonne foi des 2 autres signataires. Elle accepte le flot de critiques, elle qui sait qu’elle négocie avec deux provinces en moins. En fait, respectant la règle de séquentialité dans tout processus de communication, la mandataire congolaise entend réserver à la Rdc la part de l’Accord qui lui est plus convenable, le dialogue interne. - Comme en communication, tout Accord diplomatique n’a ni vainqueur ni vaincu absolus. Bibliographie
Brunot, F., Histoire de la langue française, éd. Champion, 1970
Ekambo, J.C., Paradigmes de communication, Ifasic éditions, 2004
Nithard, Histoire des fils de Louis Pieux (844), trad. P. Lauer, Les Belles Lettres, 2012.
Professeur Madeleine Mbongo Mpasi