La Banque mondiale vient de publier son rapport Africa’s Pulse consacré cette fois-ci à Comment créer des emplois en Afrique subsaharienne. Dans ce numéro, l’institution de Bretton Woods donne tous les léviers susceptibles d’aider les gouvernements africains à créer des emplois massifs face notamment au défi de la démographie galopante dans cette région du continent africain.
En RDC, la promesse du président Félix Tshisekedi de créer chaque année 1,2 million d’emplois est restée un voeu pieux. La Gouvernance Suminwa, incapable de proposer des initiatives pouvant absorber les millions de jeunes en chômage, est impuissante face à ce projet salutaire pour les Congolais.
La RDC, comme le reste de l’Afrique subsaharienne, est confrontée à un double défi : d’une part, accélérer la création d’emplois pour absorber une population active en forte expansion ; d’autre part, garantir que ces emplois soient mieux rémunérés, plus stables et porteurs de perspectives. Pour répondre à ces enjeux, il faut adopter un nouveau modèle de croissance fondé sur le développement des moyennes et grandes entreprises, véritables moteurs de productivité et de création d’emplois, soutient la Banque mondiale dans ce rapport.
La création d’emplois en Afrique subsaharienne représente un défi énorme que ne peut relever le modèle de croissance actuel.
Activer les leviers de la croissance de l’emploi
La création d’emplois à grande échelle en Afrique subsaharienne dépendra de la capacité à réduire les coûts liés à l’environnement des affaires. Cette amélioration permettra aux entreprises existantes de se développer et encouragera l’implantation de nouvelles entreprises à forte croissance sur le marché africain. Pour y parvenir, il est essentiel de lever les contraintes structurelles qui freinent le développement du secteur privé, en adoptant des politiques visant à : (1) renforcer les infrastructures essentielles et les compétences de la main-d’œuvre ; (2) instaurer un climat des affaires plus favorable ; et (3) consolider les capacités des États et de leurs institutions.
Les infrastructures de base — qu’il s’agisse des réseaux de transport ou des technologies à usage général comme les systèmes énergétiques et numériques — jouent un rôle clé dans la croissance de tous les secteurs productifs. Une énergie fiable et abordable est indispensable au bon fonctionnement des économies modernes. Or, l’accès limité à l’électricité et les coupures fréquentes de courant demeurent les principaux obstacles à l’activité commerciale en Afrique, régulièrement cités par les entreprises comme des facteurs majeurs de hausse des coûts d’exploitation.
Par exemple, il a été démontré qu’un approvisionnement électrique peu fiable en Afrique subsaharienne peut réduire les taux d’emploi de 5 à 14 points de pourcentage. En Afrique du Sud, les récentes coupures d’électricité à l’échelle nationale ont entraîné une baisse de 1,6 point du taux d’emploi. Il est donc crucial de moderniser les infrastructures électriques, d’accroître les capacités de production et d’améliorer la viabilité financière des services publics. L’initiative Mission 300, portée par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, vise à connecter 300 millions de personnes à l’électricité d’ici 2030, contribuant ainsi à améliorer l’accès et la fiabilité énergétique dans toute la région.
Économie numérique. Les politiques publiques devraient prioriser la réduction des barrières financières à l’adoption et à l’utilisation généralisée des technologies numériques, qui ont démontré leur potentiel à stimuler les investissements directs étrangers, à accroître la productivité et l’emploi des entreprises, et à contribuer à la réduction de la pauvreté. L’arrivée des câbles sous-marins à fibre optique a considérablement amélioré l’accès à l’internet haut débit en Afrique, entraînant une hausse de l’emploi de 5 à 7 % dans des pays comme le Bénin, la République démocratique du Congo, le Ghana, le Kenya, la Namibie, le Nigeria, le Togo et la Tanzanie. Les stratégies nationales devraient promouvoir un accès numérique abordable, développer les infrastructures et renforcer les systèmes de données, en s’appuyant sur des installations partagées et des pôles dédiés à l’entrepreneuriat et à la formation.
Transports. L’amélioration des réseaux routiers et ferroviaires, ainsi qu’une planification intégrée des infrastructures, sont essentielles pour relier les centres de production, réduire les coûts logistiques, accroître la productivité et stimuler la création d’emplois.
En Afrique, le transport routier assure entre 80 % et 90 % du transport de marchandises. Pourtant, la région souffre d’infrastructures routières et ferroviaires insuffisantes, ainsi que d’un manque d’acteurs logistiques de grande envergure capables de soutenir le bon fonctionnement des marchés. Cette situation entraîne des coûts de transport élevés, représentant jusqu’à 15 % à 20 % du coût total des importations pour les pays enclavés. On estime que la faiblesse des infrastructures ajoute entre 30 % et 40 % au coût du commerce intrarégional. Combinée aux retards de traitement et aux barrières non tarifaires, elle contribue à une perte de 37 % des denrées alimentaires produites localement.
Capital humain. Le renforcement des compétences en Afrique subsaharienne repose sur la mise en place d’un écosystème de formation capable de produire des résultats tangibles à tous les niveaux.
Cela implique : (1) le développement des compétences fondamentales — calcul, lecture, mais aussi compétences comportementales telles que l’adaptabilité, la gestion du temps, la résolution de problèmes, l’esprit critique, la persévérance, le travail d’équipe, la collaboration, le leadership et la gestion ; et (2) l’acquisition de compétences techniques spécifiques, à travers la revitalisation de l’enseignement technique et professionnel, ainsi que le renforcement des formations avancées au niveau tertiaire. Cet écosystème doit être aligné sur les besoins des secteurs clés de la croissance, tels que l’économie numérique et l’industrie manufacturière — notamment l’agro-industrie, les produits pharmaceutiques, les matériaux de construction et les équipements liés aux énergies renouvelables. Il doit également garantir sa pertinence par une collaboration étroite avec les acteurs industriels.
Un environnement commercial favorable. Pour accélérer la transformation économique et favoriser la création d’emplois plus productifs et durables, les gouvernements doivent s’attacher à renforcer l’écosystème commercial. L’organisation actuelle de la production freine l’expansion des entreprises, limitant ainsi le nombre d’acteurs à forte croissance capables de stimuler l’innovation, la productivité et la qualité de l’emploi. Réduire le coût du capital — en particulier pour les jeunes entreprises à fort potentiel — suppose le développement de marchés financiers plus profonds, offrant des solutions de financement par capitaux propres. Or, ces jeunes entreprises dépendent fortement de financements étrangers, rares et souvent concentrés sur quelques start-ups de premier plan. Plus de 80 % du financement des start-ups africaines provient de l’extérieur du continent. Des régimes fiscaux stables et prévisibles permettent aux entreprises de planifier à long terme, d’investir, de se développer et de créer des emplois. Pour en tirer pleinement parti, les gouvernements doivent investir dans l’administration fiscale, améliorer la qualité des services publics et renforcer les cadres réglementaires.
L’expansion et l’innovation des entreprises sont également limitées par la taille restreinte des marchés nationaux. Les marchés africains sont souvent petits et fragmentés, tant sur le plan géographique qu’institutionnel, avec une intégration régionale encore faible et des barrières commerciales qui entravent le développement transfrontalier.
À l’échelle nationale, des politiques favorables à la concurrence devraient harmoniser les règles du jeu en matière de marchés publics, de licences et de conformité réglementaire. Des réglementations transparentes et prévisibles, associées à une simplification des procédures d’enregistrement, peuvent réduire les coûts et les délais d’entrée sur le marché. Il est également essentiel de renforcer les pouvoirs des autorités de concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et faciliter l’accès au marché pour les nouvelles entreprises. À l’échelle régionale et mondiale, une intégration plus poussée et une meilleure facilitation des échanges sont cruciales. La mise en œuvre effective de la Zone de libre échange continentale africaine représente une opportunité unique de créer un marché intégré et de transformer durablement le paysage économique de la région.
Des États et des institutions compétents. La création d’emplois et le développement d’un environnement commercial sain reposent sur des institutions solides et inclusives. Celles-ci sont essentielles pour garantir la paix et la stabilité, lutter contre la corruption et fournir des services publics de qualité. Des politiques inclusives alignent les incitations en faveur d’une croissance généralisée, tandis que des politiques exclusives favorisent la concentration du pouvoir entre les mains d’élites, faussent les marchés et limitent la concurrence.
De nombreuses entreprises africaines rencontrent des obstacles réglementaires majeurs, souvent contraints de recourir à des pots-de-vin ou à des paiements informels pour accéder à des services essentiels tels que l’enregistrement, la fiscalité ou les marchés publics. Près d’une entreprise sur quatre dans la région — soit environ 1,5 fois la moyenne mondiale — déclare être confrontée à des demandes de corruption pour obtenir des contrats gouvernementaux. La faiblesse de la qualité réglementaire, les conflits et l’instabilité découragent les investissements et entravent l’entrée de nouvelles entreprises. Les réformes de la gouvernance doivent être adaptées aux réalités locales et centrées sur la transparence, la responsabilité et l’efficacité institutionnelle.
La levée des obstacles au développement du secteur privé permettra de libérer le potentiel de croissance dans les secteurs productifs à forte capacité de création d’emplois à grande échelle. Parmi les secteurs les plus prometteurs figurent l’agroalimentaire, le tourisme et l’hôtellerie, les soins de santé, le logement et la construction, les services numériques et l’industrie manufacturière — notamment les chaînes de valeur minières. Les pays doivent agir de manière résolue pour exploiter leurs avantages comparatifs dans ces domaines.
Les emplois aujourd’hui. Pour répondre aux défis de l’emploi, il est nécessaire de mettre en œuvre un programme politique global combinant des mesures à court terme et des stratégies à long terme. Si de nombreuses recommandations de ce rapport visent à promouvoir l’emploi par le biais d’une transformation économique structurelle, il est tout aussi urgent de créer des opportunités immédiates pour les personnes entrant sur le marché du travail ou en quête d’emplois de meilleure qualité. Les investissements dans la santé des adultes et la formation aux compétences techniques et numériques peuvent rapidement améliorer la productivité de la main-d’œuvre.
En parallèle, les programmes de travaux publics et les interventions « cash-plus » — qui associent transferts monétaires, formation ou dotation en actifs — peuvent offrir un soutien immédiat aux populations pauvres et ouvrir la voie à des emplois durables.
En Afrique, les travaux publics de grande envergure intensifs en main-d’œuvre contribuent à lutter contre la dégradation de l’environnement. Ils incluent des initiatives de reboisement, de restauration des terres et de développement d’infrastructures durables. Parmi les exemples emblématiques figurent la campagne Green Legacy en Éthiopie, la Grande muraille verte dans le Sahel, ou encore le projet Climate Smart Enhanced Public Works au Malawi.
Au-delà de la restauration de l’environnement, les services communautaires promeuvent également l’élargissement des opportunités d’emploi. Cela inclut notamment des programmes axés sur les travailleurs de la santé, comme le système de santé communautaire au Rwanda ou les cases de santé gérées par les communautés au Sénégal, ainsi que des centres d’accueil de la petite enfance, tels que le Fonds pour l’emploi social en Afrique du Sud, le programme de DPE à domicile au Rwanda et les crèches mobiles au Burkina Faso.
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