Selon la presse congolaise, le Gouvernement Central a signé, ce jeudi 23 octobre avec le consortium Sino Congo Spécial Zone, un contrat pour la construction de la Cité industrielle Chine-Congo. Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’extension de la ville de Kinshasa. Dans sa globalité, selon les explications, ce projet s’étendra sur 430 km² et couvrira plusieurs zones d’activités économiques, notamment des zones industrielle, agropastorale, résidentielle, administrative et commerciale, une base logistique, une zone verte ainsi que de différents espaces aménagés pour la mise en place des infrastructures de base et plusieurs autres projets intégrés ; en un mot le nirvana congolais.
Dans son mot d’ouverture, l’initiateur du projet a souligné que cette convention, est une étape majeure dans la mise en œuvre du Programme d’actions du Gouvernement qu’il porte, pour une capitale à la mesure des richesses et de la grandeur de la RDC.
Le projet global d’extension de la ville couvre, 21,5 km de longueur et 20 km de largeur. L’investissement total pour la Cité Industrielle est évalué à 12 milliards de dollars, structuré en plusieurs phases de développement successif.
Intervenant lors de la cérémonie, le Coordonnateur du projet d’extension de la ville de Kinshasa, a détaillé les retombées économiques immédiates. D’après lui la cité industrielle comprendra 1 200 unités industrielles et va générer près de 50 000 emplois dans un premier temps et pourrait atteindre les 150 000 emplois dans la suite » ; précisant que la jeunesse congolaise en sera la principale bénéficiaire. Il a ajouté que ce projet est un début de solution considérable pour la décongestion de la ville de Kinshasa actuelle et la création d’un nouveau pôle de développement urbain.
Pour Le Gouverneur de la Ville de Kinshasa, qui n’a pas caché son enthousiasme : « C’est vital, c’est une solution à plusieurs maux que vit la capitale congolaise. On comprend déjà que c’est l’emploi qui va se dégager. Mais également des maux de Kinshasa qui sont résolus : le problème de l’extension, le problème d’embouteillages, mais également de l’urbanisation planifiée, il n’y aura plus d’urbanisation sauvage ». A bien entendre les propos de ce responsable de l’hôtel de Ville, nous pouvons conclure que le projet est une mise en chantier de la production d’une métropole d’équilibre.
Les études de faisabilité et les procédures d’attribution de ces gros ouvrages n’étant pas rendues publiques, il est très difficile d’émettre un avis d’expert sur les mécanismes créateurs de la nouvelle métropole d’équilibre, sur la signification géographique du Town planning dans la région visée, sur le coût de 12 milliards de dollars en fin de réalisation, sur le délai de 10 dix ans, et sur la nécessité de l’accomplissement de cette gigantesque greffe urbaine. Il n’est pas dit non plus dans quelle mesure le town planning se concrétise–t-il et quelles sont ses limites. On a
oublié de spécifier si le vaste mouvement d’exurbanisation animant la ville de Kinshasa conduira à une restructuration polynucléaire régionale. Les présupposés de bénéfices multiples que se targue le projet sont accessibles dans certaines conditions de réalisation méticuleuses mais parfois conduisent à l’inatteignable comme à New York, à Londres ou à Paris avec la cité Saint Denis.
A Kinshasa le problème paraît plus sinueux qu’on ne le pense du fait que Kinshasa depuis 1960 n’a jamais connu un début de décolonisation urbanistique pour aborder les thèmes d’une géographie de grandes métropoles de XXI e siècle.
Cette annonce de zone annexe a une forme qui nous rappelle les années 1960 et 1970 lorsqu’on voyait à la télévision congolaise des présentations, que le kinois fort en thèmes, surnommait le théâtre de chez nous.
La création d’une métropole d’équilibre est un problème complexe qui actionne les leviers tous azimuts de la vie humaine. Lewis Mumford, le Nobel de la discipline qui a passé plus de cinquante ans à décortiquer les grandes villes américaines et anglaises met souvent en garde les pays à la pointe de l’urbanisation, de prendre toutes les précautions d’usage pour aller de la région métropolitaine à la mégalopole, et de ne pas confondre l’architecte avec l’urbaniste.
Bien qu’il ne nous appartienne pas de nous substituer aux porteurs de la réalisation pour informer leurs compatriotes, le lecteur kinois appréciera cependant que nous lui donnions notre avis à ce stade de présentation pour qu’il puisse accompagner en homme responsable le changement dans sa ville.
La mise en place de mécanisme de création, d’agencement de la continuité et la fiscontinuité de l’espace métropolitain d’une superficie de 21,5 km sur 20 km en respectant les seuils d’apparence métropolitaine demandera plus de 25 ans et ne peuvent pas coûter moins de 25 milliards de dollars, même si toute chose reste égale par ailleurs.
En outre, l’annonce ne précise pas si les pre-requisits sur les analyses préalables concernant la mégalopole kinoise ont été effectuées et rendues publiques pour évaluer les chances de bonne fin de la conduite de l’œuvre. Contrairement aux prononcés entendus çà et là, le citadin kinois doit savoir que la pédologie gouverne l’affectation générale des sols au moins autant que la topographie et les décisions de l’homme.
Le risque pour le kinois dans ce genre d’accomplissement de grandes œuvres est de revivre le scénario de la construction de la ligne Inga Shaba en 1975, construction qui au départ devait durer 12 mois et occasionner un coût de plus de 800 millions de dollars américains, a finalement vu sa durée portée à 5 ans et son prix multiplié par 5.
Afin de permettre à l’homme de Kinshasa, bénéficiaire éventuel de cette offre, de comprendre les enjeux colossaux de ce chantier, nous publions ci-dessous quelques indications historiques de base sur l’agglomération Kinoise.
Léopoldville – Kinshasa, bien qu’habitée depuis 26000 ans, autrefois appelée le « Lac des Monts de la lune », au douzième et treizième siècle, la ville garde encore ses vieux plis d’inondation et de squatting avancé en 2025. Le site ne jouit pas de l’unicité géographique et géologique et le risque aux catastrophes climatiques dépendent des emplacements.
L’urbanisation occidentale a été, dans l’ensemble, lente, et elle s’est faite un peu au hasard. Cette lenteur, et ces tâtonnements ont créé un plus long temps d’adaptation, de réflexion, d’improvisation et même de tentatives de planification, qui ont permis de mettre au point et de développer de nouveaux instruments d’action, comme la délimitation des zones à urbaniser et la mobilisation des ressources financières, permettant à l’urbaniste d’affronter la problématique transversale de concentration humaine sur un espace, et de résoudre le défi de la dialectique urbaine.
Par contre Léopoldville-Kinshasa a connu un processus de production de la structure spatiale précipité. Une croissance numérique accélérée, jointe à un étalement latéral que ne contrarie aucune considération défensive, ont créé, au cours du siècle dernier, et de vingt années du vingt-unième siècle, une agglomération aux dimensions encore inégalées dans toute l’Afrique.
Ainsi, en juin 1960, Léopoldville regroupe un peu moins de 400.000 habitants dans un diamètre de 24 km, en 1970 plus de 1.000.000 d’hommes résident dans un rayon moyen de 20 km, et en 2020 la ville compte plus de 11 millions d’individus vivant sur un espace de plus de 100 km de longueur.
L’expansion inconsidérée de l’occupation du site, l’auto construction, la destruction physique du lieu, le chômage, l’insalubrité publique et l’anarchie juridique dans le Droit foncier ; tous ces méfaits nés en 1957, trois ans avant l’indépendance, se sont exponentiellement accumulés pour devenir la norme acceptée dans la gouvernance de la ville.
L’observation faite sur le terrain amène à constater qu’il y a toujours dans la capitale de la R D C deux agglomérations juxtaposées l’une à côté de l’autre : c’est-à-dire une ville coloniale érigée sur le plateau fluvial, autrefois dénommée Léo-Kalina ou Gombe aujourd’hui et la Cité éparpillée dans les zones marécageuses, comprenant les « camp Luka, camp Christ Roi, Camp Otraco, Camp Mombele, Camp Sabena, camp Utexléo, camp Chanic, camp Citas » : bidonvilles semi ruraux érigés au temps colonial pour loger les travailleurs, entourés de toutes les expansions de l’auto-construction anarchique qui depuis 1958 n’ont cessé de s’étendre hors zone.
Aucun évaluateur de bonne foi ne donnerait aux Gouvernements successifs ni à l’Exécutif local, un point sur mille quand on voit combien ils sont à la base de la destruction physique du site, au sabotage et violation juridique du régime foncier ayant régné dans le pays et à l’acceptation de l’anarchie administrative comme mode de gestion des villes dans la République. Personne ne sait qui administre la ville capitale ? S’agit-il du Président, du Premier ministre, du Ministre de l’Intérieur, du Gouvernement de la ville, de différents Bourgmestres de Kinshasa, ou des chefs coutumiers ?
Mégalopole mal structurée au premier abord, Kinshasa ville délaissée, avec des quartiers étalés sans fin dans le maillage de rues en damier, même sur les hautes collines, métropole dégradée avec une énorme périphérie sans équipement de ville, une périphérie informe qui a grandi trop vite autour d’une seule avenue « Boulevard Léopold » noyau ancien hérité de la colonisation ; voilà l’image que le citoyen de ce pays retient de sa métropole.
L’ampleur de la crise urbaine dans une capitale dont la population double tous les douze ans, et ceci depuis 1957 ; l’expansion inconsidérée de l’espace colonisé et les faibles moyens publics pour répondre à la demande en équipements collectifs, obligent à constater la chute du pourcentage de la population bénéficiant des infrastructures urbaines comme l’eau, l’électricité, l’accès aux transports, l’évacuation d’ordures ménagères et l‘accès aux emplois.
Aujourd’hui Kinshasa correspond à la diffusion d’une conurbation bâtie d’une manière hâtive, mais sans qu’on ait la possibilité de ramener son développement à celui d’une classique formation de banlieue. L’étude du fait kinois conduit à déduire à un espace aux limites imprécises et mouvantes, où la progression d’un front urbain contenu en 1950, se sont substitués des processus de croissance incontrôlée, spatialement dissociée en multiples foyers d’occupation, distribués dans le site collinaire de Mont Ngafula, de Kimwenza, de Maluku, ou logés dans les marécages de Mombele, de Kisenso, de Ngaba, de Lemba, ou plantés dans les sables de Mpase, de Masina, et de Kingasani.
Cette urbanisation de subsistance a commencé administrativement en 1889 et confirmée juridiquement en 1913 il y a plus d’un siècle ; quand le Gouverneur général du Congo belge, Monsieur Fuch, pour respecter la doctrine ségrégationniste raciale, prit une ordonnance obligeant les gens de couleur, c’est-à-dire les autochtones considérés comme simples fournisseurs de force de travail, à résider dans les centres extra-coutumiers désignés par un administrateur. « Créons autour du district urbain de Léopoldville des îlots, sous forme mi- rurale, avec possibilité de petit élevage et des cultures vivrières, de manière à pouvoir maintenir les populations noires sur place. Ces unités seront tenues à distance et limitées en importance pour les autochtones ».
Kinshasa se plait de drainer avec elle ce passé vieux de 108 ans. La ville reste avant tout un espace immense appelé, lorsqu’on est à Gombe : Ville de Kinshasa, et quand on quitte le Centre-ville : Cité de Kinshasa ; mais surtout une agglomération d’exaspération des différences, lieux de chômage keynésien, centre de cristallisation de la misère et, quelquefois de la violence.
De l’intérieur comme de l’extérieur, on ne connait pas le vrai visage de Kinshasa ; parce que ceux qui ont à dire ignorent la vraie vie du Kinois ou taisent expressément certains traits indispensables ou fournissent comme à l’époque coloniale belge, des témoignages erronés qui ne faisaient pas ressortir le vrai cadre de vie du colonisé congolais de Léopoldville.
Quand elle parle de cette Ville, la Télévision montre le boulevard Triomphal, le quartier de la Gombe ou le centre des Affaires de l’avenue du Commerce, mais masque les éléments essentiels pour un bon aperçu de réalités de la capitale. Kinshasa n’est pas la Gombe, et ne se résume pas seulement aux buildings du Centre-ville. Le cœur de la mégalopole congolaise est à Masina, à Kisenso, à Mokali, à Mpase, à Ngaba, à Makala ; là où vivent 80% des kinois.
Le marasme urbain de Kinshasa est malheureusement structurel. Il est renforcé par la crise politique sans précédent qui touche le pays depuis la Conférence Nationale en 1992.
L’insuffisance d’emplois impose le recours à des multiples initiatives individuelles pour survivre, que le gouvernement ne tente d’ordonner. Le façonnement des nouveaux quartiers est spontané et s’organise avec l’imagination de chacun. L’opposition demeure fondamentale entre ce qui est perçu comme ville : la ville riche, la ville au travail et la cité ou la ville pauvre, très pauvre.
La mégalopole congolaise grandit essentiellement et de plus en plus nettement sous l’effet d’un dynamisme externe venant des régions rurales du pays ; les clivages socio-professionnels de la population kinoise n’influencent pas les processus d’exurbanisation et ne conduisent pas à une stratification sociogéographique de l’espace métropolitain comme aux Etats-Unis ou en Europe.
Le démarrage de Léopoldville a respecté la doctrine coloniale du dix-neuvième siècle : à savoir la ségrégation raciale et sociologique dans la distribution des lieux de résidence. Ainsi l’érection de la ville a créé deux entités séparées à savoir la ville européenne et la cité africaine où l’édification de la maison est ramenée à sa fonction la plus fondamentale : l’abri. Mais quelque chose d’autre est vécue à Kinshasa aujourd’hui. Ce sont les mots, les débats, les interrelations et les aspirations des gens de Kinshasa qui en font une ville. Les gens l’inventent à partir des lieux de leur vécu. Un simple coin de rue qui, à la tombée de la nuit, était presque déserté devient ainsi, par la magie d’une seule lampe à pétrole, un bouillonnant point de vente où jusqu’à minuit toutes sortes d’activités s’y déroulent.
C’est de cette façon que les Kinois produisent leur ville. L’espace appartient à celui qui le réclame et l’utilise. Sous les arbres qui bordent les grandes avenues, on trouve des restaurants, des garages, des ateliers de construction métallique, des menuiseries, des salons de coiffure, des cimenteries, des bureaux d’écrivains publics, des pépinières, des lieux de culte et toute une kyrielle de services et de Parlement débout. Tout fonctionne à ciel ouvert. À Kinshasa nul besoin de bâtiment pour commencer un restaurant : l’idée de restaurant se suffit à elle-même.
Dans cette ville quel que soit le point du lieu, le jour se lève, le jour s’étire, le jour se meurt, inexorablement. Le voile opaque du matin, tissé par la fumée âcre d’innombrables taudis, est emporté par un brusque assaut de la mousson qui lave le ciel, ou se dissout dans la chaleur scintillante. Les volets s’ouvrent sur les devantures des boutiques, les mendiants s’installent à leur place habituelle, les myriades de journaliers du commerce informel regagnent à pied le lieu de leur travail, les taxi-bus bringuebalent de-ci de-là se frayant avec peine un passage dans les rues encombrées de l’UPN ou de l’avenue de la Victoire, sur les avenues le café se prépare, partout le thé se boit, à chaque coin de l’allée large les pâtes s’exposent aux passants.
Sinistrement, le niveau d’infrastructure : décrépitude, déclin, pénurie, indigence, est partout sensible dans la ville et caractérise aussi dans une importante mesure la façon dont les Kinois ressentent leur cité. Sans cesse revient l’idée de dysfonctionnement, de malaise et de manque. Dans les causeries entre les kinois retentit toujours un même refrain de regrets d’une Kinshasa plus ordonnée, plus propre, moins peuplée, celle de leur jeunesse envolée.
Au cours des dernières décennies, le paysage social de Kinshasa a vu ses bases s’ébranler et se modifier. Il s’est progressivement écarté des anciennes conceptions éthiques et morales fondées sur la solidarité humaine, le respect de biens d’autrui, la réciprocité et l’esprit communautaire. La ville est devenue plus anonyme et aussi moins sûre qu’autrefois. Pour les Kinois, cela se traduit, par, le fait que, de plus en plus, toutes les parcelles habitées se transforment en forteresses, ceinturées par des clôtures qui s’élèvent toujours plus haut après chaque pillage ou chaque élection nationale.
En 1967, la caducité des prévisions coloniales du développement de Léopoldville est officiellement admise ainsi que les besoins de répondre à des conditions nouvelles. L’Etat reconnaît la nécessité d’harmoniser l’emploi, l’utilisation du sol, les transports et le logement, durant les vingt prochaines années et appelle à l’élaboration d’un plan de rurbanisation de l’agglomération de Kinshasa. Tout est resté lettre morte.
Cependant, l’examen des coûts économiques et sociaux du développement spontané de la ville lui a permis de dégager deux risques majeurs. D’une part, la croissance économique ne peut pas se poursuivre durablement si la population de la ville continue de se diriger vers des activités à productivité stagnante. D’autre part, la non-intégration économique et sociale d’une fraction importante et croissante de la population urbaine renforce les inégalités et conduit à un seuil dangereux d’explosion sociale.
La question du régime foncier en RDC soulève des interrogations quant à l’efficacité des textes de loi en vigueur. La complexité du problème vient du fait que l’on touche ici les aspects aussi bien politiques, urbanistiques que juridiques et socioculturels. Le débat porte sur le rôle de l’Etat, dans un contexte de résurgence du pouvoir coutumier, et de carence du Gouvernement à faire appliquer ses lois, avec une Administration foncière corruptible à souhait et complice de toutes les atteintes aux procédures de gestion saine du sol.
Depuis Léopold II en 1878, la colonisation en 1908, l’indépendance en 1960, sans oublier la République de Mobutu en 1965, Mobutu qui pour contourner l’imbroglio du Droit foncier congolais, avait fait voter la loi Bakajika en 1967, jusqu’à ce jour le Droit foncier congolais n’a jamais cristallisé le vote des lois saines et légitimes pour rendre applicable les décrets sur la gestion du sol.
Tout projet sérieux d’amélioration des conditions de vie dans la conurbation de Kinshasa devrait à coup sûr prévoir une réduction du temps et des distances à parcourir dans les trajets quotidiens ; pour éviter de larges avenues submergées par de fleuves ronflants de voitures et des arrêts bus qui fourmillent de visages pressés et tristes.
Mais, si le coût de l’encombrement urbain est considérable, celui des tentatives de décongestion n’est pas moins impressionnant. Il apparaît clairement désormais que l’expansion et la congestion sont des mouvements complémentaires, bien que le premier soit plus accentué à l’origine du cycle de vie de la mégalopole, et le second à sa fin. Nous nous trouvons donc confrontés à une situation qui n’a, semble-t-il, aucun précédent historique. Il serait vain de penser qu’un tel problème pourra être résolu par une simple extension de la capitale.
La conséquence, c’est que l’agglomération urbaine semble pour le moment incapable de faire face à la multiplicité des besoins qui se présentent à elle. Cette incapacité s’est encore accrue, dans certains cas, par des erreurs initiales dans la prévision des aménagements de base, comme l’ancien Gouverneur Général Cornelis en 1956, qui avait arrêté le nombre de 250.000 habitants à Léopoldville, comme chiffre à ne pas dépasser coûte que coûte.
En 2040, Kinshasa hébergera environ 28 millions d’habitants, si la tendance actuelle persiste. La capitale congolaise aura alors un déficit d’au moins 2 millions de Logements, de 25.000 écoles, 2.000 centres de santé et hôpitaux, 1.000 espaces récréatifs, 3 millions d’emploi, des réseaux de distribution d’eau, d’électricité, et de dizaines de milliers d’agents de sécurité bien formés pour sécuriser les citadins et leurs biens. La liste est longue si pas trop longue pour être récitée ici. Tout ce chapelet des manques nous rappelle que le futur de Kinshasa ne pousse pas à l’optimisme. La capitale sera la Mexico d’Afrique, si les mesures correctives de la trajectoire ne sont pas arrêtées aujourd’hui.
Lorsqu’il devient impossible de distinguer si les effets du remède ne sont pas plus nocifs que ceux de la maladie, on peut être sûr que le mal a de profondes racines. Il est plus efficace d’aménager directement, avec une planification ex ante, des nouveaux centres capables d’absorber de façon efficace (parce que mieux planifiée) la montée de la population de la ville.
La forte proportion d’habitants vivant dans les bidonvilles, milite fortement pour l’utilisation des zones foncières « vierges » afin de contourner les très grandes difficultés à mener des travaux urbains de grande ampleur dans des zones déjà densément peuplées mais sans éléments de Droit foncier, permettant la fluidité des espaces disponibles à la construction.
Aujourd’hui, à Kinshasa, la maintenance des installations délabrées, le tout à la poubelle et la construction de nouveaux logements, des écoles et des hôpitaux exigent au moins un budget annuel de 3.000 millions de dollars pendant au moins douze ans si on veut arrêter la descente aux enfers vers les années 2040. Par contre, un budget annuel d’un milliard de dollars, affectés aux travaux de construction peut permettre à la RDC après dix ans, de se doter d’une nouvelle capitale au centre du Congo. Les pays comme le Nigeria, l’Egypte, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, et la Côte d’Ivoire, pays qui accordent à l’urbanisation une attention intelligente, ont réussi à maitriser le gonflement de leurs anciennes capitales par ce stratagème.
En outre, l’économie du développement urbain suggère trois grands types d’évolution spatiale d’une agglomération : l’extension continue, l’intensification et le saut urbain. Pour ce dernier, l’essor s’opère en créant « ex nihilo » une nouvelle capitale au Centre du pays, sur le site qui touche à la province de l’Equateur, à la Province Orientale, à la Province du Kivu, la Province du Kasaï, et non loin de la Province du Katanga et de Bandundu.
Le choix du site tiendra aussi compte de l’élément sécurité de la capitale et des avantages géophysiques qu’offre le lieu. Contrairement au mensonge colonial, Léopoldville est devenue la capitale du pays parce que le site situé à côté de Brazzaville offrait la possibilité de repli en cas des troubles ou de rébellion pour les ressortissants belges lors de la colonisation.
Brazzaville avec son aéroport international, son chemin de fer vers l‘océan a fait pencher le choix vers Léopoldville, préférée à Port Franquit située à l’intérieur du pays loin de la frontière. Il est temps d’y réfléchir, car en s’abandonnant au pragmatisme de laisser la ville sans direction précise, on ne fait que fuir le problème en le cachant derrière une réelle évidence : une hyperurbanisation porteuse d’explosion sociale.
Il est temps de se décider et d’utiliser l’intelligence nationale pour résoudre nos problèmes. Les instances actuelles ne doivent pas cautionner le naufrage organisé, hérité des politiques de blocage de leurs prédécesseurs. On doit sortir de cette incapacité de produire des résultats tangibles qui attestent de l’existence normale d’un Etat. Le pays est figé dans un statuquo nourri par l’iresponsabilité, où trop de bruit, et des campagnes médiatiques servent d’écran de fumée pour masquer l’absence de progrès réels. N’oublions pas que même en Afrique, de nos jours, les grands fronts de colonisation sont suburbains.
Ambroise V Bukassa
Patriote congolais

