Lors de cette première journée (27.10.2025) marquante de la Semaine Nationale du Climat organisée en RDC, en prélude à la COP30 qui se tiendra au Brésil, trois thématiques majeures ont été abordées : les fondements scientifiques du changement climatique, l’économie du climat et les conséquences du dérèglement climatique.

J’ai suivi avec une attention soutenue les exposés de nos experts nationaux, dont la pertinence, la rigueur et l’approche alarmiste ont su captiver l’assistance. Je tiens à saluer la qualité de leur analyse. Toutefois, ces réflexions ne seraient complètes sans une contribution constructive : à la lumière de leurs exposés, je propose que le ministère de l’Environnement porte un projet ambitieux et structurant, celui de la création d’une nouvelle capitale verte pour notre pays.

Face aux défis environnementaux croissants, qui dépassent largement nos capacités institutionnelles actuelles, une telle initiative symboliserait une rupture avec les pratiques anciennes, et engagerait la RDC sur une voie innovante, durable et tournée vers l’avenir. Ce projet, à inscrire dans une vision présidentielle ambitieuse, devrait être conduit sous le leadership déterminé de Madame la Ministre de l’Environnement, la Professeure Marie Nyange, dont la compétence scientifique et la rigueur intellectuelle sont établies.

Je me réjouis de constater que ce ministère regorge de cadres compétents. Cependant, je ne peux m’empêcher d’émettre une mise en garde amicale : les vieux réflexes administratifs, faits de duplicité, d’inertie ou de sabotage interne, ne doivent plus avoir droit de cité. Ce serait injuste de compromettre l’élan réformateur en cours.

Nous avons aujourd’hui à la tête de ce ministère une femme de sciences, économiste forestière de haut niveau, dont l’engagement personnel et institutionnel ne souffre d’aucune ambiguïté. Son profil unique allie compétence académique, légitimité technique et vision politique. Il serait impensable qu’un tel leadership échoue, et je formule le vœu que l’ensemble de ses collaborateurs s’alignent sur son éthique de travail, sa volonté de réforme et son attachement à l’intérêt général.

Car désormais, l’heure n’est plus aux discours, mais aux actions concrètes, mesurables et historiques. Construire une RDC résiliente face au changement climatique exige une gouvernance environnementale cohérente, ambitieuse et exemplaire.

Faut-il blâmer les économistes dans la crise climatique ? Une lecture lucide et transversale

La critique adressée aux économistes pour n’avoir pas intégré le facteur environnemental dans leurs modèles mérite d’être nuancée. Il est réducteur – voire erroné – de considérer que l’économie est uniquement la science de la production. En réalité, la production est un objet d’étude transversal, traité aussi bien par les ingénieurs, les agronomes, les techniciens que par les gestionnaires. Le rôle fondamental de l’économiste est plutôt de « chiffrer, modéliser, prévoir et optimiser » les décisions afin de garantir la rentabilité, la soutenabilité et la continuité des activités.

Dans le processus productif, les choix techniques ne relèvent pas de l’économiste à moins que sa formation n’ait intégré des modules d’ingénierie ou d’économie écologique. C’est donc un « travail interdisciplinaire », et imputer l’échec environnemental à une seule discipline relève d’une simplification abusive.

La réalité du changement climatique, aujourd’hui indéniable, met en évidence une « faillite collective » : celle de nos sociétés, de nos systèmes de gouvernance et de l’ensemble des disciplines scientifiques. Il ne s’agit pas d’un échec des économistes seuls, mais bien « d’une défaillance systémique dans notre manière de concevoir le progrès.

Désormais, il devient impératif d’opérer un changement de paradigme : intégrer systématiquement les considérations environnementales dans nos choix économiques, politiques, techniques et sociaux. Cela suppose la promotion d’une « économie climat », qui allie performance, durabilité et justice intergénérationnelle.

Nous devons donc cesser de désigner des boucs émissaires. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la survie de notre planète et la responsabilité est partagée par tous. Il est temps que chaque acteur – chercheur, décideur, citoyen – accepte de désapprendre certaines logiques anciennes pour réapprendre à penser le développement autrement, dans un monde désormais façonné par l’urgence climatique.

Comment viser le développement durable sans avoir atteint le développement tout court ?

Le véritable fléau qui ronge notre société reste la « pauvreté structurelle », persistante depuis plusieurs décennies. Malgré les discours, les réformes et les politiques annoncées, nous n’avons pas encore réussi à éradiquer ce mal profond. Pendant que certains pays ont franchi les étapes de l’autosuffisance alimentaire, de l’industrialisation et de la transformation économique, « nous continuons à lutter pour satisfaire les besoins de base de notre population ».

C’est à la lumière de leur réussite que ces pays parlent aujourd’hui de « développement durable ». Il s’agit pour eux d’un prolongement logique de leur trajectoire : après avoir atteint un certain niveau de bien-être, ils cherchent désormais à « pérenniser leurs acquis », à protéger leurs ressources et à intégrer les dimensions sociales et environnementales dans leurs modèles de croissance.

Mais pour nous, le défi est tout autre. Nous faisons face non seulement à la stagnation, mais à une régression manifeste dans plusieurs domaines : effondrement des infrastructures, délitement des services sociaux de base, dépendance accrue à l’extérieur, dégradation environnementale non maîtrisée, et perte de repères dans la gouvernance économique.

Dès lors, comment pouvons-nous prétendre au développement durable si nous n’avons pas encore atteint le développement lui-même ? Il est impératif que la RDC établisse d’abord les fondations solides d’un développement réel, fondé sur l’éradication de la pauvreté, la valorisation de ses ressources humaines et naturelles, et la consolidation de ses institutions.

Le développement durable ne peut être un simple slogan ou un emprunt rhétorique au vocabulaire international. Il doit être le prolongement d’une croissance réelle, juste, équitable et maîtrisée. Sans cela, nous risquons de parler de durabilité alors que nous n’avons encore rien bâti à pouvoir rendre durable.

Oui au développement durable, mais avec une approche de fond adaptée à notre réalité

Nous adhérons pleinement à la dynamique mondiale du développement durable, non seulement par devoir de responsabilité planétaire, mais aussi parce qu’elle peut permettre à la RDC d’accéder à des mécanismes de compensation financière en raison de sa contribution significative à la lutte contre le changement climatique, notamment à travers la conservation de ses vastes forêts et tourbières.

Cependant, nous devons rester lucides quant aux approches concrètes de développement sur le terrain. Trop souvent, le développement est réduit à des indicateurs visibles tels que la construction d’écoles, de centres de santé ou de routes. Bien que ces infrastructures soient essentielles, elles ne constituent pas à elles seules la preuve ni la finalité du développement.

Le vrai développement va bien au-delà du béton et des toitures. Il suppose la transformation des mentalités, l’amélioration durable des conditions de vie, la justice sociale, l’accès équitable aux opportunités économiques, et surtout l’autonomisation des communautés locales.

Luc Alouma M.

Chercheur et écrivain en politique publique de développement
Auteur de plusieurs ouvrages et articles scientifiques
Expert fiscal en matière du commerce international
Promoteur d’école privée en RDC

loucasalouma@yahoo.fr

 

By amedee

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